Guerre, Israël, Russie, débarquement et rouge à lèvre. Aperçu des livres de la semaine.
Guerre
François Lecointre, Entre guerres, Collection blanche, Gallimard, 2024, 17€.
Chef d’état-major des armées entre 2017 et 2021, le général François Lecointre avait fait part, avant de quitter ses fonctions, de sa volonté de rester discret, à l’écart de cette tendance à l’omniprésence médiatique qui affecte beaucoup d’officiers généraux, notamment depuis le début de la guerre de haute intensité en Ukraine.
Cet ouvrage « entre guerres », publié le 11 avril 2024 aux éditions Gallimard livre ses réflexions sur le sens du combat, celui de l’engagement à servir par les armes la nation. Mais en même temps il nous permet de découvrir un homme discret, en interrogation permanente sur le sens de la vie, mais aussi de la mort. En 2021, lorsqu’il avait annoncé sa volonté de mettre un terme à ses fonctions de chef d’état-major des armées, j’avais été très attentif à ce qu’il avait pu dire alors sur le métier de soldat. « Celui qui reçoit de la nation le terrible privilège de donner la mort sur ordre ». En quelques mots, le général Lecointre venait de donner un sens à ce qui peut conduire aujourd’hui de jeunes Français à franchir la porte d’un centre de recrutement.
La trajectoire du général François Lecointre, un terrien, issu d’une dynastie de marins, entre son père pacha du Redoutable et son oncle, amiral d’escadre, est celle d’un homme qui a suivi le parcours classique d’un officier de l’armée de terre. Entre la corniche au Prytanée national militaire de La Flèche, l’école de guerre, en passant par l’école militaire spéciale de Saint-Cyr, l’essentiel de sa carrière d’active se déroule littéralement « entre guerres », c’est-à-dire entre 1984 et 2021. Entre la fin de la guerre froide et le retour de la guerre de haute intensité en Europe, il aura participé à la plupart des opérations dans lesquelles les forces armées françaises ont été engagées. En 1995, lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine, il prend la tête de l’assaut, baïonnette au canon, pour reprendre le pont de Vrbanja. Deux marsouins du 3e rima sont tombés au feu lors de cette bataille.
Cet ouvrage est paru, c’est une coïncidence d’ailleurs, au moment où le Président de la République, chef des armées, déclarait que la France « aurait pu arrêter le génocide » au Rwanda mais n’en a « pas eu la volonté ». Peut-être faudrait-il préciser qu’il faudrait parler de la volonté politique, car sur le terrain, le général Lecointre donne à cet égard quelques explications plus nuancées, les soldats français ont été confrontés à cette terrible zone d’incertitude lorsqu’il n’est pas vraiment possible de différencier « les gentils des méchants ».
C’est évidemment dans la guerre de Bosnie-Herzégovine, et là aussi ce conflit montre la difficulté de différencier clairement, dans ce qui est aussi une guerre civile, « les bons des mauvais », que l’on trouve les mots les plus forts, les réflexions les plus profondes, sur ce qui a été l’épisode sans doute le plus marquant de la carrière de François Lecointre. Modestement, surtout parce que l’on n’a pas eu à connaître ce type de situation, on ne peut qu’évoquer ces sentiments contradictoires, entre l’ivresse du combat, l’interrogation dérangeante sur le sens de son action, cette hypervigilance extrême lorsque les balles sifflent, que le sang coule, et que l’arme devient prolongement du corps et de l’esprit.
On trouvera aussi dans le dernier chapitre intitulé « Combat » quelques informations qui méritent absolument d’être connues, à propos de cette guerre de Bosnie-Herzégovine. Cette terrible exposition, car la mission n’avait pas véritablement de sens, aux balles des snipers, au pilonnage des obus d’artillerie, jusqu’à cette prise d’otages à l’origine de l’assaut.
On aurait pu croire qu’un chef d’état-major des armées aurait pu consacrer sa réflexion à des analyses géostratégiques, surtout dans le contexte actuel. Ce n’est pas le cas ici. Le général Lecointre nous appelle plutôt à une forme pudique d’introspection qui prend toute sa valeur aujourd’hui. Au-delà du décryptage des stratégies et des tactiques dans un conflit, des études comparatives sur les matériels mis en œuvre, il ne faut jamais oublier que la guerre engage des femmes et des hommes qui exposent leur vie pour un idéal qui les dépasse.
Bruno Modica
Israël
Gérard Araud, Israël le piège de l’histoire, Tallandier Essais, 2024, 18,50€.
Les atrocités commises par le Hamas contre la population israélienne le 7 octobre 2023 et leurs conséquences terribles sur le peuple palestinien ont réactivé les passions d’un conflit qui semblait s’être tari.
Gérard Araud revient sur ses souvenirs et ses rencontres marquantes lors de sa première expérience à Tel-Aviv, en tant que jeune diplomate puis en tant qu’ambassadeur. Il décrit ce pays complexe, ses rencontres manquées avec la paix, et l’illusion israélienne anéantie par les attaques du 7 octobre. Ce livre permet de comprendre ce moment crucial que représente ce massacre, alors que les juifs pensaient avoir éliminé ce genre de pogroms, en créant un état.
Culture
Rachel Kahn – Christophe Fort, La folle histoire du rouge à lèvres, Herscher, 2024, 29€.
Le rouge à lèvres, symbole intemporel de la beauté féminine, a orné les lèvres des femmes à travers les âges, depuis des millénaires. Son évolution, depuis les flacons de verre égyptiens et les fioles romaines jusqu’aux cylindres coulissants familiers d’aujourd’hui, en fait un outil de séduction perpétuel.
Dans leur ouvrage, Rachel Kahn et Christophe Fort retracent avec passion l’histoire mouvementée du rouge à lèvres à travers les différentes époques, depuis les temps de Cléopâtre jusqu’à nos jours. Alors qu’il était très répandu dans l’Antiquité, notamment en Grèce, en Égypte et dans l’Empire romain, le rouge à lèvres a connu un déclin lors du Moyen-Age, une période où le culte du corps était souvent méprisé en raison de connotations négatives associées à la chair.
Son retour en grâce a été marqué par la Renaissance, et lors de la Seconde Guerre mondiale, il est devenu un symbole de résistance, alors qu’Hitler l’avait interdit à sa compagne. Son triomphe s’est confirmé dans le Hollywood des années 1950, où il est devenu un incontournable de la beauté.
Un livre d’autant plus intéressant qu’il se démarque par ses nombreux entretiens et sa richesse visuelle, grâce à de nombreuses photographies, offrant ainsi un regard unique sur l’évolution et l’importance du rouge à lèvres à travers les siècles.
Russie
Boris Laurent, L’Histoire de l’armée russe, des tsars à Poutine, Editions Nouveau Monde, 2024, 24,90€.
De la révolution de 1917 à l’offensive en Ukraine, en passant par la Seconde Guerre mondiale et la Guerre Froide, l’armée russe a connu en un siècle de nombreuses mutations. En effet, d’une armée révolutionnaire en 1917 à une armée soviétique lors de la Guerre Froide, l’armée russe prend un tout autre visage à l’aube du XXIe siècle sous l’impulsion de Vladimir Poutine.
Cette véritable machine de guerre montre encore aujourd’hui sa capacité à s’adapter continuellement aux situations et aux différentes conditions de guerre, qu’elle que soit l’ennemi à vaincre. Boris Laurent propose ici de plonger au cœur l’histoire d’un outil militaire aussi redoutable qu’impressionnant, dont les rouages sont longtemps restés secrets mais toujours aussi efficaces.
Débarquement
Peter Caddick-Adams, De sable et d’acier, nouvelle histoire du Débarquement, Passés Composés, 2024, 32€.
Le 6 juin 1944, des milliers de troupes américaines, anglaises, canadiennes et françaises débarquaient sur la côte normande, à l’occasion de la plus grande opération militaire de l’histoire. Quatre-vingts ans plus tard, “le jour le plus long de l’histoire” ne cesse de passionner les historiens.
Peter Caddick-Adams revient sur l’histoire du Débarquement dans sa totalité, des longs mois de préparation des troupes Alliés aux témoignages poignants du Jour J, sans oublier la réponse défensive des Allemands.
A travers ce grand récit panoramique, l’ancien officier de l’armée britannique rend hommage aux soldats de toutes les nationalités mais aussi de toutes les armes, qu’ils soient fantassins, marins, aviateurs ou encore résistants civils.
