<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’Afrique du Sud dominera-t-elle encore l’Afrique en 2030 ?

27 novembre 2016

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Vue du Cap, Afrique du Sud. Photo: Pixabay

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L’Afrique du Sud dominera-t-elle encore l’Afrique en 2030 ?

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Longtemps puissance dominante du continent noir, l’Afrique du Sud est aujourd’hui confrontée à l’émergence de rivaux, comme le Nigeria et l’Éthiopie, qui peuvent dans les prochaines décennies prétendre à un rôle de premier plan en Afrique. Que restera-t-il de la puissance sud-africaine en 2030 ?

L’Afrique du Sud est souvent décrite comme le « géant de l’Afrique ». Cette métaphore, qui pourrait sembler convenue, décrit une réalité puisque l’Afrique du Sud représente 1/5e du PIB du continent africain et le tiers de celui de l’Afrique subsaharienne. Mais depuis 2010, selon les données du FMI, le Nigeria a ravi à l’Afrique du Sud le premier rang parmi les économies africaines, qui reste cependant devant lui pour le PIB par habitant (6 470 $ contre 3 700 $ au Nigeria).

Une place économique encore prédominante

Les groupes sud-africains restent très présents dans l’extraction de métaux et de minerais, comme l’anglo-american Platinum et Impala, qui sont respectivement les 1er et 2e producteurs de platine de la planète. Mais de crainte d’une possible nationalisation, les grandes firmes ont fréquemment délocalisé une partie de leurs activités en Europe, comme Richemont (le propriétaire des marques Cartier et Lancel). Néanmoins l’Afrique du Sud est parvenue avec un certain succès à diversifier son économie, comme le montre le poids des activités tertiaires (68 % du PIB) avec la finance (ABSA et Standard Bank) ou la distribution (Shoprite et Massmart). Ces résultats flatteurs ne doivent pas masquer une réalité plus nuancée. L’industrie minière est pénalisée par les fréquentes coupures d’électricité qui frappent le pays. La hausse de la consommation d’électricité (de 25 % depuis 2000), provoquée par la vigueur de la croissance économique et par le raccordement de millions de foyers au réseau électrique, n’a pas été correctement anticipée. L’économie sud-africaine souffre aussi d’un manque de main-d’œuvre qualifiée. La politique d’apartheid a longtemps privé la jeunesse noire de l’accès à l’enseignement, ce qui explique un taux d’analphabétisme encore élevé (il est en moyenne nationale de 16 %, mais de 23 % pour la population noire contre 1,2 % pour la minorité blanche). Mais ce taux reste faible comparé à la moyenne en Afrique (33 %). Les jeunes diplômés blancs sont par ailleurs fréquemment tentés de partir à l’étranger, par manque de perspectives professionnelles et à cause de la criminalité qui ronge la société. Le tiers de la population a moins de 15 ans, et la création d’emplois est largement insuffisante pour résorber le chômage qui, selon les données officielles, s’établit à près de 25 % de la population active au début de l’année 2016. Un chiffre notoirement sous-évalué. Enfin les résultats économiques (le PIB par habitant a été multiplié par deux depuis quinze ans) restent tributaires de la demande asiatique. La Chine est le premier client de l’Afrique du Sud, et le ralentissement de ses importations est en grande partie responsable de la faible croissance en 2015 (1,4 %).

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Une capacité militaire sans équivalent en Afrique

Contrairement à l’Algérie ou au Nigeria, l’Afrique du Sud n’est pas confrontée, ou de manière marginale, à la menace de l’islam radical, et elle n’est pas en conflit avec l’un de ses voisins comme l’Éthiopie avec l’Érythrée. L’Afrique du Sud dispose de la force armée la plus opérationnelle d’Afrique, même si une partie de ses équipements doit être renouvelée. Depuis quinze ans, pour appuyer sa politique étrangère, le gouvernement a consenti un effort financier, qui reste cependant insuffisant puisqu’avec 4,9 milliards de dollars, le budget de l’armée est du même montant que lors de l’élection de Nelson Mandela (1994). L’Afrique du Sud a le 3e budget militaire du continent noir après l’Algérie et l’Angola, mais il demeure dérisoire comparé à ceux des autres pays émergents comme l’Inde (49 milliards de $) ou le Brésil (32 milliards de $). Si une partie du matériel commence à être vétuste (notamment les chars de modèle Olifant ou les véhicules de transport de troupes comme les Casspir), l’Afrique du Sud peut engager 26 avions de combat Gripen et une cinquantaine d’hélicoptères de combat et de transport de troupes. Ces équipements peuvent paraître modestes, mais dépassent amplement les capacités des États voisins. Néanmoins, pour être en mesure d’intervenir dans des conditions optimales en Afrique, l’acquisition de nouveaux matériels comme des avions de transport de troupes de type A 400 M est nécessaire. Cette force armée permet à l’Afrique du Sud de participer activement aux opérations de maintien de la paix de l’ONU (avec au début de l’année 2016, 2 200 hommes déployés principalement en RDC et au Soudan du Sud).

La vigie de l’Atlantique-sud

L’Afrique du Sud conserve une certaine emprise sur les économies d’Afrique australe comme la Namibie (en lui fournissant 75 % de ses importations), par le biais de ses entreprises (comme la De Beers qui participe à l’extraction du diamant en Namibie et au Botswana) ou de sa monnaie (le rand a cours légal en Namibie et au Lesotho). Cette domination s’exerce tant sur le plan financier et commercial que géographique, puisque les installations portuaires de l’Afrique du Sud sont un passage obligé pour les échanges de ces pays. La qualité des infrastructures des ports sud-africains est sans équivalent en Afrique. Le volume de marchandises passant par les six premiers ports d’Afrique du Sud équivaut à 60 % du trafic portuaire en Afrique subsaharienne et à 90 % de celui de l’Afrique australe. La route du cap de Bonne-Espérance demeure stratégique puisque aujourd’hui 10 % du pétrole mondial transporté par la mer emprunte ce passage, essentiellement dans le sens ouest-est. Ce pétrole extrait du golfe de Guinée est chargé sur des navires pétroliers, qui se dirigent vers l’Asie. La position stratégique de l’Afrique du Sud l’amène à exercer une surveillance attentive de la circulation maritime entre les océans Indien et Atlantique. L’Afrique du Sud dispose de la première force navale du continent africain avec notamment trois sous-marins à propulsion classique, livrés par l’Allemagne au début des années 2000. Cet équipement contraste avec la vétusté des forces navales de l’Angola, du Mozambique et de Madagascar. L’Afrique du Sud conserve les mêmes atouts qu’à l’époque de l’apartheid, une situation géostratégique et un sous-sol qui recèle d’abondantes et précieuses matières premières (avec les premières réserves mondiales de chrome, de platine et de manganèse). Aujourd’hui elle doit relever plusieurs défi s pour continuer à conserver un certain leadership sur le continent noir. Elle se doit d’agir efficacement contre l’épidémie de sida (6,5 millions de Sud-Africains sont infectés par le VIH, un triste record mondial) afin de redresser une natalité qui ne cesse de diminuer. En 2050, avec 64 millions d’habitants, l’Afrique du Sud ne se classera qu’au 10e rang en Afrique contre le 5e aujourd’hui. Le principal défi à relever est de favoriser l’émergence d’une nouvelle élite, qui saura porter un message d’optimisme à une nation inquiète de l’avenir, et assurer la pérennité des institutions démocratiques encore fragiles

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Photo : Vue du Cap, Afrique du Sud. Photo: Pixabay

À propos de l’auteur
François Lafargue

François Lafargue

Docteur en géopolitique et docteur en science politique, François Lafargue est professeur de géopolitique à Paris School of Business et enseignant à Centrale-Supélec. Auteur de Géopolitique de l’Afrique du Sud, PUF, « col. Major », livre du Festival de Géopolitique de Grenoble 2016.
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