Toute une série d’événements récents (25e sommet de l’OCS, défilé militaire chinois, Power of Siberia 2…) nous force à voir une évidence : l’OCS est en train de couvrir l’Eurasie.
Pendant la semaine du 31 août à 5 septembre, nous avons été le témoin d’une série d’événements qui sont susceptible d’impacter l’évolution de l’Eurasie et du monde.
25e sommet de l’OCS
Le 25ᵉ Sommet des chefs d’État de l’OCS s’est tenu à Tianjin, en Chine, les 31 août et 1er septembre 2025. Il s’agit du plus grand rassemblement de dirigeants organisé par l’organisation à ce jour, rassemblant plus de 20 chefs d’État ainsi que le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Fondée en 2001, l’OCS paraissait marginale et inoffensive face à l’OTAN, l’UE ou le G7, souvent réduite en Occident à une coquille vide. Pourtant, elle regroupe aujourd’hui 42 % de la population mondiale et un tiers du PIB en parité de pouvoir d’achat.
Le sommet de Tianjin a marqué un tournant : l’OCS n’est plus un simple forum régional, mais un espace où la convergence des valeurs partagées est assumée et institutionnalisée. Sa Déclaration combine manifeste multipolaire, projet de réforme des institutions mondiales, pacte sécuritaire, expérimentation économique et initiative culturelle. Ils ont compris que l’enjeu n’était pas de résoudre toutes les tensions en imposant l’alignement de façon mécanique, mais de les gérer en partageant un ensemble de valeurs et faisant de l’Eurasie une scène politique centrale. Pour l’Occident, ce n’est plus un bruit de fond : les décisions de l’OCS influenceront directement l’équilibre mondial des puissances[1].
Un seul coup d’œil sur la carte de l’OCS rend instantanément compte que cette organisation est en train de couvrir l’Eurasie. Selon la théorie du Heartland (« heartland ») de Halford John Mackinder, celui qui contrôle le pivot mondial commande l’Île Monde ; celui qui tient l’Île Monde tient le monde[2]. Bien que la théorie soit un peu datée, elle nous aide à réfléchir.
L’OCS s’élargit, s’étoffe et se consolide. En un mot, l’OCS se développe.
Le sommet a servi de plate-forme pour promouvoir un ordre mondial multipolaire fondé sur l’esprit OCS : confiance mutuelle, bénéfice réciproque, égalité, consultation, respect de la diversité et développement partagé. Xi Jinping a dénoncé la “mentalité de guerre froide, les affrontements de blocs et les pratiques intimidantes”, affirmant l’OCS comme modèle de vraie multilatéralité.
La présence conjointe de Xi, Poutine, Modi (un peu poussée par Trump sans le voiloir) — parfois baptisée la troïka sino-russo-indienne — a illustré une convergence stratégique historique entre les grandes puissances non occidentales, visant à vivre autrement. Avec plus de 20 dirigeants et représentants d’organismes internationaux (ONU, ASEAN, OCIS, etc.), ce sommet a conféré à l’OCS une légitimité internationale renforcée comme forum alternatif dans la gouvernance mondiale.
De nombreux documents stratégiques ont été adoptés : le Tianjin Declaration, la Stratégie de Développement OCS à l’horizon 2035, ainsi que 24 documents sur la sécurité, la coopération économique, les échanges culturels et institutionnels.
La Sécurité et le contre-terrorisme restent toujours en haut de la liste :
Rappel à l’unité face aux menaces transnationales — terrorisme, séparatisme, extrémisme — via des structures dédiées (RATS, nouveaux centres OCS) et exercices conjoints.
Condamnation des « double standards » dans la lutte antiterroriste, notamment évoquée dans la déclaration approuvée par les États membres, y compris par l’Inde et le Pakistan.
L’institutionnalisation a été renforcée : lancement de quatre nouveaux centres dédiés à la lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale, la sécurité de l’information et le trafic de drogue.
L’expansion de statut s’est faite à travers la reconnaissance du Laos comme partenaire de dialogue ; le Kyrgyzstan endosse la présidence 2025–2026.
L’impact économique et financier est notable :
Vers une dé-dollarisation : promotion accrue des monnaies nationales — notamment le yuan — dans les transactions intra-OCS. Proposition d’une banque de développement OCS pour offrir, ensemble avec la Nouvelle Banque de Développement des BRICS et l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank), une alternative crédible et de plus en plus puissante aux institutions financières dominées par l’Occident.
Investissements massifs : engagements financiers chinois s’élevant à 1,4 milliard USD en prêts/subventions, plus 280 millions USD ciblés sur les énergies renouvelables, notamment en Asie centrale.
Chiffres impressionnants : le commerce global entre la Chine et les membres OCS dépasse 2,3 trillions USD ; seul le commerce avec le Kazakhstan avoisine 70 milliards USD en 2024.
Ont été également prises en compte les dimensions Technologie, infrastructures et souveraineté numérique :
Coopération IA et numérique renforcée : signature d’un accord multilatéral en intelligence artificielle, en insistant sur l’égalité d’accès pour tous les membres.
Infrastructures et énergie verte : soutien aux projets éoliens/solaires en Asie centrale, intégration du système BeiDou, initiatives d’intégration régionale.
Le 25ᵉ Sommet marque une étape charnière pour cette organisation. Il illustre une volonté collective — portée par la Chine, la Russie, l’Inde et d’autres membres — de dessiner un ordre mondial pluri-polaire.
OCS s’affirme comme un forum alternatif crédible, capable de rassembler un large éventail d’États émergents sur les plans politique, économique, sécuritaire et technologique. Les engagements pris — nouveaux centres spécialisés, stratégie 2035, banque de développement, coopération IA, investissements verts — tracent une feuille de route ambitieuse.
[1] Ramesh Jaura, SCO Summit 2025: Eurasia’s Laboratory Of Contradictions – Analysis, September 9, 2025.
[2] Wikipedia : Théorie du Heartland.