Les COP : beaucoup d’illusions

10 décembre 2025

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Les COP : beaucoup d’illusions

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La COP 30 à Belém a démontré que ces grands raouts aboutissent à peu de résultats tangibles. Ingénieur et fin connaisseur des politiques énergétiques, Samuel Furfari analyse dans son dernier ouvrage le fonctionnement de ces COP et les raisons de leurs illusions.

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Samuel Furfari, La vérité sur les COP, trente ans d’illusions, L’Artilleur, 2025, 335 pages

Alors que la COP 30 de Belém a sauvé la face, mais pas le climat, la plupart des observateurs, et même les vétérans de ces interminables négociations climatiques, conviennent désormais que cette formule réunissant jusqu’à 85 000 délégués a fait son temps¹. Pourtant, la Turquie et l’Australie se sont affrontées pour accueillir la COP 31 en 2026 et l’Éthiopie a été choisie pour abriter la COP 32, première nation africaine à le faire. À Belém, aux portes de l’Amazonie, il n’y a eu aucun sursaut. La défiance structurelle entre le Nord et le Sud a persisté.

Comprendre les COP

Les études, comme l’indique Samuel Furfari, ingénieur, docteur en sciences appliquées, qui a travaillé 36 ans à la direction générale de l’énergie à la Commission européenne, dans son ouvrage documenté et articulé, montrent que les Français semblent beaucoup moins préoccupés par le changement climatique qu’il y a six ans. Évolution des mentalités ou simple fluctuation conjoncturelle ? La crise sanitaire, les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, la crise économique et son cortège de calamités – inflation, pénuries, pouvoir d’achat en berne – ont relégué la lutte contre le réchauffement en arrière-plan. La France, en général, et sa façade méditerranéenne, en particulier, subissent les effets concrets de ces changements (inondations, tornades, incendies, etc.). Malgré cela, les récents sondages montrent que l’opinion publique se soucie davantage d’autres sujets.

Selon un sondage de l’IFOP publié le 25 août 2025, cité par le Monde, la protection de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, qui arrivaient en tête en 2019, ne pointent plus qu’en 16e position des préoccupations des Français, cités par 45 % des sondés, loin derrière la santé (80 %), la délinquance (72 %) et l’inflation (58 %). Les mêmes Français, dans une étude d’Ipsos en juin en vue des municipales, placent la préservation de l’environnement en 2e position des missions des maires, derrière la sécurité. Les 2,3 millions de signatures recueillies en ligne contre la loi Duplomb, qui rouvrait l’autorisation de certains pesticides en agriculture, prouvent aussi que la capacité de mobilisation sur ces sujets n’est pas totalement anesthésiée.

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COP 30, Bélem, Brésil. (Photo: by Oswaldo Forte/Fotoarena/Sipa USA)

Moins d’attention au climat

Tout le monde s’est accordé, avant la COP 30 de Belém, port industriel de 1,3 million d’habitants (10-21 novembre 2025), pour estimer que celle-ci devait être celle des décisions et de la vérité. Dans sa tribune au Figaro du 6 novembre, quatre jours avant l’ouverture du grand marathon annuel du climat, le président Luiz Inacio Lula Da Silva a proclamé qu’il était temps de s’engager pour atteindre les objectifs fixés à Paris en adoptant une feuille de route. Mais celle-ci n’est pas toujours visible. La COP 21 de Paris a été guidée par les 3 S (« Science », « Société » et « States), tandis que la COP 21 de Belém s’est concentrée sur 3 I : « Implementation » (exécution), « Inclusion » et « Innovation ». Mais on ne peut pas dire que l’on soit arrivé au résultat escompté. Dix après l’accord de Paris², dont on connaît l’objectif, de limiter l’augmentation des températures avant la fin du siècle à 2 °C et « si possible » à 1, 5 °C, il est largement admis par la communauté scientifique que l’objectif de 1,5 °C est désormais hors de portée et que l’on se situe désormais sur une trajectoire de hausse de 2, 3° à 2,5 °C, au lieu des 2,6 ° – 2,8 °C prévus auparavant.

Beaucoup d’illusions

Certes, estime-t-on, si l’accord de Paris n’avait pas été adopté, le monde se serait dirigé vers un réchauffement planétaire moyen d’au moins 4 °C d’ici la fin du siècle, soit 114 jours de plus de chaleur par année. Mais Samuel Furfari, dans son solide ouvrage, indique que, depuis la Conférence de Rio de 1992, les GES ont augmenté de 65 %. On doit constater qu’en dehors du véritable déchaînement de Donald Trump, on a assisté ces derniers mois à un revirement de bon nombre de donateurs, comme Bill Gates, qui en appelait à détourner leurs fonds vers d’autres priorités, comme la lutte contre la pauvreté, les maladies et la faim dans le monde. « Même si le changement climatique aura de graves conséquences, il ne causera pas la fin du monde, suscitant l’ire des scientifiques du climat.

Les COP sont s ans doute contestable, mais difficilement remplaçable, concédait Laurent Fabius, qui pilote le Cercle des présidents de la COP auquel Samuel Furfari rend hommage pour avoir été l’artisan de l’accord de Paris. Mais ce dernier constate que, finalement, cette philosophie de la COP du contrôle et de la réglementation a échoué, puisque, en définitive, les États sont libres de choisir leur trajectoire climatique. Il pourfend les compromis de façade au détriment des décisions concrètes. Il n’a pas de mal à montrer qu’en dépit des intenses efforts de préparation diplomatiques en amont des COP, l’absence de véritable leadership n’a cessé de peser sur le déroulement des négociations.

Finalement, résigné, Samuel Furfari admet qu’en dépit de ses résultats de plus en plus maigres, les COP vont perdurer. Les activistes du climat ont besoin de l’exposition médiatique, les politiques cherchent à mettre en valeur leurs luttes et être sur la photo, alors que les experts et scientifiques jugent non sans raison que ces rendez-vous sont utiles.

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¹ Voir le tableau de la page 179 indiquant le nombre de participants officiels. Ce nombre est passé de 3969 COP1 de Berlin en 1995 à 85 000 inscrits, dont 97 372 accrédités à la COP 28 de Dubaï. À Belém, « 56 114 délégués ont été accrédités. »

² Entré en vigueur le 4 novembre 2016, il est ratifié par tous les Etats, sauf l’Iran, la Libye, et le Yémen. Les États-Unis en sortiront pour la deuxième fois.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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