Mauritanie : seule face à l’exode des réfugiés maliens

14 octobre 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Réunion du G5 Sahel le 30 juin à Nouakchott, capitale de la Mauritanie (c) SIPA Ludovic Marin, Pool via AP

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Mauritanie : seule face à l’exode des réfugiés maliens

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La Mauritanie est le réceptacle de nombreux réfugiés du Mali. Mais le pays ne dispose pas des ressources et des moyens d’accueillir autant de réfugiés. Des migrations internes à l’Afrique qui fragilise les équilibres du continent.

Sous un soleil de plomb qui brûle sans relâche, la chaleur s’écrase sur les dunes arides entourant le camp de Mbera. À quelques kilomètres de la frontière malienne, des tentes blanches se dressent à perte de vue, éparpillées comme de fragiles abris au milieu d’une étendue désertique, où le vent soulève des nuages de sable. Depuis l’aggravation du conflit au Mali, la Mauritanie, un pays désertique aux ressources limitées, a ouvert grand ses portes à ceux qui fuient la guerre, la corruption et les exactions brutales des groupes armés, notamment les mercenaires de Wagner.

Sous ces tentes marquées du logo du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), des dizaines de milliers de familles maliennes tentent de reconstruire une vie.

Mauritanie

Une vague croissante de réfugiés

Depuis 2012, la Mauritanie accueille une vague croissante de réfugiés maliens, mais c’est à partir de 2021, avec l’intensification des violences dans le centre et le nord du Mali, que la situation s’est transformée en véritable crise humanitaire. À Mbera, le nombre de réfugiés a dépassé les 110 000, nettement supérieur à la capacité de 70 000 personnes du camp, selon les chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Chaque semaine, de nouveaux arrivants affluent, souvent des femmes et des enfants, fuyant des villages dévastés par les combats entre l’armée malienne, les milices et les mercenaires de Wagner, tristement connus pour leurs exactions contre les civils.

« Je n’ai jamais pensé quitter ma maison », raconte Fatimata, une jeune mère de trois enfants originaires de Mopti. « Mais quand les hommes de Wagner sont arrivés, ils ont pris tout ce que nous avions, tué ceux qui refusaient de collaborer et brûlé nos champs. Nous avons marché des jours dans le désert pour atteindre la Mauritanie. » « Wagner ne fait pas de prisonniers, ils tuent sans pitié. »

Entre janvier et juillet 2024, ce sont plus de 91 000 nouveaux arrivants qui ont rejoint le pays, portant le nombre total de réfugiés et de demandeurs d’asile à plus de 262 000. La région du Hodh Chargui seule en accueille aujourd’hui plus de 242 000 réfugiés maliens, dont environ 110 000 résident dans le camp de Mbera et 132 000 sont répartis dans 70 villages d’accueil. En plus de la population réfugiée dans le Hodh Chargui, 20 000 réfugiés et demandeurs d’asile sont actuellement enregistrés dans les zones urbaines (Nouakchott et Nouadhibou).

Loin des projecteurs internationaux, la Mauritanie se retrouve seule à porter ce fardeau humanitaire.

Une hospitalité forcée ?

L’accueil des réfugiés ? Plutôt une obligation géopolitique ?

Avec une frontière longue et poreuse, la Mauritanie n’a pas vraiment d’autre choix. « Il n’y a aucune générosité là-dedans », murmure un fonctionnaire du camp de Mbera, préférant garder l’anonymat. « Fermer les portes à ces gens serait un suicide diplomatique et sécuritaire. » Le pays, aux ressources limitées, joue les équilibristes. Si Nouakchott tend la main, c’est aussi pour éviter que l’instabilité du Mali ne s’infiltre chez elle.

Le Mali, lui, semble avoir perdu tout contrôle sur une grande partie de son territoire. Le gouvernement, en quête de stabilité, s’est tourné vers les mercenaires de Wagner pour reprendre le contrôle, mais cela a eu l’effet inverse. Loin de pacifier la situation, Wagner se livre à des exactions généralisées, pillant, tuant et détruisant tout sur son passage, laissant la population sans protection. « Le gouvernement malien ne gère plus rien, c’est Wagner qui fait la loi dans les régions que j’ai fuies », raconte Mamadou, réfugié de Gao. Ces mercenaires, censés protéger, ont en fait plongé le pays dans une spirale de violence, se désole le quarantenaire, arrivé il y a quelques mois avec “ce qui lui reste de sa petite famille”.

Nous sommes très fiers de ce que nous faisons, mais nous sommes presque seuls », confie un autre fonctionnaire du ministère de l’Intérieur mauritanien.

Pourtant, sur le papier, la Mauritanie semble faire figure de modèle. Les autorités parlent d’un effort budgétaire « important » consacré aux réfugiés, dans un budget national déjà limité, surtout dans un pays où la pauvreté touche encore une grande partie de la population.

« Le gouvernement mauritanien s’efforce également d’intégrer les réfugiés dans les systèmes nationaux, par exemple en délivrant des certificats de naissance via les bureaux d’état civil et en travaillant avec des partenaires internationaux comme la Banque mondiale pour transférer certains services. Tout ceci a des coûts », rappelle un fonctionnaire du ministère de l’Économie, rencontré à Nouakchott.

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« Nous sommes très fiers de ce que nous faisons, mais nous sommes presque seuls », confie un autre fonctionnaire du ministère de l’Intérieur mauritanien. « Nous avons besoin de plus de soutien de la communauté internationale. Nos ressources sont limitées et la pression augmente chaque jour. »

Alors que les regards du monde sont détournés vers d’autres crises internationales, l’aide humanitaire pour le camp de Mbera diminue. Les financements internationaux sont au compte-gouttes et les organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a dû réduire les rations alimentaires distribuées aux réfugiés en raison d’un manque de financements. « Nous n’avons même pas assez d’eau potable pour tout le monde », se plaint Mariam, une réfugiée arrivée du sud de Tombouctou. « Parfois, il faut attendre des heures sous le soleil pour remplir un bidon. »

L’aide internationale qui tarde à venir

Loin des grands discours, la réalité sur le terrain montre que la Mauritanie, bien qu’elle soit reconnue pour son accueil, est en réalité bien seule. Le pays a lancé plusieurs appels à la communauté internationale pour obtenir un soutien plus conséquent, mais ces appels semblent avoir été noyés dans le tumulte d’autres crises mondiales. « On parle beaucoup des réfugiés en Europe, mais ici, en Afrique, il y a peu d’attention », déplore un cadre des finances.

Pour soutenir cette population, le Plan de Réponse aux Réfugiés (PRR), lancé en 2024 par le HCR en collaboration avec le gouvernement mauritanien, implique des interventions de 24 partenaires dans divers secteurs, tels que la santé, l’eau, l’assainissement et l’éducation. Ce plan nécessitera un budget de 82,4 millions de dollars, mais seulement environ 50 % des fonds requis ont été sécurisés jusqu’à présent​.

Ce plan nécessitera un budget de 82,4 millions de dollars, mais seulement environ 50 % des fonds requis ont été sécurisés jusqu’à présent​.

Une pression sur les communautés locales

Si les réfugiés trouvent un certain répit en Mauritanie, les communautés locales, elles, en paient le prix. La pression sur les ressources – eau, nourriture, soins – est importante. Dans les régions proches du camp de Mbera, la population locale voit une hausse des prix des denrées de base et l’accès à l’eau potable devient plus difficile.

« Les prix ont explosé avec l’arrivée des réfugiés », raconte Ali, un habitant de Bassikounou, une ville proche du camp. « On a du mal à trouver à manger pour nous-mêmes, et l’eau est devenue rare. » Si la Mauritanie est souvent saluée pour son hospitalité, cette réalité laisse place à un sentiment d’abandon parmi les populations locales. La région du Hodh Chargui, où se situe Mbera, est l’une des plus pauvres de Mauritanie, avec 78 % de la population locale vivant dans la pauvreté multidimensionnelle​.

Pour le gouvernement mauritanien, la situation est délicate. L’image de pays accueillant a ses limites, et Nouakchott commence à perdre patience. « Nous faisons notre part, mais où est l’aide internationale ? », lance un responsable mauritanien, visiblement frustré. « Nous ne pouvons pas continuer ainsi, seuls. »

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Photo : Réunion du G5 Sahel le 30 juin à Nouakchott, capitale de la Mauritanie (c) SIPA Ludovic Marin, Pool via AP

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À propos de l’auteur
Fleury Agou

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Fleury Agou. Journaliste et Dr en Business Administration
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