<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Dans les pas de Rome

11 octobre 2025

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Dans les pas de Rome

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Avant d’être une ville, Rome est une idée déployée dans une civilisation. Rome n’est pas qu’à Rome, mais partout où la civilisation romaine s’est diffusée, partout où elle a essaimé des cités. Volubilis comme Lutèce, Leptis Magna comme Nîmes sont Rome. Avec leur forum et leurs thermes, leur plan d’urbanisme, le cardo et le decumanus qui se croisent, les modes de vie qui se distinguent, les théâtres et les dieux. Il y a Rome et il y a de nombreuses autres Rome partout dans l’Empire.

Article paru dans le N°57 de Conflits. 

Rome vit des clichés tout en devant y échapper. La dolce vita, alors que la ville a connu l’âpreté des sièges et des guerres. Les glaces et les fontaines où l’on jette des pièces de monnaie, alors que Rome est beaucoup plus que ça.

Une histoire de familles

Rome est d’abord une histoire de familles. Celle d’Énée, prince grec de Troyes, dont les descendants furent Romulus et Remus. Celles de la Renaissance et de l’époque moderne, les Barberini, Colonna, Farnèse, Pamphili, qui ont laissé des palais à leur nom, qui ont soutenu des artistes, qui ont gouverné par l’épée, la monnaie et l’art, qui ont donné des cardinaux et des papes. S’il n’y avait pas eu l’Église, Rome aurait disparu. C’est elle qui a transformé les temples des divinités déchues pour en faire le lieu de culte de la nouvelle foi. C’est elle qui a repris la langue, les concepts philosophiques, les vêtements liturgiques, la pensée juridique, l’idée d’empire, en y ajoutant l’opposition fondamentale entre le pape et l’empereur, le combat pour la vie ici-bas et le combat pour l’au-delà. La civilisation romaine n’a pas disparu, elle a évolué et muté et perpétué dans le christianisme. Ancien mausolée de l’empereur Hadrien, le château Saint-Ange est désormais l’un des lieux du Saint-Siège. Ancien champ où les chrétiens étaient persécutés, le Vatican est désormais le lieu de la basilique Saint-Pierre. Le pape, parce qu’il est père, est la tête visible d’une nouvelle famille, qui continue l’histoire de Rome. Une histoire qui ne se déploie plus uniquement sur les flancs de ses sept collines, mais qui s’allonge le long du Tibre, qui va au-delà de ce fleuve, dans le Trastevere, qui s’étend dans des quartiers nouveaux : l’EUR, la Garbatella, le Foro italico.

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Rome est une leçon d’urbanisme. Ses ruelles et ses rues, ses parcs et ses collines, sa maîtrise de l’eau, ses liens avec la province, pour apporter la nourriture et exporter ses productions. Pas de Rome sans son port, Ostie, trop méconnu aujourd’hui des touristes alors qu’il est au moins aussi émouvant et instructif que Pompéi. Pas de Rome sans les connexions au Latium, sans les étés passés dans la fraîcheur des Abruzzes ou à Castel Gandolfo. Rome n’est pas une ville de la mer, quand bien même celle-ci est proche. On la survole pour atterrir à Fiumicino, on l’aperçoit depuis le ciel. Tout parle de la Méditerranée : lumière, cuisine, couleurs, vins, pins, mais à Rome, tout en étant partout, la Méditerranée n’est nulle part. À Naples, c’est le Vésuve qui domine, omniprésent, omniscient. À Rome, c’est la ville qui se voit sans cesse : du fait de la présence des collines, on est toujours en hauteur, toujours avec une vue sur Rome, sous un angle différent. Rome est son propre décor, son propre horizon, sa propre finitude. Du Pincio au Janicule, du Capitole à l’Esquilin, autant de vues, de villes, avec leurs cafés, leurs basiliques, leurs palais. Rome est une ville à deux dimensions : celle de la rue et celle des toits-terrasses. On passe de l’une à l’autre dimension pour changer de vie, de style, de vision. Tout est question de regard, de fraîcheur et d’horaire.

À Rome se rencontrent les légendes des siècles, une accumulation d’histoire, de combats et de peurs. Tout dit ce que nous sommes : le forum où notre civilisation s’est déployée, le Vatican qui la maintient, les artisans et les boutiques qui insufflent la vie quotidienne. Rome a réussi l’exploit d’être une ville mondiale, qui attire touristes, étudiants et travailleurs du monde entier, sans perdre ce qu’elle est, ni renier son histoire. Chacun vient à Rome avec ses idées et trouve dans la ville de quoi les déployer.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Ircom. Rédacteur en chef de Conflits.

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