<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Livre – Le camp des Saints

30 septembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Jean Raspail en 2009 (c) Sipa GINIES - 00573746_000015

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Livre – Le camp des Saints

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C’est en janvier 1973, sous la couverture jaune d’alors des livres édités par Robert Laffont, que paraît un fort roman de 400 pages, écrit à Vallauris et promis à un long avenir, Le Camp des Saints.

Son auteur est un écrivain voyageur de 47 ans nommé Jean Raspail. Depuis une vingtaine d’années, cet ancien scout a sillonné les Amériques, mais aussi l’Afrique et l’Extrême-Orient. Il a vécu en observateur attentif la fin des anciens empires coloniaux. Dès 1970, l’Académie française lui a décerné un prix littéraire pour l’ensemble de son œuvre portée sur les fonts baptismaux par Paul-Émile Victor. Pourtant, c’est bien avec la publication du Camp des Saints qu’il va se rendre célèbre. Dans Mon Dictionnaire géopolitique (PUF, 2019), Frédéric Encel évoque Le Camp des Saints à l’article « Littérature » comme un exemple de roman géopolitique militant. On sait que la géopolitique elle-même a longtemps été considérée comme une science militante. Si l’on doit se méfier de l’emploi du terme « prophétique », l’éclairage de la crise des migrants en Méditerranée nous laisse du moins à penser que son auteur fut autant que d’autres auteurs de géopolitique (on pense à l’historien Jacques Bainville et ses Conséquences politiques de la paix), un visionnaire nourri de l’observation du réel.

L’histoire romanesque contée par Jean Raspail aux lecteurs du Camp des Saints est simple : il imagine des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants pauvres, aux vêtements en guenilles, originaires du sous-continent indien et entassés vaille que vaille sur des navires rouillés allant s’échouer sur les plages de la Côte d’Azur. Incapables de réagir à ce voyage en sens inverse, mais tout aussi fondateur que celui de Vasco de Gama, les autorités françaises, sur lesquelles l’ensemble du monde « blanc » a les yeux braqués, vont reculer après quelques tirs de sommation et une débandade des troupes envoyées pour endiguer le débarquement. Plus que la déliquescence d’une élite, c’est l’effondrement politique et moral d’un peuple et d’une civilisation que Jean Raspail met en scène, sans nulle haine malgré les blessés et les morts qui hantent ce livre. Le prisme principal choisi pour illustrer les dernières résistances de la vieille Europe est un village provençal où vit le principal héros du livre, le professeur Calguès.

À lire aussi : Entretien avec François Nicolas : « C’est en redécouvrant les trésors de notre pays que nous trouverons la force de le rebâtir »

Le Camp des Saints est un roman au vocabulaire dur, qui propose une vision violente de l’avenir. On a pu reprocher à l’auteur de présenter le tiers-monde comme une masse sale et grouillante. C’est un effet littéraire assumé. Sans lequel le tableau apocalyptique qu’il entend nous dépeindre perdrait sans aucun doute de sa puissance : « Les bateaux se vidaient de toute part comme une baignoire qui déborde. Le tiers-monde dégoulinait et l’Occident lui servait d’égout. » Le Camp des Saints est un procès moral infligé aux autorités politiques et religieuses occidentales devenues incapables de défendre une civilisation héritée d’Athènes et Rome face à la menace démographique des pays en voie de développement. La fiction de Jean Raspail se veut un signal d’alarme face à la démission des élites occidentales.

À ceux qui encore aujourd’hui voudraient voir du racisme dans ces pages, Jean Raspail répondait par une phrase placée dans la bouche d’un des derniers défenseurs du vieux monde décrit dans le livre : « Être blanc, ce n’est pas une couleur de peau. C’est un état d’esprit. »

Traduit en huit langues, Le Camp des Saints n’a cessé d’être réimprimé et de faire l’objet de rééditions par son éditeur d’origine, la dernière fois en 2011 avec une préface inédite de l’auteur. À l’occasion de la crise migratoire de 2015, il a atteint les 100 000 exemplaires.

Le véritable sens donné par l’auteur à cette œuvre qui ne saurait laisser aucun lecteur insensible est présent jusqu’à la dernière phrase. Voilà qu’y surgit la comparaison de la vague migratoire décrite dans le roman avec l’effondrement final de l’Empire chrétien d’Orient sous les coups des Turcs en l’an 1453. Raspail cite un prince phanariote qui aurait eu cette phrase : « La chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est arrivé la semaine dernière. » Jean Raspail nous somme de choisir entre la fragilité du camp des libertés et le renoncement fondé sur la haine de soi. Le choix est vite fait.

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Jean Raspail en 2009 (c) Sipa GINIES - 00573746_000015

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Jérôme Besnard

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