<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Bachar va partir

31 juillet 2019

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Photo : La Syrie est aussi une terre de culture romaine (c) Pixabay
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Bachar va partir

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Dans le grand mouvement des révolutions arabes de l’année 2011 qui a vu partir les dirigeants d’Égypte, de Libye et de Tunisie, il allait de soi que « Bachar » devait partir lui aussi. Dès le début du conflit, Alain Juppé, sûr de lui et droit dans ses bottes, affirmait avec l’humilité qu’on lui connait : « Assad n’en a plus que pour huit jours. »

 

Quelques mois plus tard, en janvier 2012, Nicolas Sarkozy annonçait qu’Assad devait quitter la Syrie, son départ étant imminent. Il récidiva en juin 2016 en affirmant que « Bachar el-Assad ne peut pas être l’avenir de la Syrie ». Il semblerait qu’entre sa défaite à la présidentielle et celle à la primaire, les électeurs français ont surtout décidé que Nicolas Sarkozy ne pouvait pas être l’avenir de la France. On se souvient aussi des propos de Laurent Fabius en août 2012, alors ministre des Affaires étrangères, disant avec beaucoup de gravité après la visite d’un camp de réfugiés syriens à la frontière turque que « le régime syrien doit être abattu et rapidement » et de poursuivre « M. Bachar el-Assad ne mériterait pas d’être sur la terre ». Le même ministre et son Président, François Hollande, affirmant en septembre 2013 que le régime d’Assad avait fait usage de gaz sarin contre les populations civiles de la Ghouta lors de l’attaque chimique du 21 août 2013. Ces accusations portées contre Bachar el-Assad furent reprises par tous les gouvernements occidentaux et la presse. La France et les États-Unis manquèrent de peu d’intervenir en Syrie pour renverser le régime. Deux analyses de 2014, l’une du MIT, l’autre d’une organisation de l’ONU, démontrèrent que ces attaques furent en réalité menées par al-Nosra. Cela rappelait les mensonges de 2003 à propos de l’Irak. Pourquoi ne pas révéler les vrais massacres d’Assad plutôt que de lui en attribuer des faux ?

Bachar devait donc partir, et pour cela certains semblaient prêts à manipuler l’information pour arriver à leurs fins, comme en Irak en 2003. Le rapport de l’agence onusienne fut bloqué et ne parvient au grand public que par une fuite parvenue à l’agence Fides (Vatican), qui le diffusa.

Lire aussi : Syrie. Pourquoi l’Occident s’est trompé, de Frédéric Pichon

Aveuglement démocratique

Hillary Clinton et Barack Obama étaient sur la même ligne du renversement d’Assad, même si ce dernier semblait moins radical dans sa détermination, comme le montre son recul de septembre 2013. Pour Hillary Clinton en revanche, le départ d’Assad était une fin en soi, et si possible avec intervention américaine. Sa défaite aux présidentielles amorça un changement de paradigme, Donald Trump ayant dit lors de la campagne électorale qu’Assad, au contraire de Daesh, n’était pas l’ennemi des États-Unis. Une sorte de « malédiction Assad » s’empara alors des chancelleries occidentales puisque tous les dirigeants, excepté Angela Merkel, qui annoncèrent le départ imminent d’Assad furent chassés par les urnes : outre les précités, David Cameron et Matteo Renzi complètent la liste. Cameron qui affirma en octobre 2015 : « Il ne peut avoir aucune part au futur de la Syrie. Je suis très clair : nous n’avons même pas entamé de discussion. Nous devons entamer des discussions sur la façon d’assurer une transition. » Et comme David Cameron était aussi doué pour comprendre la volonté du peuple anglais que celle du peuple syrien, il n’hésita nullement à parler en son nom : « Ce n’est pas seulement mon opinion que nous ne pouvons pas nous retrouver avec Assad ayant un rôle en Syrie : le peuple syrien ne l’accepterait pas. » De guerre lasse peut-être, mais force est de constater que le peuple syrien a fini par l’accepter puisque quatre ans plus tard, Bachar el-Assad est toujours là. Aveuglés par l’impérialisme démocratique, ces chefs d’État ont cru qu’il suffisait d’organiser une élection pour résoudre le problème syrien. L’élection démocratique ayant, comme on le constate en de nombreux points du globe, résolu un grand nombre de conflits. Ils ont cru, peut-être sincèrement, que le peuple s’était soulevé pour demander le départ d’Assad, refusant de voir la multiplicité de ce peuple et son adhésion à des mouvements islamistes. Le même aveuglement démocratique sur le peuple des autres et sur leur peuple a eu les a conduit à croire que « Bachar » allait partir et ne leur a pas permis de comprendre pourquoi eux sont partis.

Huit ans après cet aveuglement collectif et cette défaite de la pensée qu’est la guerre en Syrie, il appartient à la diplomatie occidentale de se renouveler en profondeur pour ne plus faillir comme elle l’a fait avec la guerre en Syrie.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.
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