Livres de la semaine – 30 Septembre

30 septembre 2022

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Livres de la semaine – 30 Septembre

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Cette semaine, focus sur la géopolitique de la Méditerranée orientale

Jean-Pierre Estival, La guerre du gaz en Méditerranée : Géopolitique du partage de la mer, L’Harmattan, 2021, 29€.

L’année 2023 sera sans doute décisive en Turquie. Le centenaire de la proclamation de la République, couplé au scrutin présidentiel, marqueront deux temps forts. Alors que l’économie turque s’enfonce chaque jour un peu plus dans le marasme de l’inflation, la politique étrangère constitue l’un des rares sujets de satisfaction de Recep Tayyip Erdogan. Forte de sa position d’arbitre entre Russes et Occidentaux, la Turquie avance ses pions tant en mer Noire qu’en Méditerranée orientale.

Jean-Pierre Estival dans son ouvrage, La Guerre du gaz en Méditerranée. Géopolitique du partage de la mer, part d’un constat abrupt. L’auteur explique l’impossibilité de décarboner l’économie à court et à moyen terme. Mécaniquement se pose la question des ressources disponibles. Par conséquent, les réserves gazières de Méditerranée orientale (3 500 milliards de mètres cubes) aiguisent toutes les convoitises. D’autant que certains riverains comme la Turquie s’estiment exclus de leur exploitation. Privée de ressources naturelles sur son sol, la Turquie veut compenser ce handicap et se frayer à tout prix un accès à ces richesses. Dans cet ouvrage, Jean-Pierre Estival adopte un angle original. Loin de réduire la politique d’Ankara à une vulgaire diplomatie de la canonnière, il expose comment la Turquie s’ingénie à casser le front commun de ses rivaux (Grèce, Chypre, Israël, Égypte). Aux Égyptiens elle fait miroiter l’abandon de son soutien aux Frères musulmans, aux Israéliens la constitution d’un axe anti-Téhéran. Même si ces tentatives font à chaque fois long feu, elles démontrent une agilité certaine des diplomates turcs. Surtout, Jean-Pierre Estival touche du doigt le ressort profond de la politique d’Erdogan. La Turquie et ses 83 millions d’habitants n’admettent plus cent ans après la Première Guerre mondiale d’être traité en éternel perdant. Les Turcs ne veulent plus endosser les conséquences juridiques et territoriales de la défaite ottomane. Le monde a changé et l’Occident n’est plus en mesure d’imposer ses règles. Aussi, les traités du début du XXe siècle et en particulier celui de Lausanne (1923) sont considérés comme dépassés. Finalement, une telle dénonciation restaure les droits historiques de la Turquie sur la mer Égée. « Que donnerait alors la Turquie en échange ? Nul ne le sait ? », s’interroge l’auteur.

Charalambos Petinos, La Guerre du gaz en Méditerranée orientale, Les nouveaux pirates du Levant, L’Harmattan, 2022, 15,50€.

Plus engagé, le livre de Charalambos Petinos, La Guerre du gaz en Méditerranée orientale. Les nouveaux pirates du Levant, se focalise sur la question chypriote. L’auteur estime qu’Ankara travaille à une partition irréversible de l’île. En effet, la Turquie défend désormais l’idée de deux États distincts. Si les revendications turques télescopent le droit international, l’Occident principal garant de ces normes s’avère lui incapable de les faire respecter. Le tout s’inscrivant dans un mouvement général de désoccidentalisation du monde.

Chypre est le porte-avion de pierre qui permet à Ankara de se déployer en direction de l’Afrique, de la mer Rouge et de l’océan Indien. Dans cette quête, remarque Charalambos Petinos, la Turquie peut compter sur l’appui du Qatar. La pétromonarchie du Golfe déverse sa manne sur la partie turque de l’île, et finance le projet de reconstruction de la station balnéaire de Varosha. Simultanément, Doha autorise les pilotes turcs à expertiser sa flotte d’avions Rafale. En cas de conflits ouverts en Méditerranée, les Grecs, les Égyptiens, eux-mêmes dotés de Rafale, verraient ainsi leurs secrets technologiques trahis.

En définitive, ces deux ouvrages offrent chacun à leur manière un panorama complet d’une région vitale pour l’Europe.

À propos de l’auteur
Tancrède Josseran

Tancrède Josseran

Diplômé de Sorbonne-Université, il est chercheur associé à l’Institut de stratégie comparé.
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