Thaïlande – Cambodge : reprise de la guerre

11 décembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : (AP Photo/Sakchai Lalit) © SIPA

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Thaïlande – Cambodge : reprise de la guerre

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La reprise des combats entre la Thaïlande et le Cambodge met de nouveau en lumière l’écart net entre les capacités militaires des deux pays, au profit de la première. Cet avantage qualitatif tient en partie aux armes et systèmes d’armement israéliens dont dispose l’armée thaïlandaise.

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Pas plus tard que la semaine dernière, Bangkok a annoncé l’acquisition d’une batterie de missiles sol-air Barak MX, fabriquée par Israel Aerospace Industries (IAI), pour un montant d’environ 100 millions de dollars.

La flotte de drones de l’armée thaïlandaise repose largement sur des systèmes israéliens produits par Elbit Systems et par Aeronautics, une filiale de Rafael. L’armée est également dotée d’obusiers et de systèmes de roquettes de précision d’Elbit, ainsi que de missiles antichars Rafael. Elle a de plus acquis des armes légères israéliennes : fusils d’assaut Tavor, Galil ACE et Galil pour tireurs d’élite, ainsi que des mitrailleuses Negev, armes légères de soutien produites par Israel Weapon Industries (IWI).

La Thaïlande développe son armée

Il y a environ cinq ans, la Thaïlande a acheté à Rafael des missiles antichars Spike MR (medium range), d’une portée d’environ 2,5 km. En 2023, l’Institut thaïlandais des technologies de défense (DTI) a signé avec Rafael un contrat pour la production sous licence de missiles Spike NLOS (No Line Of Sight), d’une portée de 30 km, permettant de tirer profit des drones pour identifier des cibles bien au-delà de la ligne de contact. La Thaïlande s’est également dotée de missiles antichars américains Javelin, équivalents opérationnels des Spike.

Le DTI a par ailleurs développé avec Elbit un lance-roquettes basé sur le système PULS (Precise & Universal Launching System), un lance-roquettes multiple modulaire capable de tirer une large gamme de munitions (roquettes de courte, moyenne ou longue portée, missiles guidés et projectiles quasi balistiques) grâce à des pods interchangeables. Une coopération similaire a permis, l’été dernier, de doter l’armée thaïlandaise de canons montés sur camions, inspirés des Atmos 2000 d’Elbit, comparables au système CAESAR français.

L’armée thaïlandaise dispose d’un avantage technologique réel sur le Cambodge dans presque tous les domaines. L’armée de l’air cambodgienne n’aligne que des avions de transport et des hélicoptères, tandis que son adversaire est équipé de F-16A/B et de Gripen JAS-39, dotés de pods Litening de Rafael. Ces pods, comme leurs équivalents français Damoclès et Talios, sont des nacelles de désignation laser qui permettent aux avions de combat d’identifier, suivre et frapper des cibles au sol avec une grande précision. Dotés de capteurs électro-optiques et infrarouges, ils transforment même des appareils anciens en plateformes de frappe modernes, capables de guider des munitions laser ou GPS de jour comme de nuit.

Soldat thaïlandais sur la tourelle d’un Humvee, armé d’une mitrailleuse légère américaine M-240. 2024. (AP Photo/Sakchai Lalit) © SIPA

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Le Cambodge en sous-capacité

Bien que ces appareils, notamment les F-16A/B dont la production a cessé il y a près de trente ans, soient considérés comme anciens, ils offrent des capacités auxquelles le Cambodge est incapable de répondre. La Thaïlande dispose en outre d’avions ISR dédiés au renseignement et à la surveillance, qui lui permettent d’établir un tableau précis de la situation sur le terrain. L’armée de l’air thaïlandaise a d’ailleurs annoncé que ses F-16 avaient récemment frappé des lance-roquettes cambodgiens à l’aide de bombes guidées au laser de Lockheed Martin. En septembre dernier, elle a également annoncé son intention d’acquérir 26 kits de guidage Lizard 3 d’Elbit, basés sur le laser et permettant de transformer des bombes en munitions guidées.

L’avantage thaïlandais s’étend aussi à la défense aérienne. Outre les systèmes israéliens, Bangkok utilise des équipements français, britanniques et chinois. Le Cambodge, en revanche, ne dispose que de moyens anciens reposant essentiellement sur des missiles portatifs et des canons antiaériens. Ces dernières années, il a cependant acquis quatre batteries sol-air HQ-12, une version chinoise modernisée du SA-6 soviétique, un modèle proche de celui également utilisé par la Thaïlande.

Blindés : avantage Thaïlande

Les mêmes écarts se retrouvent dans le domaine des blindés. Le Cambodge dispose de chars soviétiques et chinois anciens, tandis que la Thaïlande a acquis au fil des années des blindés plus modernes, parmi lesquels des T-84 ukrainiens (développé après l’indépendance de l’Ukraine à partir du T-80 soviétique), des modèles chinois et des chars légers américains Stingray, équipés d’un canon de 105 mm et adaptés aux environnements tropicaux. Elle utilise aussi des chars M60 modernisés, acquis aux États-Unis dans les années 1980 et équipés de systèmes de conduite de tir thermiques d’Elbit.

En 2022, la marine royale thaïlandaise a décidé d’acquérir sept drones Hermes 900 d’Elbit, pour environ 120 millions de dollars, afin de remplacer le modèle antérieur Hermes 450, entré en service en 2018. Le nouveau modèle offre un rayon d’action et une autonomie supérieurs, ainsi qu’une capacité d’emport presque doublée, atteignant 350 kg. Classé dans la catégorie MALE (Medium Altitude Long Endurance), il peut voler à plus de 9 km d’altitude, contre environ 5 km pour son prédécesseur.

Le principal concurrent des entreprises israéliennes en Thaïlande reste la Chine. L’armée thaïlandaise possède notamment des chars VT-4 produits par Norinco et, en parallèle à l’achat du système Barak, des missiles sol-air FK-3 développés par CASIC. En 2017, elle a signé un contrat pour l’achat d’un sous-marin de type Yuan auprès des chantiers navals chinois Wuchang, pour 424 millions de dollars. Bangkok coopère également avec Pékin dans le domaine des drones, le DTI travaillant avec Beihang UAS Technology au développement d’un drone MALE destiné à concurrencer les systèmes israéliens. Enfin, la Chine dispose de l’avantage, rare, de pouvoir vendre des armes aux deux belligérants.

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À propos de l’auteur
Gil Mihaely

Gil Mihaely

Journaliste. Docteur en histoire

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