La National Security Strategy 2025 : les États-Unis face à un monde fracturé

10 décembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

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La National Security Strategy 2025 : les États-Unis face à un monde fracturé

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La Maison Blanche a publié sa nouvelle National Security Strategy (NSS), le document qui fixe les orientations fondamentales de la politique de sécurité américaine pour les années à venir. Dans un contexte international marqué par la rivalité entre grandes puissances, les tensions régionales et les révolutions technologiques, cette stratégie affirme clairement que les États-Unis évoluent désormais dans un environnement compétitif où leur leadership est contesté.

C’est un document de 33 pages, donc relativement bref, qui opère une vue globale du monde placée sous l’analyse américaine. Un document qui montre le monde tel que les États-Unis le voient et tel que Donald Trump entend y agir.

La NSS 2025 se présente ainsi comme un texte de réaffirmation, de repositionnement et de mobilisation nationale.

Vision du monde

Le premier élément marquant est la place centrale accordée à la Chine. Le document décrit Pékin comme le principal défi stratégique auquel doivent faire face les États-Unis. La Chine est présentée comme une puissance révisionniste cherchant à remodeler l’ordre international à son avantage, à développer une supériorité technologique et à étendre sa présence militaire dans l’Indopacifique. Washington entend répondre par un renforcement de la dissuasion dans la région, par une consolidation de ses alliances avec le Japon, l’Australie, la Corée du Sud ou encore les Philippines, ainsi que par des partenariats élargis avec l’Inde et l’ASEAN. La limitation des transferts technologiques sensibles vers la Chine constitue également un volet essentiel de cette politique.

La Russie occupe une place différente. La NSS 2025 la présente comme une menace aiguë mais affaiblie, notamment par sa guerre prolongée en Ukraine et par l’isolement diplomatique qui en résulte. Les États-Unis réaffirment leur soutien durable à l’Ukraine, insistent sur la nécessité de renforcer le flanc Est de l’OTAN et se préparent à contrer les actions hybrides russes dans les domaines cyber, informationnel et énergétique. Moscou est perçue comme un acteur encore capable de déstabiliser son voisinage et les démocraties occidentales, même affaibli militairement.

L’Iran, la Corée du Nord et les organisations terroristes internationales demeurent également des sources de préoccupation majeures. La NSS décrit l’Iran comme un acteur déstabilisateur disposant d’un réseau de milices régionales, tandis que la Corée du Nord est présentée comme une menace nucléaire persistante. Les États-Unis entendent maintenir une présence militaire robuste au Moyen-Orient et renforcer leur coopération avec Israël, les États du Golfe et les partenaires arabes.

La question des alliances occupe une place structurante dans ce document. Washington souhaite désormais un système mondial d’alliances interconnectées, capable de relier les partenaires européens, asiatiques et moyen-orientaux dans un ensemble cohérent. La stratégie insiste sur le caractère indispensable de l’OTAN, sur le rôle croissant de l’alliance AUKUS et sur un rapprochement stratégique avec l’Inde. L’objectif est de consolider une architecture mondiale alignée sur les intérêts américains.

La stratégie militaire met l’accent sur la modernisation des forces armées et sur l’intégration de nouveaux domaines de conflictualité. Washington prévoit de moderniser l’arsenal nucléaire, de développer les armes hypersoniques, d’étendre les capacités spatiales et cyber, et d’intégrer massivement l’intelligence artificielle dans les opérations militaires. La NSS utilise le concept de « dissuasion intégrée » pour désigner la combinaison des outils militaires, économiques, technologiques et diplomatiques destinés à prévenir les conflits.

Un autre volet essentiel est la sécurité économique. La NSS affirme explicitement que la puissance américaine dépend de sa base industrielle, de ses chaînes d’approvisionnement et de sa capacité à dominer les technologies critiques. Les priorités incluent les semi-conducteurs, les matériaux stratégiques, les biotechnologies, les batteries et l’énergie. Le rapatriement de certaines productions et la protection des secteurs sensibles face à la Chine sont au cœur de cette stratégie.

La technologie occupe une position clé : la NSS 2025 affirme que la compétitivité mondiale sera déterminée par la maîtrise des innovations de rupture. Les États-Unis veulent conserver leur avance dans l’IA, l’informatique quantique, l’espace, les biotechnologies et les communications sécurisées. Washington voit dans cette compétition technologique le principal déterminant de la puissance au XXIᵉ siècle.

Le document prend aussi une dimension idéologique en opposant un « bloc démocratique » aux régimes autoritaires. Les États-Unis entendent soutenir les démocraties émergentes, lutter contre la désinformation et les ingérences étrangères, et renforcer la résilience politique interne.

Sur le plan climatique et énergétique, la NSS 2025 adopte un ton plus pragmatique que les versions précédentes. La transition énergétique reste un objectif, mais la sécurité énergétique retrouve une place centrale, avec une dépendance assumée aux hydrocarbures américains, un soutien au nucléaire civil et une aide à la diversification énergétique de l’Europe.

Et l’Europe ?

L’Europe occupe une place centrale en tant que pilier indispensable de l’architecture stratégique américaine. Le document présente le continent non seulement comme un espace à défendre face à la Russie, mais aussi comme un partenaire clé dans la compétition mondiale contre les régimes autoritaires. Washington insiste sur la nécessité d’une Europe « forte, unie et capable » de soutenir l’OTAN, de moderniser ses forces armées et de partager davantage le fardeau stratégique. L’Union européenne est considérée comme un acteur économique vital, notamment dans les chaînes d’approvisionnement, les technologies critiques et la régulation numérique.

Mais la NSS 2025 reste claire : l’Europe demeure dépendante de la garantie de sécurité américaine, et sa stabilité conditionne directement la capacité des États-Unis à concentrer leurs efforts sur l’Indopacifique. En somme, le document voit l’Europe comme un partenaire indispensable, mais dont la sécurité doit être consolidée, afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle dans la compétition globale que Washington considère désormais comme structurante.

La National Security Strategy 2025 révèle ainsi un pays conscient de l’évolution d’un monde plus dur et plus compétitif. Elle exprime la volonté américaine de maintenir son leadership global en mobilisant ses capacités militaires, économiques, industrielles et technologiques, tout en s’appuyant sur un réseau d’alliances renforcées. Dans un monde multipolaire et fragmenté, la NSS 2025 trace une voie résolument tournée vers la compétition stratégique, l’innovation et la consolidation de la puissance américaine.

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À propos de l’auteur
John Mackenzie

John Mackenzie

Géopolitologue et grand reporter, John Mackenzie parcourt de nombreuses zones de guerre.

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