<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Guerre au Kivu : rencontre surprise Tshisekedi-Kagame à Doha, un cessez-le feu évoqué

19 mars 2025

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Guerre au Kivu : rencontre surprise Tshisekedi-Kagame à Doha, un cessez-le feu évoqué

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Alors que les tensions s’intensifient dans l’est de la République démocratique du Congo, une rencontre secrète entre les présidents congolais et rwandais s’est tenue à Doha, sous médiation qatarie. Un coup de théâtre diplomatique, au moment où les négociations prévues en Angola échouent, laissant entrevoir un fragile espoir de cessez-le-feu.

Le Golfe se transforme décidément en table des négociations. Les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame se sont rencontrés mardi dans le plus grand secret à Doha, où ils ont discuté d’un possible cessez-le-feu pour tenter de mettre fin au conflit au Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Cette rencontre surprise a eu lieu alors que des pourparlers entre Kinshasa et le groupe armé antigouvernemental M23, qui devaient se tenir le même jour en Angola, à des milliers de kilomètres du Qatar, n’ont finalement pas eu lieu.

Le conflit dans l’est de la RDC s’est intensifié ces derniers mois. Le M23 (« Mouvement du 23 mars »), piloté selon des experts de l’ONU par l’armée rwandaise, a lancé fin janvier une offensive d’envergure, s’emparant en l’espace de quelques semaines des deux grandes villes de l’est congolais, Goma et Bukavu.

Médiateur de l’Union africaine dans la crise, le président angolais Joao Lourenço avait invité la RDC et le M23 à « entamer des négociations directes de paix » mardi à Luanda. Ces pourparlers devaient être les premiers entre Kinshasa et le M23 depuis la résurgence du groupe armé fin 2021.

Mais dans la soirée, le ministère des Affaires étrangères angolais a déclaré dans un communiqué que les négociations prévues n’avaient finalement pas eu lieu « en raison d’événements de force majeure ».

Peu après, le ministère des Affaires étrangères qatari a annoncé qu’une rencontre entre les chefs d’État congolais et rwandais s’était en revanche tenue dans la journée à Doha, sous la médiation de l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani.

« Les chefs d’État ont réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel », a-t-il indiqué dans un communiqué qui ne fait aucune mention du M23.

Ils ont également « convenu de la nécessité de poursuivre les discussions entamées à Doha afin d’établir des bases solides pour une paix durable ».

Le ministère qatari a publié une photo sur X, montrant Félix Tshisekedi et Paul Kagame assis dans des fauteuils placés face à face, le regard tourné vers l’émir affichant un large sourire.

Selon une source proche de la présidence congolaise, cette rencontre a été tenue « secrète » jusqu’à la montée de M. Tshisekedi dans un avion de retour vers Kinshasa.

« Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel vient d’être décidé entre la RDC et le Rwanda », a avancé tard dans la soirée sur X la porte-parole du président congolais, Tina Salama.

« Les modalités de l’exécution de ce qui a été convenu seront précisées dans les jours qui viennent », a toutefois nuancé la cellule de communication de la présidence congolaise dans un communiqué.

Dans la nuit, la présidence rwandaise a affirmé que les dirigeants y ont discuté « du besoin urgent d’un dialogue politique direct » pour répondre aux « causes profondes du conflit ».

« Le président Kagame a fait part de sa conviction que si toutes les parties travaillent ensemble, les choses peuvent avancer plus vite », a-t-elle ajouté sur X.

Coup de théâtre

L’annonce de cette rencontre, entre deux présidents qui nourrissent ouvertement une animosité réciproque, est un coup de théâtre alors que les regards étaient tournés sur les tentatives, toutefois compromises, de Luanda pour résoudre la crise.

Kinshasa, qui a jusqu’ici rejeté toute discussion avec le M23, considéré par les autorités congolaises comme « un groupe terroriste », ne s’était cependant pas engagée à mener des négociations directes avec le groupe armé.

Le M23, qui dit défendre les intérêts des populations tutsi dans l’est de la RDC, avait lui déclaré qu’une délégation serait présente pour « prendre part au dialogue direct à la demande des autorités angolaises ».

Mais lundi soir, le M23 a fait volte-face et annoncé qu’il ne participerait pas, estimant que « les sanctions successives imposées à nos membres, y compris celles adoptées à la veille des discussions de Luanda, compromettent gravement le dialogue direct ».

L’Union européenne a pris lundi une nouvelle série de mesures contre des acteurs du conflit, visant plusieurs dirigeants du M23, dont son chef Bertrand Bisimwa, mais aussi plusieurs responsables de l’armée rwandaise.

Jusqu’ici, toutes les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit en RDC ont échoué.

Mi-décembre, les présidents Tshisekedi et Kagame devaient se rencontrer à Luanda en vue d’un accord. Mais les deux parties n’ont jamais réussi à s’accorder sur les termes, aboutissant à l’annulation du sommet à la dernière minute.

L’est de la RDC, région riche en ressources et frontalière du Rwanda, est ravagé depuis 30 ans par des violences impliquant une myriade de groupes armés ainsi que certains pays voisins de l’immense nation d’Afrique centrale, défendant leurs propres intérêts notamment économiques.

Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais.

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Revue Conflits avec AFP

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