Élections en Allemagne : les jeux sont faits

23 février 2025

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Photo : German Chancellor Olaf Scholz, 14 novembre 2024 //SIPA_2411141852

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Élections en Allemagne : les jeux sont faits

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Jour d’élection en Allemagne. La CDU devrait l’emporter et l’AfD réaliser un gros score. Sans que cela ne change réellement la politique nationale et internationale de l’Allemagne, car la CDU devra gouverner avec une coalition.

Ce 23 février 2025 se tiennent les élections au Bundestag allemand. Ces élections générales étaient initialement prévues le 28 septembre 2025, mais la rupture de la coalition « en feu tricolore » – die Ampelkoalition – réunissant depuis 2021 le SPD, les libéraux du FDP et les Verts ainsi que le vote de défiance dont a fait l’objet le gouvernement Scholz le 16 décembre dernier ont précipité l’échéance.

Course à la Chancellerie

Sont en lice pour emporter la chancellerie fédérale le social-démocrate sortant, Olaf Scholz, dont toutes les chances ne sont pas compromises. Pour la seconde fois de l’histoire, un vert est candidat au poste de chancelier : il s’agit de Robert Habeck, dont le mouvement semble connaître, sur le terrain, un regain d’adhésions. À droite de l’échiquier politique, Alice Weidel représente le parti populiste AfD, tandis que Sahra Wagenknecht, à la tête de l’Alliance qui porte son nom, défend les positions d’un souverainisme situé très à gauche. Le grand favori de cette course pour l’élection du 21e Bundestag reste néanmoins le président de la CDU, Friedrich Merz, dont l’heure semble venue après les longues années de relégation qu’il a connues sous Angela Merkel.

Une élection complexe

Le mode d’élection du Bundestag demeure relativement complexe et constitue l’une des particularités du système politique allemand. Selon l’article 39 de la Loi fondamentale (Grundgesetz), les députés au Bundestag sont élus pour quatre ans.

Les électeurs disposent de deux voix.

L’une, l’Erststimme, qu’ils donnent à l’un des candidats se présentant dans leur circonscription ; le mandat reçu par le candidat arrivant en tête est qualifié de « direct » (Direktmandat).

L’autre, la Zweitstimme, qu’ils donnent à la liste présentée dans leur Land par le parti de leur choix.

Ce sont les résultats de ce second vote qui déterminent la répartition des sièges entre les partis ayant reçu au moins 5% des suffrages exprimés au niveau national ou au moins trois mandats directs par le premier vote. Les sièges obtenus par un parti sont pourvus en priorité par les candidats élus directement dans les circonscriptions, c’est-à-dire pourvus d’un Direktmandat. Les sièges qui restent à pourvoir le sont à partir des listes présentées dans les Länder, dans l’ordre déterminé par les partis eux-mêmes.

Avant 2023, le nombre de sièges au Bundestag variait fréquemment, d’une élection à une autre. En effet, le nombre de candidats élus directement dans les circonscriptions pouvait être si important pour un parti qu’il le conduisait à disposer de plus de sièges que ne lui en octroyait la répartition proportionnelle fixée par le second vote. Ces sièges remportés par des partis localement très soutenus étaient qualifiés de mandats surnuméraires (Überhangmandate). Un rééquilibrage s’opérait par octroi de mandats compensatoires (Ausgleichsmandate) aux autres partis : la répartition proportionnelle des sièges était ainsi garantie par leur augmentation.

La réforme électorale de 2023 a fixé à 630 le nombre total de députés appelés à siéger au Bundestag. En cas de mandats surnuméraires, certains députés de circonscription ne seront pas autorisés à siéger pour respecter la répartition proportionnelle issue des secondes voix. Il en résulte la suppression des mandats compensatoires octroyés auparavant aux autres partis.

Les sondages

Selon les derniers sondages, la CDU arriverait en tête du scrutin avec 30% des voix, bien au-delà des 25,74% obtenus par le SPD en 2021. L’AfD recueillerait 20,5% des suffrages, doublant le score de 10,34% atteint en 2021. Le SPD se classerait troisième, après une perte de plus de 10 points l’établissant à 15,3%. Les Verts maintiendraient leurs positions, avec un résultat de 13,2%, légèrement inférieur aux 14,75% recueillis en 2021. Sous la barre des 10% se suivent Die Linke, avec 7%, l’Alliance Sahra Wagenknecht avec 4,4%, enfin le FDP libéral avec 4,3%.

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Selon l’hypothèse la plus probable, Friedrich Merz, qui a exclu tout accord avec l’AfD, formerait une coalition réunissant la CDU-CSU, le SPD et les Verts. Rompant avec les temporisations d’Olaf Scholz, Friedrich Merz fera probablement valoir une ligne internationale résolument atlantiste et anti-russe, maintenant l’ancrage occidental ancien de la République fédérale. Une telle orientation ne contredirait pas les tendances de fond que l’on observe en Allemagne, dont les achats d’armements américains, incluant l’acquisition d’une vingtaine de F-35, annoncée en 2024, n’ont cessé de croître depuis 2022.

Au fond, le soutien tonitruant apporté à l’AfD par Elon Musk semble avoir eu surtout pour effet de maintenir sous pression la classe politique allemande. Une participation de l’AfD au pouvoir ne serait pas nécessairement dans l’intérêt des Etats-Unis, qui peuvent d’ores et déjà compter sur l’alignement des positions allemandes.

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À propos de l’auteur
Olivier Chantriaux

Olivier Chantriaux

Docteur en histoire des relations internationales et diplômé de l'Institut d'études politiques de Bordeaux.

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