<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La diaspora italienne, une perte qui risque de déclasser le pays

25 octobre 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Rencontre entre Matteo Salvini et ses sympathisants au marché Via Fauchè, Auteurs : Stefano De Grandis/AGF/SIPA, Numéro de reportage : 00924549_000027.
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La diaspora italienne, une perte qui risque de déclasser le pays

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L’Italie est confrontée à un grave problème d’émigration et de démographie. Les jeunes quittent le pays pour s’installer ailleurs alors que la natalité chute dangereusement. Cette diaspora appauvrit le pays sur le plan économique et diminue la capacité de rester compétitif face à des pays qui, au contraire, savent garder les meilleurs talents et soutenir leur démographie.

L’Italie est confrontée à une perte de capital humain qui se traduit par la grave crise démographique, une croissance insuffisante de la productivité, la difficulté des entreprises à trouver le personnel adéquat et donc la complexité à investir, une baisse de la demande interne, etc. Chaque année, le pays perd une population égale à une grande ville comme Avignon. Selon les dernières données fournies par AIRE (Association italienne résidant à l’étranger), au 1er janvier 2023, 6 millions d’Italiens ont quitté définitivement l’Italie dont 2 millions de jeunes diplômés avec d’excellentes compétences entrepreneuriales et désireux de s’établir avec succès dans des pays où il y a davantage d’opportunités de carrière et des salaires plus élevés. La diaspora italienne représente une grave menace pour l’Italie tant sur le plan social qu’économique. Un pays qui perd ses jeunes perd la possibilité de croître, de s’améliorer et de créer une nouvelle classe dirigeante.

Quelles sont les raisons ?

À ce jour, il n’existe toujours pas d’enquête institutionnelle permettant d’identifier, outre l’ampleur du phénomène migratoire, les causes qui poussent les nouvelles générations à quitter le pays, il existe en revanche des signaux évidents d’un problème qui a pris de l’ampleur ces dix dernières années. L’exode des jeunes n’est pas seulement lié à la situation économique du pays, qui globalement est comparable à celle de ses voisins français ou allemand, mais plutôt à des facteurs comme :

  1. l’absence de politiques sérieuses visant à faciliter l’accès aux rôles clés aux plus jeunes, renforcé par le décalage entre la formation et le monde économique qui incite les plus ambitieux à construire leur carrière professionnelle à l’étranger ;
  2. les jeunes talents ne sont pas valorisés ;
  3. des rétributions plus faibles par rapport à la France, l’Angleterre ou l’Allemagne ;
  4. l’incertitude du monde du travail et le manque de perspectives.

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En plus de ces facteurs, nous pouvons aussi constater que l’élément le plus important ancré dans la culture du pays et donc difficile à faire évoluer est le paradigme socio-culturel-économique fondé sur le pouvoir excessif détenu par les seniors. Anomalie européenne, l’Italie est le seul pays européen à avoir une classe dirigeante et politique avec une moyenne d’âge de 64 ans, supérieure à celle de tous ses partenaires. L’envers du décor de ce paradigme est un manque de renouveau de la classe dirigeante, accentué par le fait que le temps que ces jeunes aient accès à des fonctions importantes que ce soit dans la formation, la recherche ou dans les grandes entreprises, ils ont eux-mêmes atteint l’âge d’être seniors. On assiste à un véritable frein au changement générationnel. Si la même génération est au pouvoir depuis longtemps, il lui est plus facile de devenir autoréférentielle, d’interpréter la réalité avec ses propres schémas et repères. Donc, lorsqu’il est nécessaire de choisir un ministre, un gérant, un membre du conseil d’administration par cooptation, les personnes éligibles (compétentes ou pas) appartiennent souvent à la même catégorie d’âge et de classe sociale.

Ce système s’applique également aux jeunes talents provenant de l’étranger. Le pays n’arrive pas à attirer les jeunes étudiants ou professionnels et donc ne peut pas rattraper son déficit de compétences. Et pour preuve, les étrangers provenant de pays avec une économie comparable à celle de l’Italie et qui s’installent dans le pays, mis à part les dirigeants de filiales étrangères, sont un nombre dérisoire.

Une perte économique considérable

Chaque année, l’Italie perd 3 milliards d’euros investis dans la formation des jeunes qui partent à l’étranger. Cela représente une perte de capital économique et humain qui aggrave la baisse démographique et la natalité du pays. Selon une étude réalisée par la Confindustria, une famille dépense environ 165 000 € pour élever et scolariser un enfant jusqu’à l’âge de 25 ans, tandis que l’État, à son tour, fournit 100 000 € pour les écoles et les universités. En termes de revenus perdus, l’Institut national de la statistique estime que plus de 25 milliards de revenus fiscaux sont perdus pour les diplômés à l’étranger. Le rapatriement, dans de bonnes conditions, c’est-à-dire la stabilité et le soutien socio-économique, aiderait à résoudre l’inquiétant écart démographique, réduisant le taux de dépendance qui monte en flèche.

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Une hémorragie humaine, sociale et économique qui rend plus fragile la soutenabilité de la dette publique italienne. Il est urgent d’intervenir, mais avant même de savoir quelles sont les raisons des départs, celles qui sous-tendent les conditions d’éventuels retours (car beaucoup aimeraient mais n’y arrivent pas) alors que les jeunes qui restent le font par manque d’opportunités ou simplement ne sont pas prêts à quitter leur pays même en sacrifiant leurs ambitions. Cette condition est strictement liée aussi au faible taux de natalité. Beaucoup de gens hésitent à fonder une famille dans la précarité, l’instabilité et la frustration de ne pas y arriver à leur permettre un avenir.

Que doit faire l’État pour attirer à nouveau les jeunes ?

Entre incompréhension, sous-estimation et approximation, tous les politiques de ces dernières années n’ont pas été capables de maîtriser le problème de la fuite à l’étranger de ses jeunes et d’apporter les bonnes résolutions. Une nation privée de sa jeunesse est une nation sans futur. Le pays perd une bonne partie de la richesse qu’elle a financée. Et cette jeunesse va créer finalement de la nouvelle richesse dans le pays où elle s’installe. Des mesures concrètes sont urgentes et nécessaires pour faire de l’Italie un pays capable d’attirer et de retenir les jeunes. Il est prioritaire de repenser un plan pour offrir des opportunités concrètes d’emploi et de croissance, en aidant les entreprises qui veulent former et embaucher des jeunes. Il faut également permettre aux jeunes talents l’accès aux rôles clés et la possibilité de participer activement à la vie économique des entreprises.

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À propos de l’auteur
Edoardo Secchi

Edoardo Secchi

Entrepreneur, investisseur, conseilleur économique. Président fondateur d’Italy-France Group et fondateur du club Italie-France.
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