Le polo olympique : un instrument oublié de paix et de dialogue international

28 décembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Finale de polo : Pilot Polo contre La Elina Polo Team, en Floride, États-Unis, à l’International Polo Club Palm Beach, Wellington, Floride, États-Unis – 24 avril 2022 © Yaroslav Sabitov/SIPA

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Le polo olympique : un instrument oublié de paix et de dialogue international

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Le sport a toujours été un miroir des sociétés et, dans ses manifestations les plus nobles, un vecteur de valeurs universelles. Loyauté, esprit d’équipe, maîtrise de soi, respect de l’adversaire : autant de qualités que le polo, sport équestre millénaire, a incarnées au fil des siècles. Et pourtant, ce sport a disparu des Jeux olympiques depuis 1936, alors même qu’il avait été présent à cinq reprises entre 1900 et 1936. Sa réintroduction ne serait pas un simple retour à la tradition, mais un acte stratégique de diplomatie culturelle et de promotion de la paix.

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Par Antoine de Chemellier

L’histoire du polo olympique a reflété avec acuité les rapports de force et tensions géopolitiques, les transferts culturels et l’indépendance des nations. En 1936, le respect mutuel et la camaraderie entre cavaliers contrastèrent grandement avec le climat politique ambiant, soulignant la dimension de « micro-diplomatie » du polo. La médaille d’argent de l’Inde en plein jeux nazis devient même un symbole éclatant de fierté nationale et d’émancipation coloniale. Ce fut également le cas avec la participation de l’équipe d’Irlande en 1908, 30 ans avant son indépendance.

Car le polo n’est pas seulement un sport : c’est une école de civilisation. Winston Churchill, joueur assidu dans ses jeunes années, considérait même un handicap au polo comme étant le meilleur passeport pour le monde.

Une histoire millénaire

Les origines de la discipline remontent à la Perse antique, avant de se diffuser en Asie centrale et en Inde. Importé en Europe par les officiers britanniques, puis en Argentine, où il atteint sa quintessence, il devint rapidement un sport de rencontre et d’émulation, réunissant des cultures, des classes sociales et des nations dans un esprit de loyauté et de fraternité. Sa présence historique aux Jeux olympiques n’était pas fortuite : il incarnait déjà l’idéal olympique de rencontre pacifique entre peuples, au-delà des rivalités politiques.
Dans le nord‑est de l’Inde, la forme traditionnelle du polo, appelée Sagol Kangjei, a servi historiquement de véhicule de paix et d’échanges entre seigneurs et diplomates locaux, bien avant sa codification moderne.

Au Pakistan, le Shandur Polo Festival, qui se tient chaque année au col de Shandur entre Gilgit‑Baltistan et Chitral, est bien plus qu’un simple match : c’est une catégorie vivante de soft diplomacy. Organisé depuis le début du XXᵉ siècle sur une tradition introduite en 1936 par des officiers britanniques, cet événement rallie des tribus voisines avec leurs rivalités historiques autour d’un jeu qui symbolise la fraternité et la camaraderie plutôt que l’affrontement.

Un lien culturel

Aujourd’hui, le potentiel diplomatique du polo est encore plus significatif. L’Inde et le Pakistan partagent une histoire conflictuelle depuis 1947, mais le polo reste un lien culturel commun très fort. Les compétitions bilatérales, organisées dans un esprit sportif, offrent un espace neutre où la coopération prime sur la confrontation. De même, le polo peut rapprocher d’autres nations : l’Argentine et le Chili, le Mexique et les États-Unis, des pays d’Asie centrale et du Moyen-Orient. Ce sport équestre crée un terrain de respect mutuel où l’adversaire est avant tout un partenaire dans la discipline et la maîtrise.

Mais au-delà de sa dimension diplomatique et culturelle, le polo présente aujourd’hui tous les atouts d’un sport moderne et spectaculaire. La discipline peut être adaptée : polo à cinq joueurs, matchs plus courts et plus dynamiques, autant de transformations qui rendent le jeu plus accessible, moins coûteux et parfaitement compatible avec la logistique des Jeux.
Rapide, stratégique et spectaculaire, il séduit par la combinaison unique de maîtrise technique, d’adresse et d’équilibre entre cavalier et cheval. À l’écran comme sur le terrain, le polo offre un spectacle inédit et élégant, capable de séduire un public international et jeune.

Finale de polo : Pilot Polo contre La Elina Polo Team, en Floride, États-Unis, à l’International Polo Club Palm Beach, Wellington, Floride, États-Unis – 24 avril 2022
© Yaroslav Sabitov/SIPA

Sport équestre

Sur un plan éthique et civilisateur, le polo partage avec les autres disciplines équestres olympiques cette alliance intime entre l’homme et l’animal, et peut être pratiqué dans le respect strict du bien-être des chevaux. Son retour aux Jeux serait aussi un symbole : celui d’un sport qui allie rigueur, audace, discipline et stratégie, qualités qui reflètent la grandeur de l’olympisme.
Réintégrer le polo aux Jeux olympiques serait bien plus qu’un hommage à l’histoire, mais bien un geste d’avenir. Ce serait reconnaître que le sport, lorsqu’il est pratiqué dans le respect de ses valeurs fondamentales, est un instrument de civilisation. Il offre un langage commun, un terrain neutre et un symbole tangible de fraternité entre nations.

Dans un monde où les tensions internationales s’accentuent et où la diplomatie traditionnelle montre parfois ses limites, le polo pourrait redevenir un catalyseur de paix, rappelant à chacun que la compétition peut être un instrument de rencontre et non de division.

Ainsi, le Comité International Olympique aurait l’opportunité, par une décision audacieuse, mais profondément cohérente avec l’esprit olympique, de faire du polo un véritable ambassadeur de paix, capable de transformer chaque terrain en un lieu de dialogue et chaque match en un geste de réconciliation symbolique. Le comité olympique déciderait ainsi de faire de ce sport équestre millénaire un art diplomatique au service de l’humanité.

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Antoine De Chemellier

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