« Un acte de piraterie internationale », c’est le terme employé par les autorités vénézuéliennes pour qualifier la saisie, sans incident, d’un de leur pétrolier le 10 décembre. Abordé au large des côtes du Venezuela par plusieurs services américains dont le FBI et les gardes-côtes, assistés du département de la Guerre, le navire transportait du pétrole brut vénézuélien et iranien sous sanctions selon Pam Bondi, procureure générale américaine. Elle a ajouté que ce navire est visé par des sanctions américaines depuis plusieurs années en raison de son rôle dans un réseau illicite de transport de pétrole finançant des organisations terroristes étrangères.
Caracas estime qu’avec cet « acte criminel », le président américain Donald Trump montre que « son objectif » a toujours été de s’emparer du pétrole vénézuélien sans verser la moindre contrepartie, « laissant clairement entendre que la politique d’agression contre notre pays répond à un plan délibéré de spoliation de nos richesses énergétiques ».
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Venezuela : un trésor sous terrain
La principale ressource du Venezuela est le pétrole brut, qui est soumis à un embargo depuis 2019. Sous le sol vénézuélien gît l’équivalent de près de 300 000 milliards de barils, soit la plus grande réserve de pétrole prouvée du monde. Les sanctions, la mauvaise gestion et la crise qui ont touché le pays ces dix dernières années ont fait drastiquement chuter la production (~337 000 barils/jour en 2020), qui a cependant réussi à se stabiliser les cinq années suivantes autour des 800-860 000 barils/jour. Ces réserves d’or noir sont à 90% terrestres, les 10% restants étant répartis dans trois gisements offshore au large du Venezuela et dont l’exploitation reste marginale.
Problème ; ce pétrole est extrêmement lourd et dispose d’un taux de souffre élevé, son raffinement est difficile et coûteux et nécessite d’être exporté afin d’être dilué par un tiers ou un acheteur disposant des capacités et infrastructures requises. Dans la droite ligne de ses alliances historiques, le Venezuela a pour principaux clients pétroliers : la Chine, l’Inde, la Russie et l’Iran, Cuba… et la Turquie. Une raison de plus pour que les autorités américaines se saisissent du navire, qui, au passage contenait entre 1,8 et 2 millions de barils.
Le Guyana, « mini-Qatar offshore »
Petit pays de 830 000 habitants et d’une superficie de 215 000 km², le Guyana possède néanmoins 460 km de côtes qui lui offrent un vaste espace maritime dont la zone économique exclusive (ZEE) est pourtant pratiquement sans contrôle. Le 20 mai 2015, c’est le destin de tout un pays qui est bouleversé, un gigantesque gisement pétrolier est découvert en eaux (très) profondes, au large des côtes du pays. C’est à ce jour l’une des plus grandes découvertes pétrolières mondiales des 15 dernières années, que l’on estime à plus de 11 milliards de barils. Un gisement appelé « Stabroek » qui contient du pétrole léger et de haute qualité, donc facile à raffiner, tout l’inverse de celui du voisin vénézuélien…
Trois géants pétroliers vont alors se positionner : les entreprises américaines Exxonmobil et Hess qui détiennent respectivement 45% et 30% de l’exploitation, le reste revenant aux Chinois de CNOOC. L’objectif pour 2030 étant de produire 1,7 million de barils/j ce qui doublerait la production actuelle, et dépasserait de loin celle de Caracas.

Membre d’une milice paramilitaire bolivarienne, portant une veste aux couleurs du Venezuela et un fusil d’assaut Mpi-KmS 72, janvier 2025, Caracas (AP Photo/Matias Delacroix) © SIPA
Des intérêts qui s’entrechoquent
Spectateur de la déliquescence de son économie, ainsi que de son influence géopolitique dans la région, le Venezuela a cru bon de réclamer la souveraineté de la majeure partie du territoire guyanien. C’est précisément la revendication de toute la région du Guyana Esequiba, soit 67% du Guyana, l’équivalent de tout le territoire à l’ouest du fleuve Essequibo, qui a fait l’objet d’un référendum en 2023.
C’était sans compter sur Washington qui a dans la foulée réaffirmé son statut de partenaire de sécurité du Guyana, multipliant les exercices militaires conjoints, comme effectués récemment avec le Trinidad-et-Tobago (novembre 2025). Il convient de rappeler que les États-Unis ont, jusqu’en 2018, été les plus gros acheteurs et raffineurs du pétrole vénézuélien. Le premier mandat de Donald Trump a vu l’imposition de lourdes sanctions à l’égard du Venezuela et la cessation totale (2019) des transactions pétrolières.
Les États-Unis sont donc tout à fait équipés pour traiter et raffiner le pétrole vénézuélien. Ce changement brutal dans les relations des deux pays semble donc être motivé par des volontés précises que Donald Trump lui a esquissé à plusieurs reprises. Ce dernier n’a pas caché songer à « prendre » le pétrole de Caracas.
La menace plane sur Caracas
Un bras de fer americano-vénézuélien, tourné à l’avantage de Washington qui multiplie les coups de pression politique. Le récent déploiement militaire naval américain à la frontière des eaux vénézuéliennes a déclenché une prompte réaction du régime bolivarien. Entre mobilisation des milices nationales et multiplication des exercices militaires basés sur un équipement de défense anti-aériens obsolète face aux différents chasseurs américains, la démonstration de force peut paraître ridicule face à un adversaire aussi puissant.
Dans la foulée, c’est le Cartel de los Soles qui a été désigné comme organisation terroriste un an après le Tren de Aragua, ouvrant de facto la porte à des frappes sur le territoire vénézuélien. La déclaration récente de Donald Trump est en quelque sorte venue entériner la dynamique récente, affirmant que les jours de Maduro sont « comptés ».
La stratégie de pression des États-Unis continuera à tester les limites de Caracas, jusqu’à provoquer la chute de Maduro par un mouvement de la rue, une opération militaire, ou une négociation. Semblant ne s’interdire aucun scénario, Trump semble surtout vouloir mettre la main sur l’or noir vénézuélien.








