Le Chili : un acteur majeur du lithium dans le monde

5 août 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : YICHANG, CHINA - NOVEMBER 23, 2022 - Aerial photo shows large engineering vehicles at the site of the Chuneng New Energy (Yichang) lithium battery Industrial Park project in Yichang, Hubei Province, China, Nov 23, 2022.(Photo by CFOTO/Sipa USA)/42929015//2211231455
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Le Chili : un acteur majeur du lithium dans le monde

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Le Chili possède 40% des réserves mondiales de lithium. Gabriel Boric, le président chilien, vient d’achever un voyage en Europe durant lequel il a fait la promotion de ce marché auprès des investisseurs. Entretien avec Hubert Porte sur l’état du marché du lithium au Chili.

Le lithium est un élément stratégique dans le marché mondial. Il s’agit d’un composant essentiel des batteries utilisées dans les voitures électriques, drones, etc.

Hubert Porte, qui représente l’entreprise française minière Eramet au Chili, répond à nos questions sur l’état actuel du marché chilien du lithium. Propos recueillis par Bernard Larrain.

Le Président chilien vient de réaliser une tournée européenne. À Paris, il s’est réuni avec des représentants des entreprises françaises. Son gouvernement, auquel participe le parti communiste, a souvent tenu un discours ambigu concernant les investissements étrangers.  Quelle impression avez-vous eue de cette tournée européenne et de sa vision des investissements étrangers dans le pays ?

Le discours du Président Boric et de ses ministres a été très clair et sans équivoque concernant la volonté du Gouvernement d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers au Chili notamment dans le domaine du lithium et de l’hydrogène vert qui était les deux sujets économiques principaux de cette visite. C’était un discours avec hauteur de vue qui vantait notamment la trajectoire du pays dans les 30 dernières années. Cette vision transversale au niveau politique répond bien aux attentes d’investisseurs à long terme comme les groupes miniers ou énergétiques.

Le Chili veut devenir un leader mondial dans le marché du lithium. Quelles caractéristiques font que ce pays ait de telles ambitions ?

Après avoir été le numéro 1 mondial pendant plusieurs années, le Chili est aujourd’hui numéro 2 mondial, derrière l’Australie, mais le pays a l’ambition et les moyens de récupérer son leadership. En effet, le Chili possède aujourd’hui 40% des réserves mondiales de lithium contenues dans les saumures des salars. Seul 1 salar (Atacama) est exploité alors que le pays compte 45 salars. Les concentrations de lithium dans les saumures sont les plus élevées du monde avec plus de 2.000 ppm à Atacama à comparer para exemple avec la concentration moyenne en lithium des saumures de notre projet argentin qui est de 450 ppm soit un rapport de plus de 1 à 4.

Donc les caractéristiques naturelles sont exceptionnelles, mais les gouvernements des 30 dernières années n’ont malheureusement pas su créer les conditions pour développer le nombre d’acteurs produisant du lithium au Chili. On ne compte aujourd’hui que 2 acteurs, le chilien SQM et l’américain Albemarle, tous deux présents sur le salar d’Atacama. Si le Chili veut récupérer son leadership, il faudra que les gouvernements fassent preuve de célérité et de pragmatisme dans les dialogues avec les acteurs privés.

En quoi consiste la « stratégie chilienne du lithium » ? Est-elle suffisamment respectueuse de l’environnement et des communautés locales ?

En réaffirmant le caractère non concessible du lithium, la Stratégie National du Lithium vise à remettre l’État chilien au centre du dispositif, notamment pour les salars considérés comme stratégiques comme Atacama où l’État souhaite détenir le contrôle des opérations. Le gouvernement a donc mandaté Codelco [entreprise publique chilienne. Codelco est le principal producteur de cuivre au monde] pour négocier avec SQM et Albemarle une structure sociétaire dans laquelle, à terme, l’État sera majoritaire.

Néanmoins le gouvernement s’est engagé à ne pas remettre en cause les contrats existants. Sur les salars non stratégiques, des autorisations d’exploration et d’exploitation pourront être attribuées à des acteurs privés pour développer des projets qu’ils pourront contrôler. Les communautés sont au cœur des préoccupations du gouvernement et un processus de dialogue entre le gouvernement et les communautés est en cours. De plus, le dialogue et les accords avec les communautés sont une étape préalable indispensable à la définition de tout projet industriel.

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En ce qui concerne l’environnement, la Stratégie Nationale du Lithium rend obligatoire l’utilisation de la technologie d’extraction directe (DLE) qui est beaucoup plus respectueuse de l’environnement que la technologie actuelle d’évaporation, notamment en termes d’empreinte hydrique. Cet aspect intéresse tout particulièrement Eramet qui a développé dans les 10 dernières années une technologie DLE 100% qui sera la première au monde à fonctionner à l’échelle industrielle sur notre projet argentin au cours du premier semestre 2024.

Quel rôle pourront jouer les entreprises françaises dans ce « rêve » chilien de devenir le leader mondial du lithium ?

Eramet possède de nombreux atouts pour se positionner en tant que partenaire de l’État chilien, et ce pour plusieurs raisons. D’une part l’association avec les états fait partie de l’ADN d’Eramet qui compte parmi ses actionnaires à l’État français avec 27% du capital. Par ailleurs, dans l’ensemble de nos opérations de par le monde (nous sommes présents dans 15 pays), nous avons un système de partenariat avec les états. Un second atout est la Responsabilité Sociale d’Entreprise qui est au cœur de la stratégie d’Eramet ce qui répond bien aux attentes du gouvernement actuel dans ce domaine. Enfin, notre technologie DLE et la poursuite de la certification IRMA (mine responsable) de tous les sites d’Eramet, réaffirment l’engagement du groupe pour l’environnement.

Il existe également d’autres entreprises françaises talentueuses qui travaillent sur des étapes des procédés d’extraction directe, je pense notamment à Geolith et à Adionics.

Le Chili a connu une grande crise politique en 2019 et est en train de rédiger une nouvelle Constitution. La zone géographique où se trouvent les gisements est une zone habitée par des communautés indigènes, mais est aussi une région où des tensions peuvent se produire avec les pays voisins. Quels risques politiques et géopolitiques sont-ils à considérer par les investisseurs français ?

Les derniers gouvernements en général et celui du Président Boric en particulier ont accéléré les processus de consultation et d’association des communautés indigènes du nord du pays aux projets miniers. La poursuite de cette démarche devrait permettre à tous les acteurs de trouver leur place et de permettre un développement harmonieux de l’industrie du lithium dans le respect des communautés et de l’environnement.

En ce qui concerne les tensions avec les pays voisins, il y bien quelques sujets frontaliers notamment avec la Bolivie, mais nous faisons confiance à la diplomatie et à la sagesse des parties en présence pour maintenir la paix dans la région.

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À propos de l’auteur
Bernard Larrain

Bernard Larrain

Bernard Garcia Larrain, juriste franco-chilien, docteur en droit.
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