» Le Hamas n’admet pas la présence d’Israël ». Entretien avec Ayman Chanaa

21 décembre 2023

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Photo : Women and children participate in a rally in Peshawar, Pakistan, Wednesday, Dec. 20, 2023 (AP Photo/Muhammad Sajjad)/ISL101/23354313007208//2312200950
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 » Le Hamas n’admet pas la présence d’Israël ». Entretien avec Ayman Chanaa

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La première règle méthodologique, dans un conflit, est d’écouter toutes les parties et d’en analyser le discours. Écouter ne signifiant pas approuver. C’est pourquoi nous publions ici un entretien avec Ayman Chanaa, membre du bureau politique et représentant des relations extérieures du Hamas. Comprendre comment pense le Hamas et comment il analyse la guerre en cours permet de prendre toute la mesure du conflit. Dans cet entretien, il aborde la situation à Gaza, la question des otages et il précise les positions du parti islamique sur le règlement du conflit.

Entretien réalisé au Liban fin novembre et propos rapporté par Pierre-Yves Baillet

À Gaza, les brigades Al-Qassam (branche armée du Hamas) combattent-elles aux côtés d’autres groupes ?

Bien sûr, d’autres factions résistent à l’ennemi sioniste, chacune avec ses propres capacités et possibilités. Nos frères de Saraya al-Quds ont leurs propres capacités et font du bon travail pour résister à l’ennemi sioniste, de même que le FPLP et de nombreuses autres factions palestiniennes activent dans la bande de Gaza.

Pourquoi les médias ne parlent-ils que des brigades Al-Qassam ?

Il est naturel de parler des brigades Al-Qassam, car elles représentent la principale force dans la bande de Gaza et sont celles qui ont exécuté l’opération Tofan al-Aqsa le 7 octobre. C’est pourquoi tout le monde parle des brigades Al-Qassam et du Hamas.

Cependant, avant cette bataille et même pendant celle-ci, la salle des opérations conjointes dirigée par le Hamas, clairement reconnu par l’ennemi sioniste, coordonne les opérations conjointes. Au cours des dernières années en 2021 et 2014 (désolé, en 2014, la salle des opérations conjointes n’existait pas), elle a joué un rôle important dans tous les affrontements avec l’ennemi, obtenant de bons résultats tant dans les opérations le long des frontières de la bande de Gaza que dans le lancement de roquettes et les affrontements avec l’ennemi sioniste. La salle des opérations conjointes a réalisé des exploits uniques et importants au cours des trois dernières années. De plus, l’ennemi sioniste et l’administration Biden ont clairement et ouvertement déclaré la guerre contre le Hamas, suivi par certains pays de l’UE. C’est pourquoi tout le monde se concentre sur le mouvement du Hamas et sur ce qu’il a fait le 7 octobre.

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Quelles sont les conditions du Hamas pour libérer tous les otages ?

Le Hamas a déclaré dès le premier moment que nous libérerons les civils à la première opportunité, mais les opérations militaires ont posé des obstacles à cela. Le mouvement a conclu un accord d’échange concernant les otages civils. En ce qui concerne les otages militaires, la direction de la résistance a déclaré dès le premier jour, et le porte-parole des brigades Al-Qassam a dit que nous avons un grand nombre de soldats sionistes dans la bande de Gaza, environ 200 soldats. Ils ne seront pas libérés avant la fin de l’agression contre la bande de Gaza et la libération de tous les prisonniers palestiniens dans les prisons sionistes. Cette équation est claire et directe, et elle ne changera à aucun moment.

Avec l’attaque du 7 octobre et la libération de prisonniers palestiniens, le Hamas gagne en popularité auprès de la population palestinienne, notamment en Cisjordanie. Cela ne crée pas de tensions entre les deux parties ?

Tout d’abord, je tiens à vous dire que notre peuple en Cisjordanie a célébré et levé les drapeaux du Hamas. Hier, j’ai vu quelque chose d’étrange : dans l’entité sioniste, le drapeau palestinien a été levé, car leurs otages ont été traités de manière humaine. En ce qui nous concerne, cela ne créera aucun problème ni désaccord, car le Hamas n’a pas fait de distinction entre ceux [Palestiniens] libérés de Fatah, du Hamas ou d’autres factions. Le Hamas a utilisé la méthode de ceux qui ont passé une période plus longue [en prison] en ce qui concerne les prisonniers, et d’ailleurs, ceux libérés par le Hamas sont moins nombreux que ceux libérés par nos frères du Fatah.

Cela ne créera certainement aucun problème, et au contraire, c’est une nouvelle porte pour unifier notre peuple palestinien face aux agressions sionistes répétées contre la bande de Gaza et la Cisjordanie, ainsi que notre peuple palestinien en Cisjordanie. Jusqu’à un certain point, l’entité sioniste a assiégé les maisons des prisonniers libérés et a saisi les sucreries qui devaient être distribuées, au point d’interdire aux stations de médias de filmer les prisonniers palestiniens entrant dans leurs maisons en Cisjordanie. Ce que nous craignons, ce sont les agressions continues de cet ennemi sioniste contre notre peuple palestinien en Cisjordanie. Mais nous considérons cette scène comme une scène d’unité et un accord national palestinien. La libération des prisonniers contribuera certainement à une unité palestinienne durable, inch Allah.

Lorsque vous parlez d’un État palestinien, voulez-vous parler des frontières de 1967 ? Celles qui reconnaissent deux États ?

Quand le Hamas parle de la Palestine, il englobe toute la Palestine. Mais pour être réaliste, ce qui a été réalisé depuis l’accord d’Oslo jusqu’à présent, la Cisjordanie a été remise à l’Autorité palestinienne, et les points de contrôle ont été levés. Plus de 700 points de contrôle en Cisjordanie, et maintenant beaucoup plus après le mouvement de résistance en Cisjordanie. De quels accords pouvons-nous parler ? Les sionistes n’ont pas donné à notre peuple palestinien, ce gouvernement sioniste et tous les anciens gouvernements, n’ont pas donné à notre peuple palestinien et n’ont pas donné à l’AP ce qui avait été convenu dans l’accord d’Oslo. C’est pourquoi nous [le Hamas], en tout cas, n’avons pas accepté l’accord d’Oslo, mais si les médiateurs américains et européens et d’autres venaient et donnaient aux Palestiniens l’État palestinien sur les terres de 1967, nous n’y serions pas opposés.

Mais je le dis ouvertement, nous n’admettrons pas la présence d’Israël, c’est ce que nous avons dit maintes fois et nous le répétons et le répéterons toujours, nous n’admettrons pas cette entité agressive. S’ils donnaient à l’AP les terres de 1967, alors qu’ils les leur donnent et nous n’y ferons pas obstacle, mais nous dirons que nous continuerons dans la résistance jusqu’à la libération de toute la Palestine. Aujourd’hui, cette opération bénie, l’opération de Tofan al Aqsa, a prouvé au monde entier que cet ennemi qui est censé être la puissance la plus forte de la région et être l’armée invaincue, nous avons dit à travers cette opération que nous sommes capables de libérer toute la Palestine, et c’est seulement une question de temps et d’accumulation de puissance avant cette entité agressive sioniste.

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Abu Bakir, un leader salafiste libanais et membre d’Al-Nosra, a été tué avec deux salafistes turcs, aux côtés du chef adjoint des brigades Al-Qassam au Liban, Abu Khaled. Ils ont été tués dans une zone contrôlée par le Hezbollah. Le Hezbollah et Al-Nosra se sont affrontés au Liban. Ces ennemis sont-ils en train de s’unir face à Israël ?

Ce sujet concerne les émotions envers la Palestine, il n’y a personne au Liban et en Palestine qui ne soutienne pas la Palestine. Nous ne parlons pas ici de croyances et d’écoles de pensée, nous parlons ici de la dimension émotionnelle liée à la Palestine, et vous voyez dans le monde entier, même le monde occidental a manifesté en faveur de la cause palestinienne. Et ceux qui étaient avec notre martyr Khalil Kharaz, qu’il soit béni, étaient des partisans de la Palestine et de la cause palestinienne. C’est pourquoi cela n’est pas nouveau pour quiconque, quelle que soit son appartenance à un côté ou un groupe. Tout le monde est sorti pour soutenir la Palestine.

Pratiquement rien ne se passe dans le sud Liban sans que le Hezbollah ne soit au courant, et les factions palestiniennes sont sous le commandement du Hezbollah dans cette zone. Cela veut-il dire que le Hezbollah, et par extension l’Iran, sont prêts à s’allier avec des salafistes radicaux pour combattre Israël ?

Je ne veux pas entrer dans les affaires internes libanaises mais, brièvement, dans le projet de résistance, nos frères du Hezbollah ont ouvert la voie à de nombreuses factions libanaises et palestiniennes pour participer à la défense de la Palestine. En ce qui concerne les tensions internes libanaises, il n’est pas dans notre intérêt d’y entrer, car nous avons des engagements en tant que Hamas de ne pas nous immiscer dans les affaires internes libanaises.

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Pierre-Yves Baillet

Pierre-Yves Baillet

Journaliste indépendant spécialisé sur la géopolitique du Moyen-Orient.
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