Limites du réalisme offensif et émergence d’une nouvelle forme de réalisme : le cas de l’OCS   

11 juin 2025

Temps de lecture : 23 minutes

Photo : Alexander Shcherbak/TASS/Sipa USA/61821406/MB/2505290824

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Limites du réalisme offensif et émergence d’une nouvelle forme de réalisme : le cas de l’OCS  

par

La théorie du réalisme offensif a été définie par John J. Mearsheimer. Celle-ci témoigne de certaines limites, comme le démontre le cas de l’OCS

Par Cédric Garrido

Introduction

Le 9 mai 2025, à l’occasion des célébrations du 80ᵉ anniversaire de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie, Xi Jinping et Vladimir Poutine signaient une déclaration conjointe dans laquelle les deux superpuissances eurasiatiques et acteurs majeurs de l’OCS et des BRICS, dénonçaient notamment les effets délétères de la recherche de « sécurité stratégique absolue » par « certaines puissances nucléaires fortes du soutien de leurs alliés » sur la stabilité régionale et mondiale, remettant ainsi en cause les dogmes du réalisme offensif.

Cette théorie des relations internationales élaborée par John J. Mearsheimer[1] et exposée dans son ouvrage The Tragedy of Great Powers Politics (2001)[2] énonce que l’anarchie du système international conditionne les États à maximiser leur pouvoir afin de garantir leur sécurité, leur but ultime étant la survie. Caractéristique éprouvée et prédominante des relations internationales, le réalisme offensif semblait jusqu’à très récemment parvenu à un moment de son histoire où étaient confondus la finalité poursuivie — la sécurité optimale – et le moyen supposé de celle-ci — la prévalence au sein d’un jeu à somme nulle –. La trajectoire des États-Unis post guerre froide, particulièrement riche en enseignements, a démontré cependant que la recherche de maximisation du pouvoir se révèle au final contre-productive, s’avérant source d’érosion du pouvoir et d’instabilité dans une incarnation paroxystique du dilemme de sécurité. Le phénomène de désoccidentalisation à l’œuvre n’est que l’aboutissement logique de cette séquence.

Malgré le précédent historique ainsi créé, une autre équivalence discutable affectant notre perception des relations internationales et du comportement attendu de ses acteurs reste communément effectuée entre recherche de sécurité et volonté hégémonique :  ethnocentrisme géopolitique mis à part, la Chine et la Russie restent perçues par l’Occident à travers le prisme de l’expérience hégémonique américaine. Leur sont prêtées des intentions d’altération de l’ordre mondial (ou régional respectif) existant à leur avantage exclusif, conformément à la doctrine du réalisme offensif, biaisant de facto notre lecture des événements et limitant nos capacités d’anticipation. Or, les caractéristiques et le fonctionnement de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), organisation multilatérale de coopération sécuritaire néo-westphalienne dont la Chine et la Russie sont membres fondateurs, tendent à démentir ces préjugés et invitent à pousser le questionnement des limites du réalisme offensif au-delà des déboires américains avec cette doctrine.

Cet article se propose ainsi d’examiner en quoi le fonctionnement de l’OCS et la communauté d’intérêts qu’elle a su constituer interrogent notre perception du réalisme offensif, et dans quelle mesure cette organisation est révélatrice de l’émergence d’un nouveau paradigme des relations internationales.  Pour ce faire, nous adopterons tout d’abord une perspective historique en revenant sur les liens entre OCS et désoccidentalisation. Nous porterons ensuite notre attention sur les limites du pouvoir normatif multilatéral occidental, dont la perte d’attractivité au profit de l’OCS est symptomatique. Nous confronterons pour finir caractéristiques de l’OCS et réalisme offensif afin d’en appréhender les limites et préciser les contours du nouveau paradigme qui vraisemblablement se dessine.

Pour rappel, l’OCS est une organisation de coopération principalement sécuritaire fondée en 2001, héritière du « Groupe de Shanghai », dont la fonction première était la résolution des conflits frontaliers en Asie centrale post-guerre froide.  À l’origine fondée par les pays d’Asie centrale (sauf Turkménistan), la Russie et la Chine, elle a depuis été rejointe par l’Inde, le Pakistan, l’Iran et la Biélorussie, et compte 18 pays observateurs et partenaires de dialogue, réunis autour d’intérêts d’abord sécuritaires (lutte contre les « trois fléaux » — le terrorisme, le séparatisme, l’extrémisme religieux — et la criminalité transnationale) pour voir ensuite sa sphère de coopération élargie à tous les domaines de la vie politique (économique, énergétique, culturel, etc.).  Dotée d’un caractère eurasiatique étendu au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord, à l’Asie du Sud et du Sud-Est, elle constitue désormais la plus grande organisation de coopération régionale en termes économiques, démographiques et de superficie de la planète (42 % de sa population totale pour 24 % de son PIB, et couvrant 66 % de la surface du continent eurasiatique).

OCS et origines du reflux de l’influence occidentale en Eurasie

On appelle désoccidentalisation la perte d’influence tendancielle des puissances occidentales ou des institutions multilatérales à dominante occidentale au profit de pays, ou des institutions qu’ils pourraient constituer, anciennement dominés par ces mêmes puissances occidentales. Ce phénomène est le plus souvent associé à la « fin du monde unipolaire » ou à la « transition vers un monde multipolaire ». L’attention médiatique essentiellement portée sur ses aspects économiques et diplomatiques (perte d’influence du G7, avènement des BRICS, autonomisation diplomatique des pays en voie de développement, du «sud global ») laisserait penser que ses aspects sécuritaires ne sont que d’importance secondaire.

Pourtant, l’histoire de la coopération sécuritaire en Eurasie est un indicateur tout aussi pertinent de la nature et des perspectives dudit phénomène, et ce, à plusieurs titres. Une rapide remise en contexte ici s’impose.  D’un point de vue géostratégique global, rappelons que la condition première de préservation de la position de centralité des États-Unis dans les affaires mondiales reste le maintien d’un état de division relative du continent eurasiatique. En effet, toute éventuelle coordination diplomatique et économique de l’« île monde », qui concentre l’essentiel des ressources, territoires et marchés de la planète, marginaliserait irrémédiablement la puissance américaine, la renvoyant à son statut d’île périphérique[3]. Aussi conviendrait-il de juger l’importance des aspects sécuritaires de la désoccidentalisation à l’aune des enjeux eurasiatiques, absolument d’actualité, bien que discrète : les institutions euro-atlantiques (OTAN/UE) ont dessiné une ligne de fracture durable entre l’Europe occidentale et la Russie, dont le rapprochement avec la Chine (bilatéral ou institutionnel multilatéral dans le cadre des BRICS ou de l’OCS, taxées d’organisations « antioccidentales[4] ») est régulièrement déploré par les « stratèges » occidentaux, à défaut de parvenir à l’empêcher. Par ailleurs, le dispositif militaire américain actuel continue d’assurer le ceinturage du continent eurasiatique, l’enserrant sur ses frontières est et ouest[5].

Il se trouve néanmoins que l’occidentalisation au sens propre de la coopération sécuritaire en Eurasie n’a jamais véritablement eu lieu. L’essor de l’influence sécuritaire occidentale régionale, ayant bénéficié du consensus global des premières années de la « guerre contre le terrorisme » opposant la coalition occidentale aux talibans en Afghanistan, se heurte dès 2005 à la volonté des pays de l’OCS de mettre un terme aux cessions à bail américaines en Asie centrale[6] pour cause d’ingérences récurrentes dans les affaires intérieures[7] et d’inadéquation plus générale de doctrine de coopération (cf. en infra). Cet évènement marque le début du déclin de l’influence occidentale sécuritaire régionale.

Au niveau institutionnel, le fonctionnement de l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe (OSCE), principale organisation de coopération sécuritaire à prédominance occidentale en Eurasie, est significativement entravé par la dégradation des relations Occident-Russie. Ajouté aux divisions internes qui touchent actuellement le camp occidental dans le cadre du conflit russo-ukrainien, il est très vraisemblable que l’OSCE ne soit plus vouée qu’à jouer un rôle relativement marginal dans la coopération sécuritaire en Eurasie[8]. Dans le même temps, l’OCS forte d’un fonctionnement plus égalitaire et respectueux des souverainetés nationales, a poursuivi son élargissement, son institutionnalisation et a sensiblement contribué à la stabilisation de l’Asie centrale, favorisant le développement économique régional. Nous voyons donc que non seulement le volet sécuritaire de la désoccidentalisation, dont l’OCS est à la fois actrice, bénéficiaire et symbole, n’est pas anodin comparativement à ses volets économiques et diplomatiques, mais aussi qu’il les précède d’à peu près une décennie, les BRICS n’ayant été formalisés qu’en 2009. Examinons à présent les caractéristiques de la proposition de coopération sécuritaire occidentale et les étapes ayant conduit à son échec.

Limites du pouvoir normatif du multilatéralisme occidental

L’évolution des rapports d’influence sécuritaire en Asie Centrale depuis le 11 septembre 2001 a cela d’intéressant que son observation, bien que circonscrite à un cadre relativement limité, s’apparente pour l’essentiel à l’évolution plus générale du pouvoir normatif du multilatéralisme occidental à l’échelle mondiale depuis 1949. Cette évolution pourrait schématiquement être décrite en 3 phases :

Une première phase d’adhésion au projet basée sur le pouvoir de conviction de son promoteur (combinaison de puissance objective et de soft power) aussi bien que sur l’absence d’alternative (ONU et son conseil de sécurité, institutions de Bretton Woods, « fin de l’Histoire » et « New world order ») ;

Une seconde phase de désillusion voyant les promesses du multilatéralisme déçues par le recours à un utilitarisme au service de politiques de puissance (interventions militaires sans mandat onusien au Kosovo, en Irak (2003) et en Libye, conditionnalité de la Banque Mondiale et du FMI, Consensus de Washington, révolutions de couleur, invocation du droit international à géométrie variable eu égard, parmi les plus notoires, aux conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien) ;

Et enfin une troisième phase de fin de l’essor de l’influence, puis de reflux dès lors que les acteurs étatiques s’estimant lésés par le cadre existant se trouvent en mesure de reprendre l’initiative (G20, OCS, BRICS, Belt and Road Initiative, Asian Infrastructure Investment Bank, New Development Bank), pour finir par proposer des alternatives.

Ainsi (1ʳᵉ phase) au lendemain 11 septembre, et à la faveur d’un consensus mondial sans précédent, Russie et pays d’Asie centrale (PAC), fédérés autour des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme jihadiste, consentent à leur ouvrir les portes du « Heartland », espace géostratégique historiquement très convoité. L’impact normatif global de la déclaration de guerre contre le terrorisme est alors tout à fait significatif : son élévation au rang de menace stratégique est lourde de conséquences en matière de lutte antiterroriste, avec l’établissement de nouvelles normes et pratiques, dont le renforcement de la coopération internationale et la réforme des systèmes de sécurité étatiques. À noter que dès 1994, les PAC avaient déjà pu éprouver les bénéfices de la coopération avec l’OTAN dans le cadre du Partnership For Peace (PfP) et réévaluer leurs relations avec l’ « eternal enemy », dont l’avance institutionnelle sur l’OCS et l’OTSC était alors indéniable, permettant de répondre aux aspirations au multialignement des PAC.

Jusqu’à ce que (2ᵉ phase), inadéquations doctrinales, différences structurelles et priorités contradictoires donnent un coup d’arrêt à l’essor de l’influence sécuritaire occidentale.  L’opposition doctrinale se manifeste alors entre partisans régionaux d’une souveraineté westphalienne stricte, et ceux d’un agenda occidental post-westphalien de « sécurité  humaine »[9]. Le retour de nombreux pays de l’ex-URSS à une notion de souveraineté plus traditionnelle à l’issue de la période propice à la coopération du début des années 1990, et qui se montrent de plus en plus retors à l’égard de ce qu’ils considèrent comme des ingérences de l’OSCE, en est une illustration notable.

Par ailleurs, les organisations régionales occidentales et non-occidentales se distinguent par des différences fondamentales de design structurel. Si conception rationnelle et fonctionnalité conditionnent les premières, (l’UE est conçue de sorte à servir le fédéralisme européen, indifféremment des besoins et intérêts propres des États qui la composent) c’est autour des besoins et intérêts communs des États membres que se structurent les secondes (qui coopèrent pour répondre à un besoin de sécurité et de stabilité préexistant). Ces États partagent valeurs et idéologies similaires, développées en accord avec leur identité, se voulant acteurs de leur régionalisation, souvent en réaction à l’ethnocentrisme européen.

De même, le recours à l’ingérence par voie de conditionnalité et utilitarisme constitue d’importants obstacles à la pénétration de l’influence sécuritaire occidentale en Asie centrale. L’aide américaine procurée à l’Ouzbékistan suite à la cession de la base aérienne de Karshi-Khanabad était ainsi conditionnée à des efforts de promotion des droits de l’Homme et de la démocratie par la partie ouzbèke. La répression du soulèvement d’Andijan en 2005, au mépris de ces engagements, donnera lieu à des sanctions économiques et politiques à l’encontre de son gouvernement.  La riposte de l’OCS à ces sanctions, avec l’expulsion planifiée des forces américaines d’Asie centrale, marque une importante bascule de l’influence stratégique régionale occidentale[10]. Ces sanctions ont eu pour effet de discréditer la promotion des idées démocratiques, apparaissant ici instrumentalisées au nom de la diffusion forcée de l’influence occidentale.

De fait, « l’attention portée par les États-Unis à l’Asie centrale dérive historiquement d’intérêts non-indigènes à la région, fonction des politiques et des priorités américaines ». L’anarchie du système international impose aux grandes puissances un utilitarisme de rigueur, c’est un fait. À la différence près que, dans les cas chinois et russe, leurs intérêts stratégiques sont étroitement liés à la situation sécuritaire en Asie centrale, aussi sont-ils tenus par une obligation de résultat. Contrairement aux États-Unis, libres de pousser l’utilitarisme jusqu’à débattre de la nécessité de faire activement obstacle aux organisations régionales en tant que facilitatrices de l’émergence d’un monde multipolaire, donc entravant la suprématie américaine. Or, pour les PAC, les organisations régionales sont justement un facteur stabilisant.

Il est de plus établi que dans la décennie suivant l’indépendance des pays centrasiatiques (1991-2001), « la région était loin d’être une priorité pour Washington », et qu’un manque relatif de considération pour les dossiers régionaux caractérise la période suivante de plus grande implication occidentale (2001-2021).  Ceci se traduit par la suite par une dissonance des priorités sécuritaires entre acteurs dans la région :  la lutte antiterroriste, bien que conservant une importance certaine, ne figure plus en tant que priorité stratégique sur l’agenda occidental. La « guerre contre le terrorisme » finit par céder la place à la compétition entre grandes puissances, reléguant le terrorisme au statut de « nuisance avec laquelle on peut cohabiter, à condition de « tondre le gazon » périodiquement […] ».

Pour finir, l’attention accordée aux priorités sécuritaires régionales centre-asiatiques à rapidement décliné au profit de l’Ukraine, d’abord au lendemain de l’EuroMaïdan (2014), coïncidant avec le désengagement régional de l’OTAN, puis suite au déclenchement de la guerre en Ukraine (2022). Cette dernière devient la première des préoccupations sécuritaires pour l’Occident, captant une quantité significative de ressources humaines, matérielles et financières, au détriment de la question afghane. De même, concernant l’UE, alors que sa stratégie pour l’Asie centrale de 2007 nommait explicitement l’Afghanistan en tant que menace pour la sécurité régionale, il n’est plus considéré comme tel dans la mise à jour de 2019. La diminution du rôle de l’OSCE, notamment en Afghanistan, qui est « complètement passé sous les radars depuis février (2022) », confirme cet état de fait.

Autrement dit, approche occidentale post guerre froide du multilatéralisme et influence sécuritaire occidentale en Asie centrale échouent pour les mêmes raisons, les mêmes causes provoquant les mêmes effets : la quête d’optimisation de puissance à court-moyen terme par le biais de la prédominance dans un jeu (en l’occurrence d’influence sécuritaire) à somme nulle selon les modalités du réalisme offensif produit l’effet inverse de celui recherché (perte de capacité de projection militaire et discrédit diplomatique, compromettant des perspectives de gain de puissance).

La rétrogradation de l’Asie centrale sur l’agenda sécuritaire occidentale s’opère alors au profit d’un cadre de coopération sécuritaire jugé plus adapté, défini par et pour les acteurs régionaux, qu’est celui de l’OCS (3ᵉ phase), et que nous aborderons plus bas, non sans avoir au préalable examiné les postulats du réalisme offensif.

Limites du réalisme offensif et approche alternative des relations internationales

Le réalisme offensif repose sur les cinq postulats suivants : 1) le système international est anarchique, 2) les grandes puissances sont toutes en possession de capacités militaires offensives, 3) pour chaque État l’incertitude subsiste quant aux intentions des autres États, 4) la survie est le principal enjeu des grandes puissances, la sécurité leur principal objectif, 5) les grandes puissances sont des acteurs rationnels. Prises simultanément, ces particularités entretiennent une atmosphère de méfiance structurelle caractéristique des relations interétatiques, encourageant les États à l’optimisation de puissance et à la compétition stratégique. Aussi, selon Mearsheimer, la prédominance au sein d’un jeu à somme nulle apparaîtrait comme la meilleure garantie de sécurité, et la force (strength) le moyen d’atteindre et de préserver cette sécurité. La puissance équivaudrait à la sécurité, donc plus de puissance serait synonyme de plus de sécurité, d’où une compétition sécuritaire sans fin, « tragédie de la politique des grandes puissances », condamnant l’Histoire à un éternel recommencement.

Néanmoins l’auteur reconnaît certaines limites à sa théorie : une simplification de la réalité inhérente à toute théorisation, l’occultation du rôle des individus et des considérations de politique intérieure dans le processus décisionnel, ou des erreurs de calcul résultantes de prise de décisions mal informées, auquel cas le réalisme offensif ne s’applique plus, ainsi que quelques rares exceptions à la règle.

La force de l’engagement des États-Unis, de la Chine ou de la Russie, pour ne citer qu’eux, dans la compétition stratégique, témoigne de l’efficacité du modèle de Mearsheimer, solidement étayé au moment de sa publication. Cependant, près d’un quart de siècle plus tard, désoccidentalisation, perte d’influence et essoufflement général des États-Unis, pourtant parangon du réalisme offensif, appelleraient à un réexamen de certains de ses postulats.

Les relations entre hégémonie et sécurité seraient par exemple à questionner à plusieurs titres.  Quand le réalisme offensif défend l’idée que l’hégémonie représente pour un État la meilleure garantie de survie, il suppose que le statut d’hégémon peut être conservé une fois atteint. Ce qui est loin d’être chose aisée, comme le montre l’exemple américain. Le nivellement que connaissent les États-Unis sur la scène internationale, provoqué par le déficit d’attractivité du modèle proposé, est révélateur de l’importance de cette dernière en tant que garantie de la pérennité de l’hégémonie visée, aux côtés des attributs de puissance économique et militaire. Il souligne également le caractère crucial du pouvoir normatif, qui est le principal argument des modèles de relations internationales alternatifs proposés par l’OCS ou les BRICS[11]. Une réflexion a posteriori devrait être menée sur la façon dont ceux-ci auraient pu et dû préserver le pouvoir fédérateur du modèle de société libérale promu. Elle est d’ailleurs probablement menée par des pays comme la Chine et la Russie, pour lesquelles la déroute des États-Unis et l’échec du projet européen doivent constituer d’instructifs contre-exemples de stratégie de puissance, le premier péchant par optimisation excessive et absolue négligence du dilemme de sécurité, le second par intégration et supranationalité à marche forcée.

De même, Mearsheimer défend l’idée qu’un monde multipolaire comportant au moins un hégémon potentiel est le plus propice à la guerre[12], faisant de la Chine, premier challenger des États-Unis et premier pôle de puissance du monde multipolaire émergeant, une menace intrinsèque (indépendamment de ses intentions). Or, nous observons déjà que sa stratégie de puissance est toute autre. Elle s’affirme, s’impose et monte en puissance selon des modalités propres, excluant regime change, intervention militaire ou détournement des institutions multilatérales à son principal avantage, se reposant, entre autres, sur ses aptitudes éprouvées à la guerre économique systémique (forces de frappe industrielle, commerciale, diplomatique, technologique, normative). Elle développe certes ses capacités militaires offensives, mais ne semble pas encline à en faire usage tant qu’aucune de ses lignes rouges ne sera franchie.

En outre, la conscientisation, exacerbée par l’interconnectivité numérique et logistique, des limites physiques du monde et des défis globaux (contraintes énergétiques, réchauffement climatique, tensions hydriques, risques pandémiques, destruction des écosystèmes) renvoient les États à un ancrage terrestre commun, intégrant ces facteurs dans l’élaboration de leur stratégie de sécurité. Aussi, un monde dans lequel la sécurité nationale est in fine intrinsèquement dépendante de la coopération interétatique limite certainement l’intérêt de la position d’hégémonie, dans la mesure où les défis suscités ne sauraient être relevés par la force brute, ajoutant encore au caractère caduc la relation de causalité entre hégémonie et sécurité.

Autre dogme caractéristique de l’école « réaliste » aujourd’hui digne de reconsidération serait celui de la vision déterministe et indépassable du cadre du jeu à somme nulle, défendant que le gain de puissance d’un État survient nécessairement aux dépens d’un autre État. Bien que ce dogme reste sensé d’un point de vue tactique, il demeure fondamentalement contreproductif à moyen-long terme, compromettant de facto tout objectif de sécurité stratégique par un comportement étatique propice à l’augmentation du niveau d’insécurité environnante, et menacé de désuétude par le concept à la fois plus fédérateur et constructif d’indivisibilité de la sécurité promu par la Chine et la Russie, notamment dans le cadre de l’OCS.

Les conclusions de Mearsheimer sur le comportement des grandes puissances appelleraient également quelques remarques quant à leurs implications pour le multilatéralisme. Il précise ainsi :

Great powers are not mindless aggressors so bent on gaining power that they charge headlong into losing wars or pursue Pyrrhic victories. On the contrary, before great powers take offensive actions, they think carefully about the balance of power and about how other states will react to their moves.”

Élaborons sur cette assertion : elle justifierait en effet une perception commune à la fois désabusée et opportuniste du multilatéralisme, selon laquelle les grandes puissances se tiendraient pour ainsi dire en permanente embuscade, attendant prudemment que les conditions soient réunies pour passer à l’action. Soit. Toujours est-il que cette vision soustrait néanmoins à notre vigilance analytique toute potentielle stratégie de gain de puissance qui ne ressemblerait pas à ce que l’on connaît déjà. Telle qu’une stratégie dépassant le cadre d’un jeu à somme nulle, sans (tentative de) rupture soudaine d’équilibre, et qui miserait sur l’indivisibilité de la sécurité, non par opportunisme hégémonique travesti en bienveillance, ni idéologie, mais par pragmatisme lucide, la compétition sécuritaire selon les modalités du réalisme offensif se révélant contreproductive à moyen terme.

Mearsheimer, citant Edward H. Carr[13], rappelle que les réalistes, résignés à l’idée de l’inévitabilité de la compétition sécuritaire et de la guerre, estiment que «la  plus grande sagesse réside dans l’acceptation et l’adaptation à ces forces et tendances ». Ce qui pouvait alors se comprendre comme une injonction à embrasser la compétition sécuritaire pourrait, avec le recul des dernières décennies, désormais suggérer d’embrasser le parti de la résilience et de la stabilité face aux risques géopolitiques ou financiers. Or c’est cette capacité de résilience, qui s’apparenterait en réalité à de la prévention et gestion du risque appliquée à la géopolitique, que Russie et Chine, accompagnés de leurs partenaires, entendent continuer de développer par le biais d’entités multilatérales telles que l’OCS ou les BRICS, ou par la mise en œuvre de politique de bon voisinage, d’autonomisation des politiques étrangères ou encore d’émancipation progressive du recours au dollar américain dans les échanges internationaux.

Il ne s’agit pas ici pour autant d’argumenter en faveur des réalistes défensifs, auxquels Mearsheimer oppose des résultats statistiques indéniablement en faveur des agresseurs. L’idée serait plutôt de signaler un changement de paradigme advenant alors que l’actuel est parvenu au bout de sa logique, et qui ferait la part belle à la résilience en tant que garantie de survie et par extension à l’indivisibilité de la sécurité, mise en avant par des puissances qui auront compris les limites, sinon le caractère aujourd’hui utopique, des aspirations à l’hégémonie (quand bien même seulement régionale) au sens réaliste offensif[14]. Un examen des fonctionnalités, notamment émergentes, de l’OCS devrait permettre d’illustrer cette idée.

Fonctionnement et bénéfices de l’OCS

La « fin de l’Histoire » n’ayant pas eu lieu, la vigilance serait de mise quant aux évolutions inédites que les grilles de lectures passées ne sauraient appréhender. L’OCS constituant une première à bien des égards, la doctrine du réalisme offensif pourrait ne pas suffire à en appréhender les tenants et aboutissants. En effet, l’OCS est la seule organisation de coopération sécuritaire régionale couvrant l’essentiel du continent eurasiatique (dont son cœur centrasiatique) et inaugure la première initiative multilatérale de l’histoire de la diplomatie chinoise (SONG, 2016) ; elle est de constitution strictement non occidentale et matérialise la convergence des intérêts stratégiques sino-russes ; elle regroupe quatre puissances nucléaires et la grande majorité de ses membres pratiquent le multialignement. Elle représente à l’heure actuelle plus de 40% de la population mondiale et environ 25% de son PIB. En rupture avec la tradition chinoise de bilatéralisme, l’OCS offre à la Chine un espace de pratique de la gouvernance multilatérale, pour lequel elle se fait dépositaire de l’autorité conceptuelle, formulant les bases doctrinales de l’organisation sources de son attractivité, tels que l’ « esprit de Shanghai[15] » ou le « Nouveau concept de sécurité »[16], et traduisant l’importance accordée à la politique de voisinage (ou diplomatie périphérique) dans la doctrine de politique étrangère chinoise : il s’agissait pour la Chine de créer les conditions favorables à la solidarité entre États membres par le biais de valeurs et normes institutionnelles à même de convaincre les PAC et la Russie que « confiance et bénéfice mutuels, non-alliance, non-confrontation et non ciblage d’une tierce partie » sont des conditions sine qua non de leur sécurité nationale respective.

Bien plus qu’un grossier cheval de Troie de l’influence chinoise en Eurasie, l’OCS est en réalité mue dès son origine par les relations sino-russes, et manifeste la convergence de leurs intérêts stratégiques en Asie Centrale, ainsi qu’en Asie Pacifique depuis l’adhésion de l’Inde et du Pakistan en 2017 (LUKIN et al., 2019). C’est essentiellement sur ces relations que repose la pérennité de l’organisation (ARIS, 2011). Déclarations officielles récentes et analystes s’accordent pour dire que leurs interactions, pourtant souvent décrites comme éminemment conflictuelles pour les deux pays, ne sont pas régies par les règles d’un jeu à somme nulle, mais relèvent d’une coopération étroite pour maintenir la sécurité et la stabilité régionale. Ainsi, rien ne montre que la Chine cherche à diminuer le rôle la Russie dans la zone. Il s’agirait plutôt pour ces deux voisins d’y préserver une interdépendance salutaire, condition du maintien de leur agentivité respective, notamment pour des raisons de savoir-faire russe et d’équilibrage intra-organisationnel. Les réponses communes apportées aux défis sécuritaires post-guerre froide (résolutions des conflits frontaliers, démilitarisation des frontières, coopération en Asie centrale) et le renforcement de la confiance mutuelle qui en a résulté ont été, avec l’antagonisme américain, les facteurs clés du développement des relations sino-russes[17].

Relations d’autant plus pérennes qu’elles s’avèrent, dans ce cadre, complémentaires : la Russie cède la prééminence économique à la Chine, tout en tirant parti de son influence sur la scène internationale ; la Chine s’en remet à son tour au savoir-faire militaire[18] et institutionnel multilatéral russe, sans lesquels l’agentivité chinoise régionale s’en trouverait réduite. Arrangement tacite bien accueilli par les membres centrasiatiques de l’OCS pour la pertinence de l’agenda qui en découle. Et qui illustre le type de concessions que sont prêtes à faire ces deux acteurs majeurs au nom du bon fonctionnement de l’organisation. Aussi, et bien qu’une certaine défiance puisse subsister, le renforcement des relations bilatérales a été encouragé par une perception partagée des défis occidentaux et des enjeux de sécurité centrasiatiques. Il ne saurait donc dans ces conditions être question de substituer les intérêts d’un éventuel hégémon régional à ceux de la région, comme l’ont fait les États-Unis dans la région atlantique nord en antagonisant la Russie au détriment des intérêts européens.

L’OCS fait en outre preuve d’une flexibilité structurelle qui se manifeste non seulement par son élasticité via les divers mécanismes d’élargissement qu’elle a mis en œuvre, sa capacité de conciliation de politiques étrangères diverses, mais aussi au moyen de mécanismes émergents de régulations de l’influence empêchant tout État membre de jouir au sein de l’OCS d’une agentivité relative disproportionnée, symptôme hégémonique s’il en est. Ainsi, la participation aux programmes communs se basant sur la stricte bonne volonté de chacun des membres (sans risque de sanction en contrepartie), susciter le consensus reste la priorité de l’OCS pour agir en tant qu’acteur cohérent. Ce cadre non contraignant à aussi pour effet de rassurer les États membres quant au respect de leur souveraineté. L’apparent manque d’efficacité de l’organisation résultant d’une grande dépendance au bon vouloir de chacun est en partie compensé par le fait qu’ils sont alors plus à même de se concentrer sur les domaines d’intérêt commun (ARIS, 2011). Ce qui contribue également à la résilience de l’organisation. Ainsi, ni les conflits en Géorgie ou en Ukraine impliquant la Russie, ni les différends concernant le volet économique de l’organisation, ni les plus récentes frictions indo-pakistanaises suite aux attentats du 22 avril 2025 survenus au Cachemire ne l’ont jamais mise en péril.

La pertinence de l’OCS en tant qu’instance de dialogue est également confirmée par l’importance concédée par Mearsheimer au facteur « crainte » dans l’intensité de la compétition sécuritaire, dans la mesure où l’organisation joue un rôle prépondérant dans l’établissement de relations de confiance et dans la constitution et la consolidation d’une communauté d’intérêts.

Un autre bénéfice apprécié des États membres centrasiatiques est la facilitation par l’organisation de la gestion de la compétition entre grandes puissances : en sanctuarisant la cohabitation de politiques étrangères hétérogènes, elle entretient un environnement institutionnel propice au multialignement. Ce qui distingue également le fonctionnement de l’OCS du réalisme offensif pratiqué par les États-Unis, exigeant le cas échéant que leurs alliés ou partenaires s’alignent sur leurs positions internationales.

L’effet d’équilibrage émergeant de l’interdépendance des membres au sein de l’organisation est un autre facteur majeur conditionnant son attractivité et sa pérennité. Cet équilibrage revêt des dimensions aussi bien intra qu’extra-organisationnelles, et se manifeste dans de multiples configurations interactionnelles :

-Entre la Chine, qui convoite des débouchés économiques en Asie centrale, et la Russie, qui tout en freinant le volet économique de l’OCS, se félicite de la reconnaissance de l’Union Économique Eurasiatique par Pékin (TEURTRIE, 2021), qui nécessite en contrepartie l’ascendant régional de Moscou pour dissiper d’éventuelles réserves de la part des PAC ;

-Entre le binôme Chine/ Russie et les PAC, du consentement desquels dépend le bon fonctionnement de l’organisation. En effet, la stabilité domestique et des relations constructives avec les PAC font partie des priorités de politiques étrangères russe et chinoise (ARIS,2011), créant les conditions d’une interdépendance intra-organisationnelle forte ;

-Entre PAC, les moins puissants voyant les ambitions régionales kazakhes tempérées par les voisinages russe et chinois ;

-Pour les PAC, un équilibre entre influence occidentale et régionale permet de faire jouer les avantages comparatifs de chaque membre de l’équation. Tout en appréciant la contribution de l’Occident à leur développement économique et technologique à sa juste valeur, ils considèrent préférable un monde comptant un pôle de puissance alternatif, et des organisations telles que l’OCS, ayant à cœur la prise en compte de leurs enjeux sécuritaires (LUKIN, 2019) ;

-Les dirigeants des PAC jouent également de leur appartenance simultanée à l’OCS, l’OTSC et l’UEE pour éviter que vienne à prédominer l’une d’entre elles, préservant un équilibre inter organisationnel ;

-Actions collectives (exercices militaires conjoints), promotion de normes institutionnelles et élargissement sont pour l’OCS autant d’outils d’équilibrage souple de l’influence occidentale dans la région ;

-La structure de l’OCS, propice au multialignement, met en valeur l’importance des PAC au sein de l’organisation. Leur rôle importe pour la Chine et la Russie, car indispensable pour créer un climat de confiance. Ce qu’ils apprécient en retour, étant à même, malgré leur taille modeste, d’engager les deux grandes puissances ;

-Ces mécanismes d’équilibrage se sont encore étoffés depuis l’adhésion de l’Inde en 2017, troisième puissance eurasiatique, compromettant d’autant plus toute volonté hégémonique parmi ses membres.

L’OCS se définissant comme une organisation sécuritaire non traditionnelle, la coopération militaire ne s’inscrit pas comme un élément central de son approche sécuritaire dans la lutte contre les «trois fléaux ». Il ne faudrait cependant pas sous-estimer l’intérêt des exercices militaires et antiterroristes conjoints qui restent un dispositif extrêmement important pour les États membres du fait des fonctions symboliques et pratiques qu’ils remplissent. Ils sont notamment l’expression d’une volonté d’autonomie sécuritaire régionale, en premier lieu à l’adresse des États-Unis, dont ils ne souhaitent pas le retour en Asie centrale après leur départ d’Afghanistan en 2021. Ils servent aussi de vitrine très concrète à leur engagement antiterroriste (SONG, 2016), pouvant produire un effet dissuasif sur les premiers concernés. D’un point de vue plus pratique, en tant que mécanisme sécuritaire périodique[19] et institutionnalisé, ils constituent une plateforme de développement capacitaire anti-terroriste et de défense régionale conjointe, ainsi qu’un vecteur de confiance mutuelle indubitable. Ils concourent notamment au développement des capacités opérationnelles, expéditionnaires et d’interopérabilité, donc à l’accroissement de la puissance absolue des États membres.

Les quêtes de visibilité internationale et de stabilité font également partie des raisons motivant l’adhésion des États participants à la proposition de l’OCS, qui est perçue comme un vecteur de représentation et de visibilité au niveau inter-organisationnel régional et international. Cela se traduit dès 2004 par l’établissement progressif d’un réseau de coopération et partenariat avec différentes organisations multilatérales, dont l’ONU et l’ASEAN.

Enfin, l’aspiration à la stabilité reste un leitmotiv des pays fondateurs : stabilité de voisinage et priorité nationale de stabilité intérieure se faisant écho pour la Chine, concept d’« arc de stabilité » dans la région nord-eurasiatique pour les experts et décideurs russes ou encore rôle de « pôles de stabilité » joué par la Russie et la Chine aux yeux des PAC.  Motivation très forte s’il en est, elle est avec la sécurité à la fois une précondition est une garantie du développement économique régional.

Conclusion

On constate donc que les aspirations, le fonctionnement et les dynamiques internes à l’OCS, tout en répondant très pragmatiquement à des intérêts bien compris, ne semblent pas pour autant verser dans une recherche d’optimisation de puissance effrénée, telle que le réalisme offensif la prescrirait. Elles intègrent au contraire l’« indivisibilité de la sécurité » dans leur logiciel,  substituant à toute éventuelle pax hegemonica ou « construction de la paix » ex nihilo des idées plus cardinales de stabilité et de résilience.  Aussi, il serait vraisemblable que le monde multipolaire qui survient soit voué, au moins transitoirement, à osciller entre deux tendances opposées. Nous aurions d’un côté les partisans indéfectibles d’un réalisme offensif jusqu’au-boutiste (dont l’Occident fracturé par ses contradictions internes[20]), et de l’autre le parti de ceux qui auront compris les limites de cette doctrine devenue dogme. Ceux-là s’efforceront, dans un élan de réalisme lucide et face à l’absence de perspective souhaitable qu’elle offre à moyen-long terme, de s’en extirper peu à peu en explorant une approche alternative de la sécurité au moyen de la constitution d’une communauté d’intérêt privilégiant la recherche de stabilité.  Ce qui n’a rien d’improbable si le cinquième postulat du réalisme offensif, qui stipule que les grandes puissances sont des acteurs rationnels, se vérifie. Les propos réitérés de J.D Vance sur l’avènement d’un ordre mondial multipolaire en tant que nouvelle réalité du système international et le caractère désuet de l’interventionnisme américain vont dans ce sens. Et font écho aux propos de A. Bezrukov[21] sur l’impérativité de la reprise du dialogue stratégique entre grandes puissances et la nécessité d’apporter une réponse collective à la question : « Vers où souhaitons-nous diriger ? »

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[1] Né en 1947 à New York, John J. Mearsheimer est professeur de science politique de l’université de Chicago depuis 1982, et penseur influent de l’école géopolitique réaliste.

[2] MEARSHEIMER, John J. The Tragedy of Great Power Politics. WW Norton, New York, 2001.

[3] Voir à ce sujet les ouvrages de Zbigniew Brezinski Le grand échiquier ou Henry Kissinger Diplomatie.

[4] Ce qu’elles ne sont pas fondamentalement, voir GARRIDO Cédric, « Méprises autour de l’OCS et remise en perspective », iris-france.org, janvier 2025, URL : https://www.iris-france.org/meprise-autour-de-lorganisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs-et-remise-en-perspective/

[5] Correspondant aux trois zones abritant les « joueur clés » identifiées alors par Brzezinski, à savoir la zone Ouest (péninsule européenne), la zone Sud (Caucase, Moyen Orient, golfe Persique, Asie du Sud) et la zone Est -moins la Chine- (première chaine d’îles : Corée du Sud, Japon, Taiwan, Philippines, Cambodge, Thaïlande).

[6] Bases de Karshi-Khanabad (Ouzbékistan) et Manas (Kirghizistan).

[7] Ingérences perçues comme responsables des révolutions des Roses en Géorgie (novembre 2003), Orange en Ukraine (novembre 2004), des Tulipes au Kirghizistan (mars 2005) et du soulèvement d’Andijan (Ouzbékistan, mai 2005).

[8] Aucun budget unifié n’a pu être voté depuis 2023, pas plus que de rapport annuel publié depuis 2021.

[9] Les États membres de l’OCS mettent l’accent sur la non-ingérence et accordent la priorité à leur stabilité interne et celle de leur environnement proche, sur fond de croyance au besoin de développement de capacité militaire et de réponses étatiques fortes. Alors que l’agenda occidental promeut démocratisation et intervention humanitaire.

[10] Bascule que le discours prononcé par Poutine à l’occasion de la conférence de Munich de 2007 ne fait que souligner.

[11] Les BRICS se détournent des institutions de Bretton Woods pour des raisons évidentes de sécurité et de stabilité financière à l’issue de la crise de 2007-2008.

[12] Comparativement au système multipolaire sans hégémon et au système bipolaire.

[13] Edward H. Carr (1892-1982) : historien, diplomate et journaliste britannique, auteur de The Twenty Years’ Crisis : 1919–1939 : An Introduction to the Study of International Relations, considéré comme un des ouvrages de références du réalisme classique.

[14]Given the difficulty of determining how much power is enough for today and tomorrow, great powers recognize that the best way to ensure their security is to achieve hegemony now, thus eliminating any possibility of a challenge by another great power” (Mearsheimer, 2001). Ce que le nivellement des écarts de puissance entre grandes puissances ne permet plus.

[15] “[…] spirit of mutual trust (互信), mutual advantage (互利), equality (平等), mutual consultations (协商), respect for cultural diversity (尊重多样文明) and aspiration for joint development (谋求共同发展)”.

[16] Ces concepts dérivent de normes internationales modifiées (les cinq principes de coexistence pacifique énoncé par Zhou Enlai en 1953), ou s’inspirent de travaux académiques étrangers (concept de sécurité sectorielle de l’école de Copenhague). À noter que le Nouveau concept de sécurité est proposé par la Chine pour la première fois à l’occasion du forum de l’ASEAN de mars 1997.

[17] Cf. l’approfondissement continu du partenariat sino-russe depuis le milieu des années 1990 et la quantité de documents officiels bilatéraux qui en témoignent.

[18] Les inquiétudes russes quant à la montée en puissance militaire chinoise sont mitigées par le rapport de confiance frontalier existant, et la priorité politique et militaire chinoise d’expansion maritime (LUKIN, 2019).

[19] Le 1er exercice conjoint bilatéral est conduit par la Chine et le Kirghizistan en 2002. Le 1er exercice bilatéral sino-russe (Peace Mission) intervient en 2005, après les évènements d’Andijan. Le 1er exercice multilatéral (Peace Mission) impliquant tous les membres de l’OCS est conduit en 2007. Le dernier exercice anti-terroriste conjoint en date (Interaction 2024) réunissait les 10 pays membres.

[20] L’Union européenne, dans son rejet épidermique de la nouvelle présidence Trump, et son obstination déraisonnée à vouloir défaire la Russie en Ukraine, assume ainsi pleinement son rôle de porte-étendard des démocrates néoconservateurs sur le continent eurasiatique, dont la défaite est amère et les tentatives diverses et variés de subversion et reprise du pouvoir, à espérer.

[21] Professeur du Département d’analyse appliquée des questions internationales de l’Institut d’État des Relations internationales de Moscou (MGIMO), ex-agent du renseignement, auteur.

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