<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le monde méconnu des « bouchers des mers »

6 septembre 2021

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Vessels were tied up to the docks in Jersey City and Weehawken in America. The cattle were loaded up onto narrow gang-planks and placed in strongly constructed pens between decks as well as upper deck packing the cattle tightly, for the final destination to Liverpool in England. 1891 - - 12067358.JPG - Credit: Mary Evans Picture Library/SIPA - 1903251149 Sipa (C)

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Le monde méconnu des « bouchers des mers »

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L’activité du transport de bétail vivant par la mer est très peu connue du grand public. Cependant, de temps à autre, des incidents viennent mettre celle-ci sous les feux de l’actualité, le dernier en date étant la fermeture du canal de Suez qui a bloqué 14 de ces navires, les mettant dans une situation délicate en raison de leur autonomie limitée par le besoin de ravitaillement des animaux.

L’une des principales caractéristiques de ce marché, c’est la clientèle essentiellement constituée de pays du monde arabo-musulman et la majorité des armateurs sont des familles syro-libanaises. Cela tient à deux raisons : la première est technique, car il est difficile de conserver la viande dans ces pays où les températures peuvent dépasser les 40 ° en été, et la seconde est religieuse, puisque le fait que les animaux soient abattus sur place garantit le respect des règles rituelles imposées par l’islam.

Le marché européen, le plus difficile

L’un des principaux marchés d’exportation est l’Union européenne, où la plupart des pays d’élevage sont concernés, à commencer par la France, où le port de Sète assure la totalité de l’activité. Cependant, le transport par la mer est assuré dans des conditions qui font régulièrement l’objet de critiques. Ainsi, les navires assurant le transport de bétail depuis l’Europe sont pour la plupart anciens, dépassant parfois les cinquante ans, et battent des pavillons de complaisance classés pour la plupart sur la liste noire du Mémorandum de Paris. Ce sont aussi pour beaucoup des navires transformés, qui n’ont pas été construits pour cet usage. Avec une telle flotte, les accidents ne sont pas exceptionnels. L’un des derniers de grande ampleur est le chavirage du Queen Hind en novembre 2019, alors qu’il sortait du port de Midia, en Roumanie, entraînant la noyade des 15 000 moutons qui se trouvaient à bord. Il arrive également que ces navires soient utilisés pour des activités illégales, à l’exemple de l’Ezadeen qui avait été récupéré au large de l’Italie en janvier 2015 avec 450 migrants à bord.

L’Amérique latine et l’Océanie mieux loties

Le transport depuis l’Amérique latine est, en moyenne, meilleur que depuis l’Europe. Cela est sans doute lié au fait que les distances à parcourir sont plus importantes, et que cela exige donc de meilleurs navires. Du reste, cette région du monde est importante en matière d’élevage, et une diaspora syro-libanaise y est présente de longue date. En Australie et en Nouvelle-Zélande, le marché repose sur de meilleures bases. Les navires sont beaucoup plus récents, et construits dès l’origine pour cette activité, ce qui autorise de meilleures conditions de vie à bord pour les animaux et pour les marins. Néanmoins, cela n’empêche pas les problèmes de survenir, à l’exemple de la disparition du Gulf Livestock 1 dans un typhon en septembre 2020.

Une activité sur la sellette

Le transport de bétail vivant par la mer n’échappe pas au débat sur le bien-être animal, et il fait l’objet de critiques récurrentes dans les pays exportateurs, que ce soit de la part des ONG ou des politiques. L’Union européenne, quant à elle, a cherché à renforcer les règles par le biais du règlement 1/2005, entré en vigueur en 2007. Certains pays vont plus loin, tel la Nouvelle-Zélande qui a décidé en avril dernier l’interdiction pure et simple de l’activité. Bien qu’il y fût déjà partiellement interdit – il n’était plus possible de transporter des moutons vivants par la mer depuis 2003 –, cette mesure constitue un symbole fort. Cependant, l’interdiction pure et simple ne sera pas suffisante pour venir à bout de cette activité, d’autant qu’il est probable dans le cas néo-zélandais que d’autres pays prendront le relais, quitte à le faire avec des standards inférieurs. La principale alternative viendra certainement du développement du transport réfrigéré de viande, qui a par ailleurs l’avantage d’avoir une valeur ajoutée plus importante.

A lire également : L’hygiène animale, un enjeu sanitaire primordial

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À propos de l’auteur
Jean-Yves Bouffet

Jean-Yves Bouffet

Officier de la marine marchande.

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