Promis, juré. Éditorial du n°17

3 avril 2018

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Promis, juré. Éditorial du n°17

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C’est promis, juré. Nous ne nous y attendions pas du tout. Mais revenons au départ.

Nous avons établi un classement de la puissance globale. Le mérite en revient à toute la rédaction de Conflits et tout particulièrement à Jean-Marc Holz. Son travail méticuleux et ingénieux permet de mesurer la puissance dans tous ses aspects, géographique, démographique, économique, technique, militaire, politique, social… Ce qui justifie la formule « puissance globale ».

Conflits n°17

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Ne soyons pas modestes. Nous avons bâti cet indice en nous démarquant d’autres classements qui nous ont semblé insuffisants. Certains se contentent de comparer les PIB, ce qui ne permet d’appréhender que l’économie, et encore. Le Composite Index of National Capability construit en 1963 part de six données, dont la production d’acier, un produit qui était l’un des fondements de la puissance au XIXe siècle et qui ne l’est plus aujourd’hui. Le moins que l’on puisse dire est que le CINC date ! Le Power Index du Global Fire Power prend essentiellement en compte la dimension militaire (de façon précise et réaliste) à laquelle il ajoute quelques éléments (territoire, ressources, main-d’œuvre) ; il n’en sous-estime pas moins les dimensions économiques, techniques et sociales. Il n’est pas étonnant qu’il place en tête les États-Unis devant la Russie, la Chine et l’Inde : les faiblesses économiques de la Russie ou de l’Inde ne sont pas prises en compte. Originaire de Chine, le Comprehensive National Power Index développé par plusieurs instituts de ce pays paraît le plus complet. Il inclut différents types de ressources (humaines, géographiques, économiques, technologiques, militaires, internationales) ; l’index de l’Académie des Sciences Sociales chinoise intègre même la stabilité politique. Mais il sous-estime le soft power et privilégie l’économie. Après les États-Unis et la Chine en rattrapage rapide, il place donc le Japon malgré ses manques militaires, la Russie arrivant cinquième.

Ces comparaisons nous incitent à croire que nous avons effectué un travail particulièrement sérieux et abouti. D’où la surprise que j’évoquais au début de cet éditorial : dans notre classement la France arrive quatrième, avant l’Allemagne, le Royaume-Uni ou le Japon et même à peu de distance de la Russie. En nous penchant sur les chiffres, ce résultat nous a semblé moins étrange. En fait la France reste une puissance globale qui est présente sur tous les champs de la puissance, comme les États-Unis, même si elle se situe à un niveau inférieur bien sûr. À l’inverse Russie, Allemagne, Japon sont des puissances déséquilibrées, fortes dans le domaine soit économique, soit militaire, mais pas dans les deux. Il en va de même pour la plupart des autres pays. La France est une puissance moyenne, mais elle l’est dans tous les secteurs ce qui en fait une « grande puissance moyenne » selon la formule de Valéry Giscard d’Estaing.

Reste à comprendre pourquoi cette place de la France étonne. Créée « pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires » selon la formule de De Gaulle, notre pays l’a aussi été pour des vantardises effrontées (qui amusent nos voisins) ou des défaitismes extrêmes. La tendance actuelle est plutôt au spleen et le volontarisme du président Macron ne semble pas l’avoir inversée.

Voilà pourquoi les Français eux-mêmes doutent que leur pays soit une puissance. Il dispose des facteurs qui rendent possible la puissance. Mais il faut plus pour être véritablement puissant, un supplément d’âme ou plutôt de caractère. La puissance est la capacité de pouvoir ce que l’on veut. Sans volonté elle reste un potentiel inexploité : la statue est en puissance dans le bloc de marbre nous enseigne Aristote, elle n’acquiert sa forme que grâce au sculpteur qui la taille.

La France est puissance mais elle est surtout en puissance. Où est le sculpteur qui pourra lui donner forme ?

Pascal Gauchon

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