<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le fort de Chavagnac, ouvrage défensif de la première rade artificielle de France #10

11 août 2023

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Le fort de Chavagnac, ouvrage défensif de la première rade artificielle de France #10

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C’est une innovation pour Arcade. Se lancer dans la restauration d’un fort du Second Empire, battu par les flots normands, loin des zones touristiques habituelles, est un véritable défi. 

C’est un défi de taille, l’association est très prudente quant aux règles de sécurité : aucun volontaire ne doit avoir moins de 22 ans, et chaque équipe doit posséder au minimum un permis bateau. Pourquoi tant de précautions ? 

La fortification militaire est un patrimoine trop peu connu, semble-t-il. C’est la première fois qu’Arcade envoie des bénévoles en pleine mer, isolés. On y accède seulement en bateau, ce qui confère à cette mission un aspect aventurier qui n’est pas pour déplaire à la jeunesse assoiffée d’audace. Le fort de Chavagnac est situé dans la rade de Cherbourg-en-Cotentin, commune du département de la Manche, encore loin des zones touristiques usuelles. Ce côté-là de la Normandie n’est pas forcément le plus attirant. Comme le souligne Amaury Gomart, président de l’association Arcade, Cherbourg évoque « la France profonde », celle de la petite histoire, et en l’occurrence l’histoire maritime. 

Le maillon de la chaîne

Le fort de Chavagnac fait partie de ces forts défensifs de la Manche qui n’ont jamais réellement servi. Maillon d’un réseau de cinq fortifications encerclant la deuxième rade artificielle au monde, il est conçu par le même architecte que celui qui dirigea les travaux du Fort Boyard. D’une superficie de 1 500 hectares, la rade de Cherbourg est bordée d’une place forte surmontée d’un château du Xe siècle. Située en bordure de mer, sans rade naturelle ni promontoire rocheux, la petite cité est soumise aux aléas des caprices du temps et des invasions étrangères. En 1786, l’inspection des défenses de la baie ordonnée par Louis XIV marque le début du renforcement de la protection des côtes. Le comte Gilbert de Chavagnac, alors major de la Marine et commandant du corps royal des canonniers et des matelots, réalise des sondages des eaux profondes de la rade afin d’étudier l’implantation d’une future digue. C’est là qu’il fait la découverte de plusieurs îlots rocheux. À ce titre, il fait construire l’année suivante, en 1787, une longue digue de pierre de 3 700 mètres, clôturant l’anse. Des bastions armés en permanence y sont installés. Cet ouvrage mixte est couronné d’une muraille en maçonnerie, et culmine à près de quatre mètres au-dessus des plus hautes eaux.

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Plusieurs décennies suivent, et des ingénieurs du Second Empire projettent d’utiliser l’une de ces barres rocheuses pour y ancrer un ouvrage défensif à proximité de la passe de l’ouest de la rade. En 1854, sur un rocher au large du fort de Querqueville commence la construction du fort à qui le comte de Chavagnac prêtera son nom. Prévoyant initialement une forme circulaire, les architectes se tournent vers la forme triangulaire aux angles arrondis, permettant une meilleure surveillance et défense de la passe de l’ouest. Des coupoles tournantes cuirassées sont ajoutées. En 1891, le fort est arasé et bétonné pour résister aux progrès de l’artillerie ennemie, et en 1894, il est électrifié grâce à du matériel récupéré de la casse du cuirassier Le Tonnant.

Et pendant la Seconde Guerre mondiale, occupé par les Allemands, il fait office de bastion de surveillance, verrouillant la route vers la Grande-Bretagne et les ravitaillements alliés. 

Un ouvrage en danger

Une maquette du fort de Chavagnac se trouve au musée des plans-reliefs de l’hôtel des Invalides.

Immense, il est doté de 37 pièces d’usages divers dont 13 avec une vue directe sur la mer, de deux plates-formes munies de plusieurs postes de tir installés pendant la dernière guerre. Il mesure 116 mètres de long, et 66 mètres de large, pour une surface de 6 800 mètres carrés. Dépourvu d’eau et d’électricité, il est aujourd’hui extrêmement dégradé.

Sa forme triangulaire aux angles arrondis en fait un fort destiné à croiser ses feux avec la batterie ouest de la pointe de la digue. Renforcé par un parapet en maçonnerie et un mur brise-lames, il épouse parfaitement la forme de la digue. Ses pierres assemblées d’une première batterie élevée à la fin du XVIIIe siècle ne résistent pas aux assauts dévastateurs d’une violente tempête en 1808. Presque entièrement reconstruit sous Napoléon Bonaparte, son phare est alors ceinturé par des casernes et des bâtiments à vocation logistique.

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À la suite des progrès de l’artillerie, la hauteur de l’ouvrage est réduite à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, le fort a conservé un poste de direction de tir avec ses portes blindées, un monte-charge acheminant des munitions jusqu’aux postes de tir, et un canon de 37 millimètres dans son encuvement.

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