« Ce qui était attendu pour 2030 ou 2035 arrivera plus vite » : l’armée de Terre priorise l’innovation

3 octobre 2025

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Photo : Démonstration d'un char autonome, Milrem Robotics THeMIS Adler, lors du salon Eurosatory de 2018. Credit:NICOLAS MESSYASZ/SIPA/1806101811

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« Ce qui était attendu pour 2030 ou 2035 arrivera plus vite » : l’armée de Terre priorise l’innovation

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Le général Pierre Schill, commandant l’armée de Terre, a effectué sa conférence de rentrée le 25 septembre auprès de la section technique de l’armée de Terre (STAT), organisme chargé d’expérimenter l’innovation militaire. Le message est symbolique : l’armée française innove pour mieux dissuader.

Lundi 22 septembre, des drones ont survolé les aéroports des capitales danoise et norvégienne, paralysant le trafic aérien pendant plusieurs heures. L’événement fait suite à de nombreuses autres intrusions de drones russes observées dans le ciel de l’Alliance. Vladimir Poutine analyse la réactivité des forces européennes.

Trois jours plus tard, devant une dizaine de journalistes, le général Pierre Schill, commandant l’armée de Terre, a effectué sa conférence de rentrée auprès de la section technique de l’armée de Terre (STAT). La STAT est l’organisme qui expérimente les nouveaux équipements destinés aux forces armées avant leur envoi dans les unités. À l’heure des violations répétées du ciel otanien, le chef d’état major de l’armée de Terre française (CEMAT) Pierre Schill martèle la maxime choisie pour les forces terrestres : « Être prêt et ce, dès ce soir ».

Être prêt, à l’heure de « l’urgence et de la radicalité »

Aujourd’hui capable de déployer une brigade « bonne de guerre » sous quinze jours sur le flanc est de l’Europe si la situation géopolitique l’obligeait, c’est une division entière, soit environ 19 000 hommes, que le général veut pouvoir aligner en 30 jours d’ici 2027. Si l’OTAN peut regrouper à l’heure actuelle plus d’une dizaine de corps d’armée au total en cas de guerre, la volonté affichée par Pierre Schill est d’aller plus vite encore. « Le plan est bon, mais il faut l’accélérer et l’approfondir, car il y a urgence et radicalité », explique-t-il.

Pour répondre à la gravité des heures et aux menaces pesant sur le sol européen, la 19e brigade d’artillerie commandée par le général Marc Galan a été réactivée, 27 ans après sa dissolution en 1998. Unité aux compétences uniques et forte de 3 000 soldats répartis dans trois régiments, elle répond aux besoins de renforcer la létalité par sa capacité à frapper dans la profondeur. Mais elle illustre surtout l’urgence absolue d’innover, de droniser, et de robotiser les forces terrestres.

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La robotisation : la révolution militaire du XXIe siècle

Prochainement, la première unité d’une vingtaine de robots terrestres et aériens commandée par une intelligence artificielle va faire son apparition au sein des forces armées. C’est le projet « Pendragon », une invention inédite accélérant le processus de robotisation engagé par le programme « Vulcain ». Lancé en 2021, ce dernier aspirait à intégrer sur le champ de bataille des robots couplés à l’intelligence artificielle à l’horizon 2040. Mais l’urgence oblige à l’adaptation et à l’accélération.

« La guerre en Ukraine a fait exploser la robotique terrestre. Ce qui était attendu pour 2030 ou 2035 arrivera plus vite », prévient le général Schill. C’est ainsi que, pour répondre aux exigences de leur chef, le Commandement du combat futur (CCF) aux ordres du général Baratz et l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (AMIAD) coordonnent conjointement « Pendragon », avec pour ambition de pouvoir confier des missions tactiques à ces robots très prochainement. Ainsi, après la course à l’espace du siècle dernier, l’armée doit suivre la course à la robotique du troisième millénaire. Elle est devenue la priorité absolue du commandant de l’armée de terre.

Dans l’attente de la livraison de ces nouveaux équipements, le temps n’est ni à la passivité ni à l’immobilisme. L’innovation se fait par tous les moyens, même les plus rustiques, pourvu qu’elle soit rapidement effective.

Innover à tout prix

Face à l’urgence opérationnelle, la STAT a développé en seulement quatre mois le standard 1 du PROTEUS, renforçant le dispositif de lutte anti-drones (LAD) lacunaire de l’armée française. Pour cela, il combine un canon de 20 mm de l’armée de Terre des années 1970 à une caméra thermique SANDRA, ensemble équipé sur un camion tactique TRM 2000 fabriqué dans les années 1980 par Renault.

Alors que les six premiers exemplaires ont été livrés au sein du 35e régiment d’artillerie parachutiste en septembre, la conception du standard 2 du PROTEUS est déjà en cours. La nouvelle version promet d’intégrer des logiciels IA permettant non seulement l’amélioration de la visée du canon, mais également une capacité renforcée de repérage et de destruction des drones. Si le PROTEUS 1 peut abattre les drones basiques de type Shahed, le patron du Commandement du combat futur affirme que « le standard 2 va permettre d’aller vraiment chercher les micro-drones, plus mobiles et plus difficiles à taper. »

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La rusticité de ce programme illustre l’urgence et la gravité opérationnelles, qui doivent, selon le CEMAT, animer et décupler « l’esprit pionnier de l’armée de Terre pour se préparer à demain ». En témoignent les enveloppes de fonds supplémentaires envoyés aux régiments pour inventer et imaginer des projets d’innovation participative. Plus de 200 projets ont été recueillis et la STAT gardera les meilleurs, à l’image de l’expérimentation portée par le 1er régiment d’infanterie de marine qui a intégré un essaim de drones au sein d’un escadron de reconnaissance.

En 2026, la France accueillera l’exercice majeur « Orion », qui sera l’occasion de réellement expérimenter l’effectivité et la crédibilité des nouvelles capacités mises en avant par la STAT en lien avec le CCF.

Nos armées peuvent-elles gagner une guerre ? À cette question murmurée par beaucoup, l’armée de Terre veut répondre par une transformation technologique profonde ; et racheter une crédibilité ébranlée par deux décennies d’impéritie politique. Mais, les incertitudes budgétaires peuvent encore heurter les aspirations ambitieuses de l’état-major.

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Gabriel de Solages

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