Drogue. La France submergée

25 août 2025

Temps de lecture : 3 minutes

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Drogue. La France submergée

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La consommation et les trafics de drogue touchent l’ensemble du territoire français. En dépit des rodomontades politiciennes, le fléau ne fait que s’accentuer.

Article paru dans le no58 – Drogues La France submergée

Il y a encore quelques années, la cocaïne était vendue et consommée dans les grandes villes françaises. Parce qu’elle coûtait cher, elle était consommée par des classes aisées, des milieux du show-biz, de la publicité et de la politique. Cette situation appartient au passé. Tous les milieux sociaux et tous les territoires sont désormais concernés : le monde rural, comme le monde urbain, les ouvriers comme les cadres supérieurs. Nombreuses sont les drogues qui circulent, mais la cocaïne devient de plus en plus prépondérante. La poudre blanche devient le fil non officiel qui donne un point commun à tous les habitants de la France : consommée par toutes les catégories sociales, tous les groupes ethniques et dans tous les territoires géographiques, elle est devenue le lien non dit et caché d’un pays qui s’étiole. Entraînant avec elle la violence des trafics et le recyclage de l’argent, provoquant des décrochages sociaux et des pertes de contrôles territoriaux. Pour y répondre, de nombreuses idées reçues et fausses sont plaquées sur le phénomène, ce qui empêche de lutter avec efficacité contre lui.

Idées fausses

La première idée fausse est celle de la « guerre contre la drogue », idée aussi absurde que la lutte « contre le terrorisme ». Ce n’est pas contre la drogue qu’il faut lutter, mais contre ceux qui la produisent et la vendent. Ce sont les producteurs, les trafiquants et les réseaux qu’il faut démanteler.

Deuxième idée fausse : la lutte contre le consommateur. Certes, s’il n’y avait pas de consommateur, il n’y aurait pas de vendeur. Mais en matière de drogue, agir sur le consommateur ne résout pas les problèmes et se révèle toujours inefficace. Le consommateur sait que la drogue est mauvaise, il en voit les effets négatifs sur lui et sur son entourage, il sait que la drogue l’appauvrit, le détruit, le tue. Et pourtant, il continue à en consommer. Parce que la drogue génère une addiction avec laquelle il est très difficile de rompre. Inutile donc de chercher à culpabiliser le consommateur en lui disant qu’il fait le jeu des mafias et qu’il alimente les réseaux : il le sait, mais il ne peut pas s’arrêter. La consommation de drogue est une maladie et c’est comme tel qu’il faut la traiter. Or, il n’existe pas de substances de sevrage pour toutes les drogues. Pour la cocaïne notamment, le sevrage est compliqué. Il faut traiter le consommateur comme un problème de santé publique, avec des soins appropriés. C’est un problème sanitaire et non pas sécuritaire.

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Troisième idée fausse : sacrifier la liberté pour la sécurité. En multipliant les caméras de surveillance, en tentant de faire adopter des lois qui permettent l’écoute des conversations, des chaînes cryptées et des messageries privées, les politiciens cherchent à rassurer la population en faisant croire que réduire les libertés publiques permettra d’aboutir à plus de sécurité. Ces politiques n’ont jamais été efficaces pour lutter contre les trafics et les libertés perdues ne sont jamais retrouvées.

Quatrième idée fausse : il faut adapter l’arsenal législatif. Nul besoin d’adopter d’autres lois : le corpus législatif existant est strict et suffisant, avec des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison et 7,5 millions d’euros d’amende en cas de détention de stupéfiants, jusqu’à dix ans de prison (trafic simple) / trente ans si bande organisée. Le problème de la France n’est pas le manque de loi, mais le fait que les lois existantes ne sont pas appliquées.

Quelles solutions ?

Ce sont contre les trafiquants qu’il faut agir, en étant d’une sévérité implacable contre tous ceux qui y participent, à quelque niveau que ce soit. Si le trafic de drogue rapporte davantage, en argent et en prestige social, que le risque encouru, alors il prospère. Seules des peines de prison très fortement dissuasives, et effectivement appliquées, permettent d’obtenir des résultats notables en mettant hors d’état de nuire ceux qui s’y livrent. Des peines d’une grande sévérité doivent aussi être appliquées à l’encontre des personnes corrompues, fonctionnaires, politiques, dockers, qui, d’une façon ou d’une autre, permettent le déploiement des trafics.

Vu l’extension actuelle du narcotrafic, son imprégnation géographique et sociale, il y a urgence à agir avant qu’il ne soit trop tard et avant que la France devienne un autre Mexique.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Ircom. Rédacteur en chef de Conflits.

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