<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Adieu les techniciens. L’Italie à l’épreuve d’un gouvernement politique

26 juillet 2023

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Photo : La leader des Frères d'Italie Giorgia Meloni, le candidat de centre-droit à la mairie de Rome Enrico Michetti et le leader de la Lega Matteo Salvini lors d'une conférence de presse à Rome (Italie), 13 octobre 2021 Crédits: Massimo Di Vita/Mondadori Portfolio/Sipa USA
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Adieu les techniciens. L’Italie à l’épreuve d’un gouvernement politique

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Après l’ère de Mario Draghi, un technicien au service du pays, ou comme l’ancien Premier ministre s’était qualifié de « grand-père au service des institutions », Giorgia Meloni est arrivée au Palazzo Chigi. Et avec elle un gouvernement « fortement politique » qui manque à l’Italie depuis plus de dix ans.

Après des débuts internationaux avec le premier face-à-face à Rome entre elle et Emmanuel Macron – une rencontre informelle éphémère immédiatement après sa prise de fonction au Palazzo Chigi –, Meloni n’a pas simplement inauguré l’ère de la première femme à la tête de l’exécutif italien. Mais surtout la fin d’une parabole qui a vu quatre gouvernements « techniques » se succéder en Italie en seulement vingt ans. Et parmi les grands pays européens, l’Italie est la seule à en avoir eu.

L’adieu aux gouvernements techniques, ou gouvernements nés de compromis parlementaires, a été immédiatement souligné par le Premier ministre Meloni le 23 octobre 2022, lors de son premier jour de travail à la tête du gouvernement. De là a commencé la chevauchée pour transformer les promesses électorales en choix concrets et en réformes que les techniciens, équidistants politiquement des partis en compétition, au pouvoir par le passé au sein d’un exécutif technique – « gouvernements larges », « neutre » ou « gouvernements du président de la République » (dont le rôle en Italie ces dernières années a été essentiel pour la création de majorités parlementaires et de gouvernements, alors que les résultats des élections ne donnaient pas une indication claire et précise du vainqueur) – n’ont pas pu mettre en œuvre, parce qu’ils n’étaient pas soutenus par un soutien populaire clair et, surtout, une indication précise des électeurs.

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Lors des dernières élections, cependant, les partis sont revenus sur le devant de la scène. La politique gouvernementale est (comme elle devrait normalement l’être) décidée au sein des partis d’une même coalition. Meloni conduit le Palazzo Chigi. Les ministres – issus de sa créature, Fratelli d’Italia, et des principaux alliés, Lega (le parti dirigé par Matteo Salvini) et Forza Italia (dont le leader est encore aujourd’hui Silvio Berlusconi) – complètent une équipe de « droite-centre », formée en un temps record malgré les déceptions de ses alliés face à leurs performances respectives pas si brillantes.

Les élections de 2022 ont en effet aussi changé l’équilibre de la coalition qui était de centre-droite. Cependant, le programme a été rédigé ensemble et soumis aux électeurs. Et toutes les âmes de l’alliance historique ont trouvé une synthèse autour de choix et d’arguments qui ne sont pas seulement l’expression d’un parti de droite. Bien sûr, Meloni s’est présentée en expliquant qu’elle voulait travailler à la « défense des intérêts des Italiens », un slogan qui a été la figure de la campagne électorale l’ayant conduite à la tête de toute la coalition. Mais elle n’est pas seule. Et la médiation, au cours de ces premiers mois, a été constante entre les alliés Salvini et Berlusconi malgré quelques distinctions qui subsistent.

Non seulement le gouvernement a changé en Italie, mais aussi l’opposition

Rejeté aux urnes déjà en 2013 et 2018, le Parti démocrate (PD) a également perdu en 2023. Le centre-droite (devenu droite-centre) a triomphé aux élections politiques de septembre 2022. Mais depuis quelques mois, le PD tente déjà de trouver une sève politique gagnante avec l’arrivée de la nouvelle secrétaire Elly Schlein : elle aussi est une femme, militante ; mais contrairement à Meloni, elle est écologiste et gauchiste. Une secrétaire du parti qui, jusqu’à quelques mois, n’était même pas inscrite au PD (elle l’avait quitté à l’époque du secrétariat de Matteo Renzi). Son élection – passée par les primaires du parti – a marqué une rupture avec le passé. Ces dernières années, le PD a en effet été perçu comme le parti gouvernemental à tout prix, même lorsqu’il perd les élections. Cette posture ultra-institutionnelle n’a pas plu à beaucoup d’électeurs de gauche, qui l’ont d’ailleurs abandonnée : aujourd’hui, avec la pasionaria Schlein à sa tête, ils pourraient choisir à nouveau le principal parti de centre gauche en Italie (et revoter le PD grâce à elle). Ce qui semble attesté, c’est que le PD fondé par Walter Veltroni en 2007 n’existe plus en tant qu’idée de parti. Et il n’y a même plus le dernier secrétaire masculin qui a mené les « dem » à la défaite lors des dernières élections : cet Enrico Letta qui venait de la tradition catholique et populaire, et qui avait fait du PD un contenant hétéroclite, mais un peu vide de contenu. La seule arme de propagande électorale de Letta était de proposer aux Italiens une gauche modérée comme alternative à l’avènement de Giorgia Meloni. Qui, malgré les prévisions faites par ce dernier pendant la campagne électorale, a plutôt entamé une trajectoire droite-centre ayant en moins d’un an déjà produit quelques résultats positifs : en termes de croissance économique et de confiance des marchés, par exemple.

Cependant, il ne suffit pas de faire des projets de dépenses, il faut aussi des projets de réforme. Et nous verrons si pendant la législature – dont la durée naturelle en Italie serait de cinq ans – la majorité de droite-centre et ce gouvernement formé en un temps record, compte tenu du large résultat électoral, sauront les mettre en œuvre : en ne renonçant pas à présenter aussi des propositions capables de convaincre également la Commission européenne. Non seulement les compétences identifiées jusqu’ici seront nécessaires, mais aussi de fortes doses de diplomatie…

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Francesco De Remigis

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