<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La Grande saline de Salins-les-Bains, ouvrage millénaire #13

14 août 2023

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La Grande saline de Salins-les-Bains, ouvrage millénaire #13

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Pilier économique de la région franc-comtoise durant douze siècles, elle est l’une des plus anciennes usines de France.

Depuis le VIIIe siècle, la ville de Salins-les-Bains a su tirer profit du don exceptionnel que lui offraient ses sous-sols : le sel. Grâce à l’exploitation des sources d’eaux salées, la cité a acquis sa prospérité.

Un ouvrage millénaire

Il semble que le sel soit exploité à Salins-les-Bains depuis le néolithique. Dès le premier Moyen-Âge, les habitants de cette petite ville de Franche-Comté exploitent un banc de sel à 250 mètres de profondeur. 3 000 tonnes sont extraites chaque année. Selon une antique tradition, la saline aurait été construite par le comte Aubry Ier de Mâcon, seigneur de Salins au IXe siècle. À la même époque, l’abbaye territoriale de Saint-Maurice d’Agaune en Valais demande aux hameaux des alentours d’apporter jusqu’aux portes de la saline le bois qui lui est nécessaire comme combustible. Le prix du bois variant beaucoup, il est courant que la saline fasse des donations de muire, c’est-à-dire d’eau salée, à des abbayes, en échange de bois.

Ce sont alors les comtes de Bourgogne qui fixent les règlements et règnent en maîtres sur la manufacture. La production du sel étant un véritable enjeu, elle est gérée par les souverains de Franche-Comté. Un conseil interne au comté est mis en place. Ainsi, le conseil de la grande saline est chargé de fixer le prix du sel. Le directeur porte le nom de « pardessus », et les membres comptent également un portier et un trésorier.

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Au XVIIe siècle, l’exploitation produit 14 000 tonnes de sel par an. Elle alimente le comté de Bourgogne, la Suisse et les Flandres. Un monde. Grâce à l’ « or blanc », Salins-les-Bains devient la capitale économique de la région, et la deuxième ville de Franche-Comté après Besançon ; les recettes de la grande saline représentent plus de la moitié des revenus de la province.

Consciente de la valeur du trésor qu’elle possède dans ses sous-sols, la cité de Salins-les-Bains se dote très tôt d’un impressionnant système de défense. Les forts Belin et Saint-André en sont aujourd’hui les derniers vestiges. La grande saline est elle-même fortifiée. Ceignant les deux hectares de bâti, un haut mur protège le sel très convoité. La manufacture fonctionne alors de manière autarcique. C’est une véritable ville dans la ville, avec ses ateliers, ses logements, sa chapelle, ses prisons, sa taverne, son tribunal… Au Moyen-Âge, sur les 8 000 habitants de Salins-les-Bains, la saline emploie 820 ouvriers, hommes et femmes. Elle constitue également un modèle social en proposant, dès le XVe siècle, un système de protection des ouvriers.

À la fin du XIXe siècle, au cœur de la Révolution industrielle qui prône le charbon, la grande saline amorce son déclin. La pression économique imposée par la fin du monopole de l’État sur le sel est trop forte, tout comme la hausse du prix du combustible et la baisse du prix du sel. En 1854, la création d’un premier établissement thermal à Salins-les-Bains permet de maintenir une activité saisonnière, avant que le bâtiment ne soit fermé définitivement, un siècle plus tard. En 1860, le contrat Lillo stipule que la grande saline devra approvisionner les thermes en eaux mères, qui sont des eaux fortement concentrées en sels minéraux.

Témoignage d’une histoire ouvrière

Au cœur du vignoble du Jura, à 10 kilomètres d’Arbois, la grande saline est l’un des fleurons du patrimoine franc-comtois. Étonnant pour une région si loin de la mer. Mais sans le sel, Salins-les-Bains ne serait pas une ville, et ni le fort, ni le casino, ni les thermes n’existeraient. La saline constitue un véritable modèle architectural. Elle conserve aujourd’hui des éléments techniques et architecturaux remarquables, reflétant la richesse de son histoire. La longue galerie souterraine, la salle des poêles, le magasin font le récit des étapes de la production du sel ignigène. Ce dernier est obtenu par évaporation artificielle, contrairement aux marais salants.

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La descente dans les puits d’extraction d’eau salée, ou saumure, révèle le savoir-faire invisible de l’homme. Ils sont deux puits à avoir extrait la saumure des siècles durant. 165 mètres de galeries voûtées datant du XIIe siècle s’allongent dans le sous-sol. Les dimensions sont dignes de celles d’une cathédrale. Les pierres ancestrales déjà vieilles de huit siècles composent un mur de dix mètres. De 1780 à 1895, l’eau salée était acheminée sur une distance de 21 kilomètres via des saumoducs, jusqu’à la saline royale d’Arc-et-Senans. Le bruit de l’eau y résonne toujours. Au bout du couloir, une roue à augets, datant du XIXe siècle, est encore en fonctionnement, grâce à l’eau de la rivière, la Furieuse. Elle entraîne silencieusement et régulièrement un balancier d’une longueur de 32 mètres et une pompe qui puise l’eau salée dans les profondeurs.

En surface, c’est un autre univers. Le bâtiment d’évaporation où les sauniers travaillent à retirer le sel des cuves a conservé une exceptionnelle poêle à sel, la dernière de France. Les fortifications ne sont plus visibles pour l’essentiel.

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