<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le Poil, le village ranimé #21

22 août 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Le site et le village du Poil, vu du sud-est. Wiki Commons
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Le Poil, le village ranimé #21

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De village fantôme, cet hameau alpin a retrouvé la vie grâce à des amoureux des montagnes, qui ont fait le vœu de rendre justice à ce petit coin de Provence.

Le village du Poil est un étonnant village fantôme situé au cœur des Alpes provençales. L’association Arcade, en partenariat avec l’association des Amis du Poil, a décidé de relever le défi de ressusciter cet endroit perdu entre les rochers, qui abritait jadis quelques centaines d’habitants. Ils y vivaient de leur labeur, avant que le temps et le progrès ne les rattrapent. 

Vestige provençal 

Perdu en plein cœur des Alpes, les sentiers pour y accéder sont escarpés. Perché à 1 250 mètres d’altitude, le Poil est l’un des lieux les plus isolés de Haute-Provence, au centre d’un triangle Digne-les-Bains, Moustiers-Sainte-Marie et Castellane. Dans un creux du massif du Montdenier, la commune mesurait 27 km² et comptait en 1850, au plus fort de sa population, quelque 350 âmes. Étant bâti contre l’énorme rocher du Chastelar, visible de très loin, c’est probablement de là que viendrait son nom étrange : « Poil » proviendrait ainsi de la racine occitane « peu », dérivant du latin « palus », signifiant « pieu ». Sur les armes du village est dessiné un chameau, qui porte un poil fin et serré dont on fait des étoffes. Les rares randonneurs qui s’y aventurent le traversent au niveau du gué, où se croisent les anciens sentiers muletiers qui menaient vers les villages de Majastres et de Blieux.

Le site de col du vieux village.

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Le Poil est seigneurie des Castellane du XIVe au XVIIe siècle. Avant de le déserter, les habitants y vivent en autarcie quasi totale. D’une économie paysanne, ils cultivent le lavandin, lavande sauvage, rare produit dont ils font commerce. C’est leur « bleu », l’un de leurs principaux gagne-pain. Les vignes des communes voisines, dont Mézel, sont fréquemment vendangées par les hôtes du Poil, avant que le raisin ne soit emporté dans leurs montagnes pour y faire le vin. Ils prennent également soin des maigres terres cultivables retenues par des murs de pierres sèches, écroulés aujourd’hui et dont la rénovation est très ardue. Le terrain est rocailleux et pentu, mais les locaux savent en domestiquer la nature. Ils y cultivent de l’orge, du seigle, des légumes et des fruits, y élèvent des moutons, des porcs, des chèvres, de la volaille, mais aussi des abeilles, et complètent leurs provisions par la cueillette aux champignons.

Vestiges d’agriculture en terrasse.

Le village ressuscité

Durant l’entre-deux-guerres, alors que l’exode rural est en vogue et que les conditions de vie sont de plus en plus rustiques et hardes, les habitants désertent peu à peu le village, qui devient hameau, au grand dam d’Albert Cotte, né en 1906 et parti dans les années 1920. Il écrit dans La Vie de ceux d’avant : « Si un jour il vous est donné de voir le terroir où je suis né, vous serez consterné de le trouver abandonné et ruiné ». Les natifs y sont en quête d’eau ; la fontaine-lavoir sur la place centrale ne fut inaugurée que dans les années 1850. Dans les années 1970, Le Poil est vide. La végétation couvre les murs et les maisons tombent en ruine. La majesté des paysages n’éclipse pas les traces d’un passé révolu. L’église Saint-Laurent dépérit. 

Deux maisons restaurées au Poil, dont l’une portant la bannière du Poil.

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Le Poil a aujourd’hui perdu son appellation de village fantôme. Dans les années 1970, un Parisien, Philippe Cougnot, séduit par la beauté des lieux, entreprend avec l’association Renouveau traditionnel de remettre l’eau à la fontaine. Puis, les murs de l’église sont redressés, la chapelle est restaurée, ainsi que la mairie et l’école. L’association des Amis du Poil rassemble une centaine de personnes, dont la plupart proviennent de ce hameau par leurs ancêtres. Un petit cimetière émouvant conserve le souvenir de ceux qui y vécurent. Une fois par an, les boulangers remontent sur la crête pour fournir la fête de l’association, et cuisinent des miches et des fougasses provençales. Les membres cultivent une fois par an le lavandin, qu’ils revendent afin de récolter des fonds pour la reconstruction du village.

Sanglier en bas-relief sur le portail de l’église Saint-Laurent.

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