<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le redressement des comptes publics attendra…

6 janvier 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : 04/07/2022 //01JACQUESWITT_CHOIX030/2207042208/Credit:Jacques Witt/SIPA/2207042218
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Le redressement des comptes publics attendra…

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Aggravé par la crise du Covid, l’état des comptes publics ne semble pas être sur la bonne voie pour redevenir sain. Focus sur la dernière loi de programmation des Finances Publiques. 

Si leur portée ne doit pas être exagérée, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques ne constituent pas moins un exercice important, en tant qu’elles permettent de définir la trajectoire des finances publiques au sein de laquelle s’inscrivent ensuite les lois de finances votées chaque année par le Parlement. De plus, ces textes ont vocation à traduire à l’échelon national les engagements européens de la France. À cet égard, le récent rejet par l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation des finances publiques (ci-après « PLPFP ») pour les années 2023 à 2027 laisse craindre qu’une partie des fonds européens au titre de la facilité européenne pour la relance et la résilience (« Next Generation UE ») ne soit pas, à court terme, versée à la France…

Mais revenons au fond du texte, en ce qu’il fixe la feuille de route et les intentions d’Emmanuel Macron en matière de finances publiques pour toute la durée de son second quinquennat. Or, c’est peu dire que l’ambition affichée par l’exécutif en matière d’assainissement des comptes publics est mince. Ainsi, le déficit public resterait supérieur à 3 % du PIB jusqu’en 2027, tandis que nos voisins européens repasseraient sous la barre des 3 % de déficit avant 2025. Quant à notre endettement public, il ne refluerait pas avant 2026, et demeurerait à des niveaux encore très importants : près de 111 % du PIB en 2027.

Et pour cause : le PLPFP pour les années 2023 à 2027 enregistre une augmentation de crédits pour la plupart des missions du budget général de l’État, la seule baisse significative de dépenses publiques concernant la mission « Plan de relance » (laquelle est, par essence, en voie d’extinction progressive…). Le projet de loi programme également une stabilité de l’emploi de l’État entre 2023 et 2027, ce qui préfigure une augmentation continue de la masse salariale au cours de la période. Il est décidément risible d’entendre parler d’« austérité ».

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Ce manque d’ambition est d’autant plus préoccupant que le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement s’appuie lui-même sur des hypothèses très optimistes – pour ne pas dire fantaisistes –, en complet décalage avec le consensus des économistes. De sorte que s’ajoute au défaut d’ambition le défaut de crédibilité, stratégie qui ne peut pas ne pas pénaliser la France sur la scène internationale.

Il n’y a qu’à se pencher sur les prévisions de croissance effective et potentielle. Tandis que le Consensus Forecast estimait en octobre dernier à 0,3 % la croissance du PIB tricolore pour l’année 2023, le gouvernement table, quant à lui, sur une croissance de 1 %. Concernant la croissance potentielle, les conjoncturistes l’évaluent à 1,05 % par an en moyenne entre 2023 et 2027, ce qui est très inférieur à l’estimation du gouvernement, laquelle est de + 1,35 % par an.

Cet écart tient, en large part, à la surestimation des bénéfices attendus de certains projets de réformes, tels ceux de l’assurance chômage et des retraites. Le gouvernement mise illusoirement sur un recul du taux de chômage à 5 % de la population active en 2027 – étiage qui serait inédit depuis 1978 – alors même que les effets économiques positifs desdites réformes (qui ne sont pour l’heure qu’annoncées) ne pourront pas être perceptibles avant au moins dix ans.

Trouver de nouvelles et pérennes sources d’économies, afin de réduire significativement notre déficit et notre endettement publics, commanderait d’engager sans délai d’importantes réformes structurelles : mise en œuvre d’une réforme des retraites plus ambitieuse que celle annoncée par le président de la République[1] ; réformes des prestations sociales et de l’assurance chômage ; réorganisation et redéfinition du périmètre de certains services publics, tels ceux de l’enseignement scolaire ou de l’audiovisuel, avec à la clef une baisse des effectifs ; report et même dans certains cas annulation des augmentations de crédits prévues dans le champ des politiques publiques non régaliennes, etc.

Le plus inquiétant est peut-être qu’aucun opposant à l’actuel chef de l’État (du moins si l’on se fie aux actes, c’est-à-dire aux votes des parlementaires, au-delà des seules postures) n’ait la lucidité – et autrement dit le courage – de poser le diagnostic qui sied au mal français.

Chronique parue dans notre dernier numéro, Le retour des mercenaires, disponible en kiosque et sur notre site

A écouter également :

Podcast – Le cens de l’État. L’impôt et la fabrique du politique. Hubert Etienne

[1] Sur ce sujet, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre chronique « Retraites : réformer sans tergiverser » (Conflits n° 42).

À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.
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