Le 25 octobre 2025, le Kazakhstan célèbre les trente-cinq ans de la Déclaration de souveraineté de l’État, adoptée à Almaty en 1990 par le Conseil suprême de la République socialiste soviétique kazakhe. Ce texte marque la première affirmation officielle du principe de souveraineté nationale, un an avant l’indépendance du pays. Sa commémoration, redevenue fête nationale en 2022, souligne aujourd’hui le rôle central qu’a joué le droit dans la construction de l’État kazakhstanais.
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La Déclaration de souveraineté : un acte fondateur pour le Kazakhstan à la fin de l’Union soviétique
En 1990, la perestroïka fragilise les structures de l’Union soviétique. Entre juin et octobre, plusieurs républiques proclament leur souveraineté : la Russie le 12 juin, la Biélorussie le 27 juillet, l’Ouzbékistan le 20 juin. Le Kazakhstan, dirigé alors par Noursoultan Nazarbaïev, suit le mouvement et adopte sa Déclaration de souveraineté de l’État le 25 octobre 1990.
Le document énonce des principes précis :
La primauté des lois kazakhes sur les normes fédérales ;
La propriété exclusive du territoire, des ressources naturelles et économiques ;
Le droit à une politique étrangère indépendante ;
La garantie des droits et libertés des citoyens, sans distinction d’origine nationale.
Le texte ne proclame pas la séparation d’avec l’URSS. Il affirme au contraire que la souveraineté kazakhe s’exerce dans le cadre d’une union renouvelée, fondée sur l’égalité des républiques. Cette prudence juridique reflète la position du Kazakhstan en 1990 alors que l’URSS se disloquait : préserver la stabilité politique tout en affirmant les bases d’une autonomie légale.
De la souveraineté à l’indépendance
Entre octobre 1990 et décembre 1991, les institutions kazakhes se réorganisent autour de cette souveraineté déclarée. Le Parlement adopte des lois économiques propres, crée une Banque nationale et commence à définir une politique extérieure distincte.
Lorsque l’Union soviétique s’effondre à la fin de 1991, le pays dispose déjà d’un cadre normatif autonome. La loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 « Sur l’indépendance de la République du Kazakhstan » consacre la séparation politique, mais reprend la structure juridique de la Déclaration de 1990. Cette continuité légale a permis une transition d’État sans rupture : les institutions soviétiques ont été transformées, non abolies. C’est sur ce fondement que le Kazakhstan a pu rapidement établir des relations diplomatiques et adhérer aux organisations internationales.
Une commémoration majeure pour l’histoire du Kazakhstan
Dans les années 1990, le Jour de la République du 25 octobre était célébré comme fête nationale. Les années suivantes, la priorité symbolique s’est déplacée vers le 16 décembre, jour de l’indépendance. Ce qui aboutira en 2009 à la suppression du Jour de la République comme jour festif.
Mais en 2022, le président Kassym-Jomart Tokaïev a proposé de restaurer cette date et d’en refaire un jour férié, notamment en distinguant les deux niveaux de commémoration :
Le 25 octobre devient fête nationale, dédiée à la souveraineté et à la formation de l’État ;
Le 16 décembre reste fête d’État, consacrée à l’indépendance politique.
La modification, adoptée par le Parlement le 29 septembre 2022, a pour objectif de réaffirmer la légitimité juridique de la souveraineté, au-delà du seul moment de la séparation d’avec Moscou. Elle marque aussi la volonté du pouvoir de replacer ce moment important de l’histoire du Kazakhstan au centre de sa mémoire.
La Déclaration de 1990 dans la vie politique contemporaine
La Déclaration reste un texte de référence. Elle a introduit plusieurs principes repris par la Constitution de 1993, puis par celle de 1995 : l’intégrité territoriale, la suprématie du droit national, la protection de la propriété et la pluralité ethnique.
Les réformes constitutionnelles de 2022, qui limitent les mandats présidentiels et renforcent le Parlement, s’inscrivent dans cette logique d’équilibre entre autorité et légalité. Dans les discours officiels, la souveraineté proclamée en 1990 est présentée comme le point d’origine d’un État de droit en développement continu, non comme une rupture révolutionnaire.
Depuis la réintroduction du jour férié, les célébrations s’articulent autour de conférences, d’expositions d’archives et de cérémonies civiques afin de mettre en avant la continuité institutionnelle, la diversité culturelle et la stabilité politique. Depuis 1990, le Kazakhstan a transformé une déclaration de principe en réalité institutionnelle. Le retour de cette date dans le calendrier national en souligne la signification : la souveraineté n’est pas un acquis du passé, mais un cadre qui continue de structurer la vie politique et juridique du pays.
Le Kazakhstan fait par ailleurs reposer sa diplomatie sur la notion de souveraineté équilibrée, héritée de la Déclaration. Depuis les années 1990, le pays pratique une politique dite « multivectorielle », cherchant à maintenir des relations stables avec la Russie, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne. Ce positionnement découle directement de la philosophie juridique de 1990 : préserver l’autonomie de décision dans un environnement de puissances dominantes.
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