Un océan sans règles, c’est une planète sans avenir

2 août 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : L'armée des États-Unis effectue une maintenance des câbles sous-marins dans l'océan Pacifique, julliet 2016.// SIPA_1607251913

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Un océan sans règles, c’est une planète sans avenir

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La Conférence des Nations Unies pour l’Océan à Nice a été l’occasion de faire le point sur l’univers marin. Les écosystèmes maritimes sont moins explorés que l’espace : seuls 5 % de la surface est véritablement explorée, et seul 0,1 % de la masse liquide océanique a été visitée par l’homme

La Conférence des Nations Unies pour l’Océan (UNOC3), coorganisée par la France et le Costa Rica, qui a rassemblé 61 chefs d’État et de gouvernement, à Nice du 9 au 13 juin, a été l’occasion de faire le point sur l’univers marin -70 % de notre globe et dont les écosystèmes, sont moins explorés que l’espace : seuls 5 % de la surface est véritablement explorée, et seul 0,1 % de la masse liquide océanique a été visitée par l’homme.

La maritimisation de l’économie mondiale

La mondialisation n’est que la maritimisation de l’économie mondiale : entre 1950 et 2020, les échanges par mer ont été multipliés par 20. 90 % des échanges mondiaux sont réalisés par voie maritime, 11 milliards de tonnes, transportées par 50 000 navires, dont 40 % de pétroliers, responsable de 3 % des émissions globales de CO2. L’économie bleue, 3000 milliards de dollars, représente l’équivalent de la cinquième économie mondiale. D’où la priorité d’en assurer la fluidité et la sécurité. On distingue le risque, événement naturel et accidentel de la menace, intervention humaine préalable destinée à nuire, détruire, endommager les navires, leurs cargaisons et leurs équipages.

C’est en profondeur que l’on retrouve les tubes, ces oléoducs et gazoducs dont le réseau s’étend sur 2 millions de km2 ou les près de 500 réseaux de câbles à fibre optique, par lesquels transitent 95 % des flux de données, qui s’étendent sur 1,3 million de km2. Les trois quarts des câbles sous-marins de télécommunications de l’hémisphère nord qui passent par la ZEE de l’Irlande intéressent les navires de « recherche » et les sous-marins russes.

L’OCÉAN, préserver l’avenir de l’humanité, en 100 questions[1]

Cet ouvrage découpé en cinq parties (comment fonctionne la planète Terre, l’activité de l’homme sur l’océan, gérer l’océan et ses ressources, opérer pour préserver notre planète bleue, les enjeux géopolitiques). On sait que les Océans et les mers absorbent 90 % de la chaleur terrestre, captent 25 % des émissions de CO2, et apportent une alimentation pour trois milliards d’humains. Ces ressources sont utilisées par la pharmacie, la cosmétique et, demain, les sociétés minières sont fragiles : 60 % des écosystèmes sont menacés.

Le Traité sur la haute mer en attente de ratification

Au grand dam de l’Élysée, le traité sur la haute mer, qui  couvre 64 % de la superficie des océans, signé par 136 États n’a été, à l’occasion de la Conférence de Nice, ratifié que par 51 États, chiffre inférieur aux 60 ratifications requises. Le texte, adopté en 2023, se donne pour objectif de couvrir 30 % des espaces marins d’aires maritimes protégées (AMP), dont 10 % bénéficiant de protection intégrale. Il régule également l’exploitation des ressources marines génétiques et la mise en place d’études d’impact sur l’environnement.  Bien que considérée comme un Bien commun de l’humanité, la haute mer reste menacée par les appétits à peine dissimulés de grandes puissances minières avides d’en exploiter les ressources. Le 24 avril, Donald Trump n’a- t -il pas paraphé dans le bureau ovale un décret ouvrant la voie à l’exploitation des grands fonds marins au-delà des juridictions nationales.

Géopolitiques des espaces maritimes[2]

Chercheur en géographie et en géopolitique de la mer au CNRS, Sylvain Domergue, livre un ouvrage, agrémenté de nombreux schémas et de cartes sur l’ensemble des questions des espaces maritimes, les bases navales, les 9 points de passages stratégiques majeurs (choke point) dont la plupart en dehors du détroit de Malacca ou du canal de Panama, se trouvent dans le triangle détroits de Gibraltar, d’Ormuz et de Bab el- Mandeb et au sud, le cap de Bonne Espérance.

Des stratégies navales

La stratégie navale, consubstantielle de la stratégie globale des États, se décline de multiples façons dépendant du rôle, des fonctions et des capacités des marines ; l’instrument naval ayant toujours été un puissant vecteur de coercition, apte à transmettre des messages politiques et à exercer des pressions diplomatiques.  Il convient de distinguer la sécurité maritime et la sûreté maritime. Pour l’OMI, la première désigne les risques techniques, indépendants de toute intention malveillante, la seconde, la prévention et la lutte contre les actions humaines volontaires visant à mettre en péril une activité maritime (transports de personnes et de marchandises, infrastructures, flux…). « Tout ce qui n’est pas contrôlé est pillé, et tout ce qui est pillé est contesté », déclarait l’amiral Prazuck, chef d’état-major de la Marine nationale.

À la recherche d’une gouvernance mondiale des Océans : de res nullius au res communis

Diverses institutions l’ont incarnée :  l’IMCO (Organisation intergouvernementale consultative maritime internationale) en 1958 à laquelle a succédé l’OMI (Organisation maritime internationale) en 1982.  Le système onusien couvre la gamme des problèmes touchant à la mer. Programmes régionaux de l’OMI, « regional seas » du PNUE (Programme des Nations – Unies pour l’environnement) 13 « mers régionales » . C’est surtout au niveau des aires et des organismes régionaux de pêche de la FAO que cette coopération régionale développe tous ses effets. On compte 66 grands écosystèmes marins. Mais ce sont les États, qui ont la compétence sur 36 % de la surface des Océans (6 % pour les eaux territoriales limitées à 12 mn, et 30 % pour les ZEE), qui sont les acteurs principaux de la réglementation maritime.

[1] Sabine Roux de Bézieux et Philippe Vallette , Tallandier, 2025, 316 pages

[2] Sylvain Domergue, Armand Colin, 2025, 263 pages

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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