L’avenir de la zone Schengen passe aussi par la route des Balkans

2 décembre 2023

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L’avenir de la zone Schengen passe aussi par la route des Balkans

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La Roumanie et la Bulgarie tentent depuis plus de dix ans d’intégrer l’espace Schengen mais leur demande a sans cesse été recalée. Un vote doit se tenir le 4 décembre pour décider une nouvelle fois de leur sort dans l’espace de libre circulation.

Teuta Vodo, ancienne vice-ministre de la justice d’Albanie, chercheuse associée à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

Avec l’intégration de la Croatie, le 1er janvier 2024, la zone de libre circulation européenne, dite espace Schengen, comptera 27 États, dont 23 États membres de l’UE ; la Suisse, la Norvège, l’Islande, et Liechtenstein étant membres de Schengen mais pas de l’UE. Les deux Etats des Balkans orientaux, que sont la Roumanie et la Bulgarie, membres de l’UE depuis 2007, appartenant à l’OTAN, depuis 2004, ont vu leurs adhésions à l’espace Schengen systématiquement recalées. La dernière fois c’était le veto porté par l’Autriche et les Pays-Bas à l’occasion du Conseil « Justice et Sécurité Intérieure » (JAI) de décembre 2022.

Un nouveau vote d’adhésion

Tous les regards sont ainsi désormais focalisés, sur la décision du 4 décembre prochain, à Bruxelles ou y sera discuté, à la demande du Premier ministre roumain, Marcel Ciolacu, l’adhésion de ces deux pays à l’espace Schengen.

La décision des ministres de l’Intérieur, siégeant dans le cadre de cette réunion du Conseil de l’UE, se fera sous la présidence semestrielle du Conseil de l’UE, assurée par l’Espagne et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez. Elle sera déterminante pour forger aussi un destin européen dans l’espace balkanique élargi.

Compte tenu de la complexité des multiples défis convergents auxquels sont confrontés les Etats de l’Europe du Sud-Est et ceux de l’Europe orientale, notamment ceux ayant en partage le bassin du fleuve Danube, la décision du 4 décembre est primordiale.

Les deux pays remplissent les critères d’adhésion depuis 2011, mais leur adhésion à l’espace Schengen a été bloqué par le veto autrichienne.

Dans un domaine aussi important que la protection des frontières extérieures, la souveraineté nationale peut certainement être considérée comme d’une importance primordiale, et c’est précisément ce qui fait défaut dans le problème actuel : une frontière extérieure. L’Autriche est entourée de pays membres de l’accord de Schengen.

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Les chiffres élevés en matière d’asile communiqués par Vienne à Sofia et Bucarest pour justifier leur veto en 2022 n’étaient pas non plus convaincants. Pour rappel, par rapport à 2022, les demandes d’asile ont diminué de 40 % et seuls 2 % des demandeurs d’asile autrichiens transitent par la Roumanie.

Le Premier ministre bulgare, Nikolai Denkov a d’ailleurs, souligné avec raison, que si la Bulgarie adhère à Schengen, le personnel qui protège actuellement la frontière des points de passage avec la Roumanie et la Grèce pourraient alors être déployé aux frontières bulgaro-turques et bulgaro-serbes.

Il conviendrait ainsi, de trouver une solution européenne aux inquiétudes justifiées du gouvernement autrichien concernant le nombre élevé de demandes d’asile. Il est également évident que cela ne se doit pas se faire aux dépens de la Bulgarie et de la Roumanie. Car le veto utilisé contre l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à Schengen est également une décision politique et électorale.

Nouvelles frontières européennes

Prenons le cas précis de l’euroscepticisme et du profond sentiment de frustration qui est en train de gangrener l’Europe. Cette réalité d’une Europe ultra-conservatrice et « illibérale » a désormais prise notamment parmi les jeunes électeurs. C’est précisément ce qui pourrait donner un nouvel élan aux populistes lors des prochaines élections européennes du 9 juin 2024. Rappelons par ailleurs, qu’en Autriche et en Roumanie se tendront des élections générales qui auront également lieu en 2024. Rejoindre Schengen serait ainsi une étape relativement peu risquée pour les 27 Etats membres de l’UE et les 26, bientôt 27, membres de l’Espace Schengen.

La Bulgarie, en revanche, a dépassé le temps des élections. À la suite des élections législatives du printemps 2023, un gouvernement pro-européen est au pouvoir depuis juin dernier. La préférence de la Bulgarie pour une orientation pro-européenne s’est également manifestée lors des récentes élections locales. Ni la gauche pro-russe ni la droite nationaliste ne sont parvenues à réaliser des avancées significatives.

L’intégration européenne nécessite ainsi des résultats concrets et l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à Schengen serait ainsi une étape décisive comportant un risque relativement faible et une puissance symbolique relativement élevée.

Les six nations des Balkans occidentaux, engagées à différents stades de leur processus d’adhésion à l’Union européenne, pourraient être soumises au même traitement pendant et après leur adhésion. Elles craignent une intégration partielle et incomplète. Il s’agit d’une perspective où les nouveaux membres pourraient être traités de manière arbitraire.

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À ce stade, il eut été judicieux d’annoncer publiquement avec les présidents bulgare Rumen Radev et roumain, Klaus Iohannis, le règlement du différend, confirmant d’évidence qu’une protection renforcée des frontières extérieures de l’UE devrait aller de pair avec l’élargissement de l’espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie.

C’est dans cette optique qu’avait été créé le groupe dit des « Amis des Balkans occidentaux » lancé par le ministre autrichien des Affaires étrangères Alexandre Schallenberg, en confirmant que la Bulgarie et la Roumanie deviendront, ipso facto, tôt ou tard, membres de Schengen.

Mieux vaudrait le faire le plus rapidement possible, en amont, des prochaines échéances électorales européennes (juin 2024), locales, présidentielles et parlementaires, en Roumanie et avant le scrutin législatif fédéral, en Autriche (octobre 2024) et ce, afin de ne pas « polluer » ces moments démocratiques, qui fondent les raisons mêmes de l’Europe à laquelle, nombre de pays des Balkans occidentaux aspirent. L’intégration de leurs deux républiques sœurs des Balkans orientaux, que sont la Roumanie et la Bulgarie, à l’espace Schengen offrirait aussi ce qui fait encore le plus défaut, sur les « Marches » européennes : la conviction que l’Union européenne est fondée sur des mécanismes méritocratiques.

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