Iran et Ukraine : accords et désaccords entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron

2 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Moscou, 18 mars 2022. Le président russe Vladimir Poutine assiste à un concert intitulé "Crimean Spring" (Printemps de Crimée) organisé au stade Luzhniki pour marquer le 8e anniversaire de la réunification de la Crimée avec la Russie. C : Ramil Sitdikov/POOL/TASS/Sipa

Abonnement Conflits

Iran et Ukraine : accords et désaccords entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron

par

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont longuement échangé par téléphone au sujet de l’Iran et de l’Ukraine. L’étude des deux communiqués officiels montre une différence notable de perception sur ces deux sujets. Analyse de Conflits.

Communiqué du Kremlin (traduction de Conflits)

Une conversation téléphonique a eu lieu entre Vladimir Poutine et le président français Emmanuel Macron

Les chefs d’État ont discuté en détail de la situation au Proche-Orient dans le contexte de la confrontation entre l’Iran et Israël et des frappes américaines contre des sites nucléaires iraniens.

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont souligné la responsabilité particulière de la Russie et de la France, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, dans le maintien de la paix et de la sécurité, notamment au Proche-Orient, ainsi que dans la préservation du régime mondial de non-prolifération nucléaire. À cet égard, ils ont souligné l’importance du respect du droit légitime de Téhéran à développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et à continuer de respecter ses obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, y compris la coopération avec l’AIEA.

Les dirigeants se sont prononcés en faveur d’un règlement de la crise autour du programme nucléaire iranien, ainsi que d’autres différends au Proche-Orient, par des moyens exclusivement politiques et diplomatiques. Il a été convenu de poursuivre les contacts en vue d’une éventuelle coordination des positions.

Lors de l’examen de la situation autour de l’Ukraine, Vladimir Poutine a rappelé que le conflit ukrainien est une conséquence directe de la politique des États occidentaux qui, pendant de nombreuses années, ont ignoré les intérêts de la Russie en matière de sécurité, créé en Ukraine un bastion anti-russe, ont toléré les violations des droits des habitants russophones et mènent désormais une politique visant à prolonger les hostilités en fournissant au régime de Kiev diverses armes modernes.

Évoquant les perspectives d’un règlement pacifique, le président russe a réaffirmé ses positions de principe concernant les accords possibles, qui doivent être globaux et à long terme, prévoir l’élimination des causes profondes de la crise ukrainienne et s’appuyer sur les nouvelles réalités territoriales.

La conversation entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron a été très constructive.

Communiqué de l’Élysée

Entretien téléphonique avec le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine.

Publié le 1 juillet 2025

Le Président de la République et le Président de la Fédération de Russie se sont entretenus durant plus de deux heures aujourd’hui au téléphone, pour parler du programme nucléaire iranien et de l’Ukraine.

S’agissant de l’Iran, le Président de la République a rappelé les responsabilités des membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, et donc de la France et de la Russie sur la question nucléaire. Il a insisté sur l’urgence que l’Iran se conforme à ses obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et notamment à la pleine coopération avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), dont les inspecteurs doivent pouvoir reprendre leur travail sans délai. Il a dit sa détermination à rechercher une solution diplomatique qui permette un règlement durable et exigeant du dossier nucléaire, de la question des missiles de l’Iran et de son rôle dans la région.  Les deux Présidents ont décidé de coordonner leurs démarches et de se parler prochainement afin de faire le suivi ensemble sur ce sujet.

S’agissant de l’Ukraine, le Président de la République a souligné le soutien indéfectible de la France à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il a appelé à l’établissement, dans les meilleurs délais, d’un cessez-le-feu et au lancement de négociations entre l’Ukraine et la Russie pour un règlement solide et durable du conflit. Les deux Présidents continueront d’échanger également sur ce point.

Commentaire

Sur l’Iran, les deux présidents partagent sensiblement les mêmes points de vue.

Une différence de taille néanmoins : le communiqué du Kremlin dit l’importance que l’Iran puisse se doter du nucléaire civil, ce qui n’apparaît pas dans le communiqué français.

« À cet égard, ils ont souligné l’importance du respect du droit légitime de Téhéran à développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et à continuer de respecter ses obligations au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, y compris la coopération avec l’AIEA. »

Le communiqué du Kremlin affirme pourtant que la position sur le nucléaire civil est partagée par les deux parties.

Sur le dossier iranien, il y a donc convergence de vue et nécessité de permettre à l’AIEA de reprendre ses travaux.

Sans surprise, c’est sur le dossier ukrainien que les avis divergent.

La Russie réitère son point de vue qui est que l’Occident est responsable de la guerre :

« Lors de l’examen de la situation autour de l’Ukraine, Vladimir Poutine a rappelé que le conflit ukrainien est une conséquence directe de la politique des États occidentaux qui, pendant de nombreuses années, ont ignoré les intérêts de la Russie en matière de sécurité, créé en Ukraine un bastion anti-russe, ont toléré les violations des droits des habitants russophones et mènent désormais une politique visant à prolonger les hostilités en fournissant au régime de Kiev diverses armes modernes. »

Autrement dit, pour Moscou, la responsabilité du déclenchement de la guerre incombe à l’Occident et sa poursuite aussi, puisque l’Occident fournit des armes à l’Ukraine. C’est certain que si l’Ukraine n’avait pas d’armes, elle se serait effondrée depuis longtemps et le conflit serait de facto terminé.

On comprend qu’avec une telle différence de point de vue, il va être difficile de s’entendre et de trouver un accord.

« Évoquant les perspectives d’un règlement pacifique, le président russe a réaffirmé ses positions de principe concernant les accords possibles, qui doivent être globaux et à long terme, prévoir l’élimination des causes profondes de la crise ukrainienne et s’appuyer sur les nouvelles réalités territoriales. »

« S’appuyer sur les nouvelles réalités territoriales », c’est-à-dire reconnaître l’occupation de l’est de l’Ukraine par la Russie. De fait, Moscou contrôle près de 20% du territoire ukrainien.

« Éliminer les causes profondes de la crise ukrainienne », c’est-à-dire revenir sur le point précédent évoqué par Poutine, qui concerne la divergence de vues profonde entre les deux camps. Dans tous les cas, il s’agit d’une soumission de l’Ukraine à la vision russe.

Le point de vue français est conforme à celui qui est évoqué depuis le début de la guerre, notamment le respect de la souveraineté territoriale de l’Ukraine et la demande d’un cessez-le-feu. La Russie ne voulant pas mettre en place ces points, seul le rapport de force militaire pourrait parvenir à imposer à Moscou le point de vue occidental.

Que les deux présidents aient pu échanger est une bonne chose et témoigne d’un début de retour au dialogue, prélude à tout règlement du conflit. Mais on voit que les divergences de fond sont telles qu’une solution à la guerre semble aujourd’hui difficile à trouver.

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !
À propos de l’auteur
John Mackenzie

John Mackenzie

Géopolitologue et grand reporter, John Mackenzie parcourt de nombreuses zones de guerre.

Voir aussi

Les Outre-mer, point aveugle du débat politique en France

Nouvelle-Calédonie, Mayotte, Martinique… Les Outre-mer ont rarement occupé autant de place dans l’espace médiatique métropolitain que ces derniers mois. Cette omniprésence dans le débat public peine pourtant à se traduire dans les programmes politiques, au-delà des effets d’aubaine ou...

Salary cap : quand le rugby français se saborde

Le rugby français a établi une règle originale pour brider ses clubs : le salary cap. En bloquant les salaires, au mépris des lois économiques, le rugby français nuit à sa compétitivité sur le long terme.  En 2010, la Ligue nationale de rugby (LNR), sous l’impulsion de son président...