[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Chaque numéro de Conflits ouvre une réflexion sur un sujet controversé en s’appuyant sur un article engagé dont le ton invite à réagir.[/colored_box]
La mode est au « Obama bashing », le dénigrement systématique du président américain. L’homme qui avait reçu le prix Nobel de la Paix à peine élu, en octobre 2009, fait l’objet aujourd’hui de critiques parfois contradictoires, mais toutes acerbes : mou, irrésolu, bravache contraint à la reculade en Syrie, cynique qui conserve Guantanamo, espionne ses amis et a déjà lancé sur ses ennemis (ou à côté d’eux…) dix fois plus de drones que George Bush.
La critique vient surtout des républicains américains, cela ne surprendra pas. En janvier 2012, sa directive stratégique de défense (Defense Strategic Guidance) leur a fait craindre une « politique impérialiste de bon marché », tant les dépenses militaires américaines sont appelées à baisser dans les dix prochaines années.
Il n’en est rien. Obama signe la fin d’une vision périmée des enjeux géostratégiques américains tels que les envisageaient les néo-conservateurs. Barack Obama a pris conscience que le monde avait changé. Que la parenthèse exceptionnelle ouverte par la fin de la guerre froide, qui a fait parler d’« hyperpuissance américaine », s’est refermée. Que l’Amérique ne dispose plus des moyens économiques et humains d’être les gendarmes du monde. Qu’elle doit réinventer les modalités de son interventionnisme.
En soldant les deux guerres héritées de l’époque Bush, Obama a réalisé son premier objectif. En annonçant la fin de la guerre contre le terrorisme – « cette guerre, comme toutes les guerres, doit se terminer » a-t-il dit en mai 2013 – il réalise le second. Il sort ainsi d’un carcan idéologique et stratégique qui avait paralysé l’Amérique. En annonçant récemment que plusieurs modèles démocratiques peuvent coexister dans le monde, il a clairement envoyé un message aux démocraties naissantes au sud de la Méditerranée : nous ne vous imposerons pas un modèle de démocratie libérale occidentale.
L’Amérique a nettement plus à gagner d’un monde pacifié, et nous avec. Obama a toujours pris soin de ne jamais empoisonner plus que de raison les relations avec les grands émergents. De même, sa grande modération à l’encontre de la Syrie, pourtant largement brocardée, traduit une vision géopolitique plus mature et moins idéologique. La porte de sortie trouvée avec Moscou ayant abouti au programme de destruction des armes chimiques, sans pour autant armer des rebelles peu fréquentables, est l’illustration de l’efficacité des menaces d’abord proférées par Washington. De même, comment ne pas apprécier à sa juste valeur la main tendue à l’Iran ? Les États-Unis ont parfaitement compris qu’ils ont beaucoup plus à gagner d’un rapprochement avec les chiites, quitte à s’éloigner de l’Arabie saoudite et à en finir ainsi avec une alliance largement contre-nature.
Pour autant, en usant (et en abusant aussi) des drones, Obama s’est donné les moyens d’agir ponctuellement au Pakistan ou au Yémen sans pour autant y envoyer des hommes. Et avec la NSA, de lutter efficacement contre le risque terroriste.
En cela, le président démocrate se fait l’expression d’une opinion publique fatiguée par l’interventionnisme à tout crin. Une opinion publique qui pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale pense (à 52 %) que l’Amérique ferait mieux de s’occuper de ses problèmes que des problèmes du monde.
Ainsi, alors que beaucoup souhaitaient voir en Obama un nouveau Carter, ne doit-on pas parler d’un nouveau Nixon, un chef d’État capable de saisir les mutations d’un monde et de s’y inscrire harmonieusement ?
Crédit photo : suzymushu via Flickr (cc)
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— Revue Conflits (@revueconflits) 28 Mars 2014
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