Le partenariat militaire opérationnel : un instrument au service de la protection du milieu naturel en Afrique 

1 mai 2023

Temps de lecture : 6 minutes
Photo : Centre d'entrainement au combat en forêt du Gabon. © état-major des armées.
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Le partenariat militaire opérationnel : un instrument au service de la protection du milieu naturel en Afrique 

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Les Eléments français au Gabon sont organisés en pôle opérationnel de partenariat. Leur mission est essentiellement de proposer des formations et des entrainements aux pays d’Afrique centrale partenaires de la France. Véritable « boite à outils », proposant des formations dans des domaines extrêmement variés et disposant d’une expertise du milieu équatorial, les EFG agissent à la fois structurellement, sur le temps long, mais également de manière réactive pour faire face, si nécessaire, à des besoins immédiats. Une souplesse qui permet aux EFG d’agir avec succès dans des champs nouveaux comme celui de la protection du milieu naturel.

Le 2 mars dernier, s’est clos, à Libreville, le One Forest Summit, organisé à l’initiative de la France et du Gabon. Ce sommet a rassemblé des représentants d’une vingtaine de pays autour d’un même objectif : la sauvegarde des forêts primaires, dont celle du bassin du Congo. Un milieu fragile qui fait face à de nombreuses menaces : pollution, déforestation et trafics qu’ils concernent la flore, la faune ou les ressources minérales. 

Si le sommet a permis d’attirer l’attention du monde sur le Gabon et sur la nécessité de protéger ce biotope, il ne faut pas pour autant penser qu’aucune mesure active n’avait été prise avant le sommet. Certains États d’Afrique centrale ont déjà engagé leurs forces de défense et de sécurité dans une lutte pour protéger le milieu naturel et cherchent à améliorer encore leurs capacités. Au Gabon, les EFG disposent de spécialistes et de capacités uniques qui s’expriment à travers le partenariat militaire opérationnel (PMO) qui consiste essentiellement à proposer aux partenaires d’Afrique centrale, des formations et des entrainements afin de renforcer leurs capacités militaires. Ils disposent également d’une expertise unique du milieu équatorial qui en fait un acteur crédible et reconnu. Des capacités que les EFG ont proposées à leurs partenaires africains pour protéger leur milieu naturel.

Formation combat fluvial.
© état-major des armées.

Protection de l’environnement 

L’adaptation du partenariat militaire opérationnel à la mission de protection de l’environnement.

C’est au Gabon que ce partenariat pour la défense de l’environnement est le plus avancé. Conscientes des enjeux de la protection de leurs forêts, les autorités gabonaises se sont lancées, depuis une dizaine d’années, dans une ambitieuse politique de lutte contre les trafics et l’exploitation illégale des ressources naturelles du pays, qui passe, en particulier, par un meilleur contrôle de leurs frontières nord-est avec le Cameroun et le Congo. Elle se traduit par la « Mission Minkébé », du nom du parc naturel où se déroule l’essentiel des trafics. Il s’agit d’une mission interministérielle avec un volet sécuritaire auquel participent les Forces armées gabonaises (FAG).

Les EFG appuient donc la formation des FAG pour leur permettre de mieux maitriser le milieu équatorial. S’il peut paraitre étrange que des Français apprennent à des Africains à évoluer en milieu forestier tropical ou équatorial, il faut rappeler que la France possède, en Guyane, sa propre expérience nationale de lutte contre les trafics et l’exploitation illicite des ressources naturelles et animales.  La France dispose donc, d’emblée, d’une grande crédibilité étayée par des années de lutte interministérielle sur le terrain. Nos partenaires le savent et en mars 2022, les EFG ont d’ailleurs organisé le déplacement, en Guyane, d’une délégation de 6 militaires gabonais et congolais, afin que ces deux pays puissent observer les méthodes françaises, pour développer leur propre approche nationale. 

Au Gabon, c’est donc le 6e bataillon d’infanterie de marine qui est chargé, par le biais de stages spécifiques, réalisés essentiellement au centre d’entrainement au combat en forêt du Gabon (CEC-FoGa), de compléter la formation des unités élémentaires gabonaises avant leur projection dans le parc de Minkébé. Centre d’expertise unique en Afrique, le CEC-FoGa dispense des formations à la vie et au combat en forêt équatoriale et en milieu lagunaire et fluvial. La formation s’applique également aux écogardes de l’agence nationale des parcs nationaux (ANPN).

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Centre d’entrainement au combat en forêt du Gabon.
© état-major des armées.

Stage « Minkébé »

Appelés « Stage Minkébé », ces entrainements durent deux semaines. Les stagiaires suivent différents ateliers concernant l’organisation d’une patrouille, la réaction face à une embuscade, la mise en place d’un point de contrôle, l’organisation d’un bivouac, etc. Des exercices de topographie et des marches en forêt équatoriale complètent ces ateliers. L’entrainement se termine par un raid de 36 heures qui permet de mettre en œuvre les savoir-faire acquis et qui soumet à rude épreuve la compagnie. 

En 2022, 4 « stages Minkébé » ont été organisés par le 6e BIMa, ce qui a permis de préparer environ 600 militaires gabonais et écogardes à l’engagement opérationnel.

Une dynamique renforcée par la capacité des EFG d’agir sur un spectre capacitaire large.

Du fait de leur organisation, les EFG disposent de nombreuses cellules spécialisées pour des actions de formation dans des domaines variés. Ces cellules fournissent des détachements d’instruction opérationnels (DIO) dont l’action prolonge, concernant la protection de l’environnement, celle du CEC-FoGa. Elles instruisent d’autres acteurs des forces de défense et de sécurité africaines ou complètent celle des unités Minkébé.

Le partenariat militaire dans le domaine maritime et fluvial, par exemple, s’inscrit dans la continuité des « entrainements Minkébé » en permettant aux forces de défense et de sécurités gabonaises d’investir d’autres milieux que la forêt et la mangrove avec des formations des domaines :

« Opérations de visites » (VISITOPS) qui allient séances de techniques individuelles opérationnelles rapprochées (TIOR), cours théoriques et mises en situation à terre et sur en mer afin de former des fusiliers marins, gendarmes, etc. à la fouille de navires ou d’embarcations ;

« Action de vive force » qui consiste à mettre en œuvre des techniques d’abordage.

Ces actions sont dispensées dans le cadre du renforcement de l’action de l’État en mer (ou sur les fleuves ou les lacs) pour que les pays bénéficiaires de ces formations protègent mieux leurs frontières maritimes et eaux fluviales face à la piraterie et aux trafics. En dehors du Gabon, le Congo, la République démocratique du Congo, le Cameroun et le Burundi font également régulièrement appel aux spécialistes des EFG pour co-construire ces formations et entrainements permettant de mieux contrôler leur milieu aquatique.

Enfin, les spécialistes « actions spéciales » des EFG, complètent ce spectre capacitaire en formant les FDS. Les gendarmes du groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie nationale (GSIGN) et les policiers Brigade de recherche et d’intervention (BRI) gabonais, sont entrainés à l’investigation en milieu clos, au tir et aux exercices d’assaut, car la lutte pour la préservation de la nature peut parfois nécessiter le recours à la force et ne s’exerce pas qu’en milieu naturel.

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Formation investigation en milieu clos BRI gabonaise.
© état-major des armées.

Un outil qui répond aux besoins actuels et futurs des partenaires africains de la France 

Cet exemple de la réorientation des actions de formation et d’entrainement pour faire face, au Gabon, aux trafics et protéger l’environnement, illustre la capacité d‘adaptation, l’étendue du spectre capacitaire, la maitrise du milieu et le décloisonnement du partenariat des EFG :

Adaptation car les EFG ont fait évoluer leur offre de PMO en proposant des formations et des entrainements qui correspondaient aux besoins réels du partenaire gabonais pour accroitre la capacité d’action de ses FDS ;

Spectre capacitaire, car ces formations et entrainements concernent aussi bien le conseil (accès à la législation et au corpus réglementaire  et au retour d’expérience de la France), que la dissuasion (VISITOPS, patrouille, points de contrôle…) ou l’action coercitive (lutte directe contre des trafiquants agressifs) ;

Maitrise du milieu, car les EFG, par leur connaissance du milieu équatorial, offrent à leurs partenaires la capacité d’agir, sur l’ensemble du territoire où agissent les trafiquants dans une profondeur de terrain qui s’étend de la terre ferme, à la mangrove, aux fleuves et lacs et jusqu’au littoral ;

Décloisonnement car en liaison avec les acteurs du partenariat structurel mené par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), les EFG forment aussi bien des militaires des forces que des policiers, des gendarmes, des écogardes, des sapeurs-pompiers, des douaniers… tous les « corps habillés » qui concourent, à leur niveau, à la protection du milieu.

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S’exerçant en constante interaction avec ses partenaires africains et s’inspirant de leurs retours d’expérience, le PMO permet donc de trouver rapidement des solutions ad hoc aux besoins spécifiques de chaque pays. Ce modèle fait ses preuves, il est apprécié et recherché par les États d’Afrique centrale et d’autres maintenant, et produit des effets concrets. 

L’exemple de l’application du PMO à la protection du milieu naturel démontre également qu’il est souple et évolutif. Il répond et saura encore répondre aux demandes, des partenaires africains de la France, pour faire face à des besoins sécuritaires nouveaux.

Centre d’entrainement au combat en forêt du Gabon.
© état-major des armées.

À propos de l’auteur
Lieutenant-colonel Florent HIVERT

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