Gambetta, patriote ou partisan obstiné ?

16 juin 2020

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Photo : Gambetta, patriote ou partisan obstiné ? Image : SIPA 51035970_000001
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Gambetta, patriote ou partisan obstiné ?

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Sous le titre « Gambetta, patriote ou partisan obstiné ? », le Général (CR) Jean Fleury publie aux éditions Amalthée les récits de son grand-aïeul engagé en 1870 dans l’armée de la Loire. L’occasion pour le Général, ancien Chef d’État-Major de l’Armée de l’Air, de s’interroger sur la conduite de la guerre de 1870 et sur la personnalité de Léon Gambetta, ce grand homme qui choisit de privilégier la guerre à outrance afin d’imposer durablement la République.

Auteur CBA Jean-Baptiste Blandenet

Le Chef de Bataillon Jean-Baptiste Blandenet est un officier de l’armée de Terre, issu de l’arme des Transmissions. Saint-Cyrien, il a servi sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures, en Afrique et au Moyen-Orient. Il est actuellement stagiaire à la 27e promotion (P27) de l’École de Guerre.

La grande et la petite Histoire

En premier lieu il y a la grande Histoire, celle qui fût forgée par la IIIe République et par l’école de Jules Ferry ; celle qui arrive jusqu’à nous par-dessus les siècles, avec sa part de mythologie, ses tragédies, sa gloire et sa grandeur. Dans cette grande Histoire, la figure de Léon Gambetta tient une place majeure. Jeune ministre dans Paris assiégé, il s’enfuit en ballon le 7 octobre 1870 pour prendre la tête de la délégation de Tours.

Homme d’État courageux et enthousiaste, il se retrouve de facto le chef de la jeune République en guerre et, refusant l’armistice, il rêve à la levée en masse du peuple français et d’arrêter l’ennemi prussien avec un nouveau Valmy. De ce Léon Gambetta, celui du récit national, il nous reste son cœur déposé au Panthéon, assorti d’une épitaphe en la mémoire de tous ceux qui ont sauvé, en 1870-1871, l’honneur de la France.

Et puis il y a la petite histoire. Celle que nous connaissons moins, celle qu’ont vécu les soldats des armées d’Alsace et de Lorraine, celle des moblots, des zouaves ou des volontaires qui prirent les armes à l’appel de Gambetta. L’aïeul du Général Fleury, André Viaud Grand Marais, est l’un de ceux-là. Licencié en Droit à Nantes, il est incorporé en septembre 1870 dans la nouvelle armée de la Loire. Caporal fourrier, sans autre entrainement que sa bonne volonté, il est subjugué par l’énergie de Gambetta et rêve de bousculer les Prussiens pour venir briser le siège de Paris. Mais la guerre s’installe. Guerre ingrate, que nous suivons à travers les lettres qu’il envoie à sa famille, faite de grandeurs et de longues servitudes, dans le terrible hiver de 1870 – 1871. Et au fil des combats et des vicissitudes du soldat au quotidien, c’est un autre visage de Gambetta qu’entrevoit André Viaud Grand Marais  : le visage d’un politicien qui se veut chef militaire, alors qu’il n’a ni la formation des hommes de métier, ni le génie inné des grands conquérants ; le visage d’un obstiné de la République, qui est prêt à prendre toutes les mesures policières pour museler l’opposition ; le visage d’un arrogant, obnubilé par un Triomphe des armes qui serait un triomphe de sa personne, quitte à repousser les propositions d’armistice et à proclamer, jusqu’à la dernière minute, la guerre à outrance.

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Les leçons d’André Viaud Grand Marais

Le Général Fleury a eu le mérite de laisser parler cette petite histoire et de donner la parole à André Viaud Grand Marais, au rythme de l’armée de la Loire, en intervenant simplement pour éclairer le lecteur et pour le situer dans l’action générale. Il en résulte un ouvrage agréable à lire et envoutant, mais dans lequel on aurait tort de ne voir qu’un simple témoignage du passé. En effet, le Général Fleury a déjà publié plusieurs livres dans lesquels il a eu l’occasion de traiter de la relation difficile entre le militaire et le politique, notamment durant la guerre du Golfe. Dans la continuité de ces précédents ouvrages, il livre ici un message d’actualité pour le décideur, que celui-ci soit un décideur public, un chef militaire ou un chef d’entreprise. Ce message pourrait être le suivant : tel Janus et ses deux visages, tel Gambetta tour à tour patriote et dictateur, un grand homme a souvent une puis deux facettes. Réussit-il à être énergique et enthousiaste tout en conservant son humilité, alors il pourra entrainer la foule et surpasser toutes les défaites. Mais perd-il un seul instant sa grandeur d’âme, se laisse-t-il aveugler par l’obstination et l’arrogance, alors il deviendra lui aussi ce dictateur détesté des petits, haïs des André Viaud Grand Marais de ce monde, et finira sa vie ou sa carrière solitaire et morose, comme le fût Gambetta.

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