Aussi attendues que redoutées, les élections législatives de ce dimanche 26 octobre en Argentine ont fait couler beaucoup d’encre dans la presse locale comme internationale. Favori pour certains, en danger pour d’autres, les sondages n’étaient pas unanimes à la veille des élections de mi-mandat. Pourtant, en obtenant plus de 40% des voix, c’est une victoire aussi écrasante qu’inespérée qu’a obtenue le président argentin.
Un rééquilibrage territorial inédit
Le triomphe de La Libertad Avanza, parti de Javier Milei, est avant tout une approbation au niveau national, une confiance accordée au Président à la moitié de son mandat. Alors que sa politique macroéconomique commençait à porter ses fruits et à répondre aux objectifs fixés de réduction de l’inflation et de rééquilibrage du peso, le Président argentin essuyait médiatiquement un certain nombre de controverses. Initialement critiqué pour un appel à investir sur une cryptomonnaie instable en février dernier, ce sont des soupçons de corruption impliquant la sœur du Président en août qui avaient laissé planer un doute sur la confiance populaire à l’égard de Javier Milei. Ainsi, si sa dynamique électorale semblait enrayée, le score historique obtenu hier dans les urnes avec une participation de 67,85% est venu infirmer cette hypothèse.
Une victoire que la Libertad Avanza doit avant tout à un rééquilibrage territorial inédit. Dans le bastion historiquement péroniste que constitue la province de Buenos Aires, la victoire obtenue avec 47,35% des voix vient opérer un basculement inespéré. Cette percée traduit avant tout un glissement sociopolitique : les classes moyennes appauvries et les jeunes électeurs urbains se sont détournés du kirchnérisme pour exprimer un vote de rupture. Il en va de même dans les provinces du centre et du nord, comme à Córdoba et Mendoza, où les entrepreneurs et les producteurs agricoles ont vu dans Milei le garant d’un État plus léger et d’une pression fiscale moindre, accordant une victoire au président sur les scores respectifs de 42,35% et 53,63% des voix.
Concernant les péronistes, si la défaite est lourde idéologiquement, elle n’est pas suffisamment importante pour les écarter totalement du jeu politique. En obtenant 31,69% des voix, ils ne réduisent que peu leur nombre de sièges à la chambre des députés, passant de 98 à 96 députés. L’addition est un peu plus lourde au Sénat, où ils perdent 8 sièges, en passant de 30 à 22 sénateurs. Bien qu’affaiblis, ils resteront donc la première force d’opposition au congrès et pourront tenter de compter sur les jeux de coalitions pour entraver les projets du Président.
Une victoire au retentissement international
Sur la scène internationale, la victoire de Milei est particulièrement importante. Son homologue et allié américain avait annoncé la couleur avant les élections législatives : si Javier Milei essuyait une défaite électorale, elle aurait signé la fin des aides américaines et du traitement de faveur pour l’Argentine de la part des États-Unis. Un scrutin que le Président Donald Trump a donc suivi de près et qu’il n’a pas manqué de commenter sur son réseau social Truth : « GRANDE VICTOIRE en Argentine pour Javier Milei, un merveilleux candidat soutenu par Trump ! Il nous fait tous bien paraître. Félicitations Javier ! ». Si l’admiration mutuelle entre Milei et Trump séduit une grande partie de l’électorat argentin et va permettre au pays de prospérer économiquement à court terme, elle alimente aussi la méfiance d’une partie du monde politique argentin, soucieux de préserver une diplomatie équilibrée et de ne pas se voir mettre sous la tutelle des États-Unis.
Au-delà des États-Unis, c’est le basculement de tout un alignement diplomatique qui a été légitimé par les citoyens argentins. Historiquement assez neutre sur les questions internationales, le gouvernement argentin consolide peu à peu son rapprochement avec Washington et Tel-Aviv, au détriment de ses liens historiques avec Pékin et Brasilia. Ce choix pourrait alors favoriser les flux d’investissements occidentaux, mais risque également d’isoler l’Argentine de ses partenaires économiques naturels du Mercosur. Ce vote, ajouté à la récente victoire du centre droit en Bolivie, pourrait à moyen terme reconfigurer la scène économique de la région et cristalliser les tensions autour de l’exploitation de secteurs clés comme celui de l’énergie.
Un plébiscite entre consolidation du pouvoir et défis d’avenir
Il apparaît clairement que la large victoire du président argentin ne se résume pas à une performance électorale, mais constitue un moment charnière pour l’avenir du projet libertarien et pour la stabilité institutionnelle du pays. La Constitution argentine prévoit que la Chambre des députés, comportant 257 sièges, se renouvelle de moitié tous les deux ans et que le Sénat renouvelle un tiers de ces 72 sénateurs tous les deux ans. Après de premiers résultats favorables en 2023, le président argentin s’est donc félicité ce dimanche de voir plus que doubler le nombre de députés de son parti, passant de 37 à 101 sièges. Au Sénat, la dynamique est la même, La Libertad Avanza passe de 6 à 20 sièges, permettant à Javier Milei de promettre d’ores et déjà « le gouvernement le plus réformiste de l’histoire de l’Argentine ». Ainsi, pour la première fois, Javier Milei dispose d’une assise parlementaire suffisante pour avancer ses réformes. Bien que déjà largement entamées, elles restaient jusque-là tributaires d’une approbation fragile au parlement et d’une censure régulière des décrets que le président tentait de faire passer.
Cette victoire est celle d’un président bien sûr, mais également celle d’un système doté d’institutions solides qui a permis à un président de gouverner sans majorité au parlement durant deux ans. Le fait de tripler sa base parlementaire ouvre à Javier Milei une fenêtre d’opportunité historique pour transformer ses idées radicales en véritable politique d’État. Elle l’oblige aussi à devenir un gestionnaire de grande puissance mondiale, non plus seulement l’outsider politique tentant de remédier aux problèmes structurels de son pays. Si les Argentins ont fait le choix de la confiance au président actuel, le succès politique devra maintenant s’accompagner d’améliorations tangibles promises durant la campagne : inflation maîtrisée, revalorisation de la monnaie, croissance significative et restauration du pouvoir d’achat. Sans résultats économiques rapides, la légitimité populaire de Milei pourrait s’éroder aussi vite qu’elle s’est consolidée.









