Au sud-est de la Guinée, dans les régions montagneuses de Nzérékoré et de Kankan, se trouve la chaîne de Simandou, un site connu pour abriter l’un des gisements de minerai de fer les plus riches au monde. Ce gisement, d’une pureté exceptionnelle, affiche une teneur en fer estimée entre 65 % et 68 %, un niveau rarement égalé dans l’industrie mondiale. Avec des réserves dépassant les 2 milliards de tonnes, Simandou représente un atout stratégique majeur pour la Guinée et un enjeu économique mondial.
Découvert dans les années 1990, le gisement a connu une histoire complexe marquée par des retards, des litiges et des changements de concession. Le groupe Rio Tinto a obtenu dès 1997 les droits sur les blocs 3 et 4, tandis que les blocs 1 et 2 ont été confiés plus tard au Winning Consortium Simandou (WCS), réunissant plusieurs entreprises chinoises et guinéennes. Ces deux consortiums travaillent désormais en parallèle, sous la supervision du gouvernement guinéen, pour concrétiser un projet attendu depuis près de trois décennies.
Le défi de l’acheminement
L’exploitation du minerai ne se limite pas à l’extraction. Le principal défi est son acheminement vers la mer, condition indispensable à l’exportation. Le gisement de Simandou est enclavé dans une région montagneuse, à plus de 600 kilomètres de l’océan Atlantique. Pour surmonter cet obstacle, un projet colossal d’infrastructures a été lancé : la construction d’une ligne ferroviaire traversant tout le pays et d’un port en eau profonde sur la côte guinéenne.
Cette ligne de chemin de fer, longue de plus de 600 kilomètres, reliera la zone minière au futur port, situé dans la préfecture de Forécariah, près de la frontière avec la Sierra Leone. Ce réseau, baptisé TransGuinéen, est géré par la Compagnie du TransGuinéen (CTG), une coentreprise regroupant Rio Tinto, WCS et l’État guinéen. Les travaux, particulièrement complexes, doivent permettre le passage de trains lourds transportant chaque jour des milliers de tonnes de minerai. Une fois opérationnel, le trajet du minerai depuis la mine jusqu’à la mer pourrait être réalisé en environ 36 heures.
L’objectif est ambitieux : les premières exportations sont prévues pour fin 2025, avec une montée en puissance progressive vers une production annuelle pouvant atteindre 95 à 120 millions de tonnes. À ce rythme, Simandou pourrait représenter jusqu’à 6 % du commerce mondial de minerai de fer d’ici la fin de la décennie. Ce volume pourrait bouleverser les équilibres du marché, dominé depuis des décennies par les mines australiennes et brésiliennes.
Un enjeu africain et mondial
Pour la Guinée, l’enjeu est immense. L’exploitation de Simandou pourrait transformer l’économie nationale, en générant des recettes d’exportation considérables et en stimulant le développement d’infrastructures durables.
Les défis politiques et économiques sont également présents. La Guinée, marquée par une instabilité institutionnelle récurrente, doit garantir un cadre stable et clair pour les investisseurs tout en défendant ses intérêts nationaux. Les coûts du projet, estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars, imposent une coopération étroite entre les partenaires publics et privés, mais aussi une rigueur dans la gouvernance et la redistribution des revenus.
L’ouverture de la voie ferrée et du port marquera le point de départ d’une nouvelle ère pour la Guinée : celle d’un pays minier pleinement intégré aux chaînes mondiales de valeur. Mais pour que cette promesse devienne réalité, il faudra que le développement de Simandou se fasse dans le respect des populations, de l’environnement et d’une vision durable à long terme.