Comment l’Italie est devenue l’un des grands exportateurs mondiaux d’armement

19 mai 2025

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Comment l’Italie est devenue l’un des grands exportateurs mondiaux d’armement

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La course au réarmement mondial a déjà commencé. Et elle se traduit par de très bonnes affaires pour le secteur industriel italien de l’armement, qui, en 2024, se hisse à la sixième place des principaux exportateurs mondiaux.

Dans un monde secoué par des vents de guerre et des tensions croissantes, l’industrie italienne de l’armement connaît une ascension remarquable. Au cours du quinquennat 2020-2024, les exportations d’armes ont augmenté de 138 %, faisant de l’Italie le sixième exportateur mondial. Ces chiffres confirment la progression du secteur qui est en pleine expansion, tant sur plan géographique que sur sa valeur. En 2024 l’Italie a exporté vers 90 pays, contre 83 en 2023 et 82 en 2022, un accroissement rendu possible notamment par l’augmentation du nombre total d’autorisations d’exportations délivrées, qui ont atteint 2 569 en 2024, contre 2 101 en 2023. Selon le rapport annuel sur l’exportation d’armements, transmis par le gouvernement au Parlement, les licences d’exportation et de courtage s’élèvent à 7,94 milliards, soit une hausse de 25 % par rapport à 2023 et même de 57 % par rapport à 2022. La part de l’Italie sur le marché international est montée à 4,8 %. L’industrie est en pleine forme, avec des entreprises comme Leonardo, avec un carnet de commandes de 44 milliards d’euros, et Fincantieri, qui atteint 51,2 milliards, jouent un rôle de premier plan.

Le premier pays destinataire de l’exportation italienne a été l’Indonésie avec 15,11% (1,2 milliard €) des parts de marché, principalement pour la vente de deux patrouilleurs PPA de Fincantieri et des services associés. En deuxième position, on trouve la France avec 7,44% (591 millions €), et troisième le Nigeria avec 6,05% (480 millions €), qui a importé des avions de combat légers M-346FA. Quatrième et cinquième figurent le Royaume-Uni et l’Allemagne avec 6,3% (300 millions).

Le Moyen-Orient et l’Afrique occupent une place très importante pour l’industrie italienne de la défense, tant en valeur absolue qu’en termes de dynamiques de croissance. Au Moyen-Orient, l’Italie se positionne comme deuxième fournisseur après les États-Unis, couvrant 13 % des importations d’armements de la région. En particulier, 28 % des armes lourdes ont été exportées vers le Qatar, 18 % vers le Koweït et l’Égypte. Un résultat cohérent avec la politique d’armement menée par l’exécutif italien au cours de ces dernières années. En Afrique les exportations ont également augmenté. En 2024, pour la première fois, les pays d’Afrique subsaharienne ont dépensé plus que ceux d’Afrique du Nord : 587 millions d’euros contre 306 millions. En Afrique subsaharienne, les achats ont augmenté de 501 % par rapport à 2023 et de 2 401 % par rapport à 2022. Les entreprises italiennes ont développé une présence étendue sur le continent. Par exemple, Leonardo (premier exportateur en 2024 avec un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros, soit 28 % du total) est actif dans onze pays africains. En Angola, elle travaille à l’expansion de la surveillance maritime, spatiale et du cyberespace. À Pointe-Noire (République du Congo), elle a obtenu un contrat pour mettre en place le système de sécurité du port.

Il est significatif de constater que la part des transferts intracommunautaires et des exportations vers les pays de l’OTAN a diminué à 44,1 %, tandis que 55,9 % des exportations ont concerné des pays hors UE/OTAN.

Répartition des exportations

Les 15 premières entreprises exportatrices en 2024 concentrent 89,01 % de la valeur totale des autorisations. En tête du classement figure Leonardo S.p.A. avec 27,67 %, suivie de FINCANTIERI S.p.A. (22,62 %), Rheinmetall Italia S.p.A. (6,60 %) et MBDA Italia S.p.A. (6,25 %) : ces quatre entreprises représentent à elles seules environ 63,14 % de la valeur monétaire totale.

Catégories de produits exportés

Une industrie en pleine expansion entre réarmement et exportations

L’Italie a comme objectif celui de répondre à la croissante demande mondiale en armement et de renforcer son propre appareil militaire. Le gouvernement a lancé des programmes pluriannuels pour une valeur de plus de 73 milliards d’euros. Ces investissements, destinés à transformer l’Italie en l’une des principales puissances militaires européennes, alimentent les profits des entreprises de défense, qui enregistrent des commandes record. La sécurité est aujourd’hui une priorité comparable à la santé, un mantra qui reflète l’urgence perçue dans un contexte mondial marqué par les conflits et les incertitudes. Le gouvernement Meloni a d’ailleurs confirmé avoir atteint l’objectif d’augmentation des dépenses militaires de 2 % du PIB. En 2024 la dépense militaire a atteint 38 milliards d’euros, enregistrant une hausse de 1,4 % par rapport à 2023.

L’exportation italienne continuera de croître dans les prochaines années, portée par les facteurs suivants :

  • La course au réarmement est désormais une tendance structurelle, alimentée par des conflits actifs (Ukraine, Moyen-Orient) et un climat géopolitique instable.
  • De nombreux pays, y compris ceux non alignés à l’OTAN, modernisent leurs forces armées, ouvrant ainsi de nouveaux marchés.
  • Le gouvernement italien, en particulier sous l’exécutif Meloni, a manifesté une forte volonté politique de soutenir le secteur, y compris en révisant les réglementations et les procédures d’exportation.
  • L’augmentation des échanges avec l’Afrique et le Moyen-Orient témoigne d’une capacité croissante à pénétrer les marchés hors OTAN.
  • La tendance italienne à pousser la diversification des marchés et des clients pour se protéger contre d’éventuelles baisses de la demande européenne.

L’Italie, bien qu’elle ne fasse pas partie du cercle restreint des grandes puissances du secteur de la défense, comme les États-Unis ou la France, consolide progressivement sa présence sur le marché international de l’armement. Cette croissance, moins visible que celle des grands acteurs mondiaux, est néanmoins stratégique et soutenue par une combinaison de facteurs : une haute compétence technologique, une capacité de production polyvalente et un tissu industriel solidement implanté, capable de répondre à des besoins variés dans des contextes géopolitiques différents.

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À propos de l’auteur
Edoardo Secchi

Edoardo Secchi

Entrepreneur, investisseur, conseilleur économique. Président fondateur d’Italy-France Group et fondateur du club Italie-France.

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