Dans les négociations en cours en Ukraine, quelles sont les revendications de la Russie et quelles sont ses demandes ? Un point de vue essentiel à connaitre pour comprendre le nœud diplomatique en cours.
La Russie veut engager les négociations en étant dans la meilleure situation possible. D’où l’offensive menée contre la poche de Koursk pour en chasser les forces ukrainiennes.
La Russie s’attend à ce que le processus de négociation autour de l’Ukraine dure au mieux environ 5 à 6 mois. En dehors des différents points portant sur le statut de l’Ukraine, ses forces militaires, la protection de la langue russe et les réparations, les principaux risques sont liés à la volonté de participation de certains pays européens au processus du contrôle du cessez-le-feu durant la période de négociation.
Faire intervenir les pays du « Sud »
Aux yeux de Moscou outre qu’il est presque impossible de s’entendre avec Paris, Londres, Berlin ou Bruxelles, et que tout accord conclu pourra, pense-t-elle, être résilié à tout moment, ces État sont membres de l’OTAN, dont les forces seront ainsi stationnées sur le sol ukrainien ce à quoi la Russie s’est toujours opposée. En conséquence, la partie russe insistera auprès de Donald Trump et des négociateurs américains pour que les « garants » de l’Ukraine, en plus de certains pays occidentaux, comme l’Australie ou quelques autres européens, soient les États du Sud global.
Tout d’abord, la Chine, tant est qu’on puisse la ranger dans cette catégorie. D’une part, cela contribuera à désamorcer l’atmosphère des relations entre la Russie et la Chine, qui a commencé à s’alourdir quelque peu après la brutale volte-face des Américains. D’autre part, il s’agit d’une révérence diplomatique substantielle à Pékin : la RPC est présentée comme un médiateur conséquent des processus mondiaux, comme lequel les Chinois se sont vendus ces dernières années. Elle a d’ailleurs présenté un plan de paix, il y a de cela deux ans. Elle fournit déjà d’importants contingents des Casques bleus à diverses OMP de l’ONU. C’est sous son égide que Ryad et Téhéran ont renoué leurs relations, le 10 mars 2023.
Empêcher une intervention des Européens
Il ne faut pas exclure que des propositions similaires soient faites en direction de l’Inde et même de la Turquie, en tant que pays qui restent en grande partie dans le « bloc occidental », mais qui ont en même temps conservé une relative indépendance politique et économique. C’est particulièrement vrai pour l’Inde. Même le Brésil, qui se place sur la même ligne, pourrait être sollicité. Cette participation des pays du « Sud » dans le pacte de garantie devrait donner à Moscou des outils supplémentaires pour contrôler la situation. Il est tout à fait évident pour Moscou que les clauses de dénazification et de protection de la population russophone d’Ukraine qu’elle veut à tout prix introduire dans l’accord de paix seraient violées si la supervision du processus était confiée exclusivement aux États de l’OTAN.
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Un des objectifs de la Russie – ce fut la principale raison du déclenchement de son invasion de l’Ukraine- soit que la situation post-conflit laisse l’Ukraine neutre, avec une armée restreinte et de fortes clauses protégeant sa minorité russophone. Atteindra-t-elle la totalité de ses objectifs ? C’est peu probable, par conséquent, plus le nombre de garants de la sécurité ukrainienne est diversifié, mieux c’est pour elle. De plus, une telle trajectoire de la situation complique encore le processus d’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN : les Chinois, les Indiens et les autres partenaires de la Fédération de Russie dans les pays du Sud pourront « sonner les cloches » à tout moment en cas de militarisation répétée de Kiev.
Transformer l’Ukraine en État tampon
Si les tendances qui se dessinent aujourd’hui se poursuivent au cours des six mois à venir, l’Ukraine ne sera plus qu’un État tampon entre la Fédération de Russie et l’OTAN, sans réelles perspectives d’adhésion au club occidental. Un tel statu quo persistera jusqu’à ce que la prochaine vague de changements géopolitiques incite l’une des parties à l’escalade ou perdurera comme en Corée, depuis l’armistice de Pan Mun Jom du 27 juillet 1953. Le Japon n’a d’ailleurs pas signé de Traité de Paix avec la Russie, en raison du contentieux qui perdure sur les îles Kouriles, certes de bien moindre ampleur que celui portant sur la Crimée ou les quatre oblasts incorporés dans la Fédération de Russie.