<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Éditorial : L’industrie de la bonne conscience

5 décembre 2024

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Éditorial : L’industrie de la bonne conscience

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Acteurs incontournables des relations mondiales, les ONG jouissent d’une image positive. En intervenant sur l’ensemble des continents, en touchant de nombreux domaines économiques, les ONG ont imposé l’image d’une organisation qui œuvre au bien commun. La réalité est un peu plus complexe.

Éditorial de la Revue Conflits n°54, dont le dossier est consacré aux ONG, bras armés des États.

Encerclement cognitif. Évidemment, personne ne peut rester insensible à un enfant qui meurt de faim, à des civils qui souffrent dans des camps. Personne ne peut rester muet face aux guerres, aux drames humains, à l’injustice. Profitant de cette humanité spontanée présente en Occident grâce aux vertus chrétiennes, les ONG ont opéré un véritable encerclement cognitif en imposant l’idée que leurs actions seraient, par nature, toujours bonnes, désintéressées, neutres et surtout utiles. Qu’il s’agisse de sauver les pandas et les baleines, d’éteindre une famine, de faire reculer une épidémie, les ONG savent mobiliser l’attention internationale, lever des fonds privés, se nourrir de fonds publics et construire une image lumineuse, dont tire profit une armée de bonnes âmes composée de chanteurs, acteurs, people qui, en échange d’un peu de temps consacré à la bonne cause, assurent leurs relations publiques. Derrière l’image relayée, la réalité est un peu différente.

Guerre économique. Financées par les États et les grandes multinationales, ou des fonds financés par elles, les ONG sélectionnent leurs causes. Il n’est pas rare, ô surprise, que leurs combats servent les pays et les fondations qui les financent. Quand Greenpeace s’en prenait à la France et à ses essais nucléaires dans le Pacifique, c’était un moyen pour les États-Unis d’affaiblir un allié encombrant. Quand une ONG humanitaire accuse Total de pratiquer le travail forcé en Birmanie, c’est pour, à coups de mensonges, faire partir l’entreprise française afin que les contrats d’exploitation puissent être signés avec une autre entreprise. Par exemple, le fruit du hasard sûrement, une compagnie pétrolière américaine qui finançait ladite ONG. Dans la dénonciation des dictateurs africains et des souffrances des civils, des choix s’opèrent : certains pays font la une de l’actualité, d’autres, qui connaissent pourtant des drames similaires, sont étrangement absents. Financées par les États, dans le cadre de leur budget consacré à l’aide au développement, les ONG doivent intervenir dans les pays sélectionnés par leur pays et pour des projets dont le choix est toujours politique. Dans bien des cas, l’humanitaire est une colonisation par d’autres moyens. Une façon d’assurer une présence, de cultiver des réseaux, de disposer de leviers de renseignement et d’action. Recevant l’argent et les ordres des gouvernements, les ONG en question n’ont de « non gouvernemental » que le sigle.

Échec humain. « L’aide publique au développement est une excellente méthode pour transférer de l’argent des pauvres des pays riches aux riches des pays pauvres. » Cette sentence de Peter Bauer, en 1984, résumait tout le paradoxe de l’industrie de l’humanitaire, notamment portée par les ONG : derrière les grandes déclarations et les belles démonstrations se cachait une triste réalité : les pays touchés par l’aide n’ont pas été développés, mais au contraire, appauvris. Poursuivant son analyse dans Mirage égalitaire et tiers-monde, l’économiste démontrait que ce sont les échanges, les inventions, les innovations technologiques qui permettent de sortir de la pauvreté. Des pays comme le Vietnam, la Corée du Sud, la Chine, en témoignent. Par ses découvertes, Louis Pasteur a plus fait pour lutter contre la pauvreté que toutes les bonnes âmes, souvent manipulées. L’amélioration des techniques agronomiques, la sélection des meilleurs riz, la mécanisation de l’agriculture ont davantage contribué à faire reculer la faim que les paquets de riz pieusement déposés par des enfants du primaire dans la cour de leur école. La mondialisation en somme, la modernisation, l’inventivité humaine sont les véritables moteurs du progrès humain et social. Ce sont eux qui ont permis l’effondrement de la pauvreté depuis les années 1960 et la très nette amélioration des conditions de vie. Ce qui est une très bonne nouvelle pour tous les pays qui ne vivent pas de la manne des ONG.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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