<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Atomic Steppe : comment le Kazakhstan a renoncé à la bombe

4 mai 2023

Temps de lecture : 2 minutes
Photo : The Soyuz TMA-05M rocket launches from the Baikonur Cosmodrome in Kazakhstan on Sunday, July 15, 2012 carrying Expedition 32 Soyuz Commander Yuri Malenchenko, NASA Flight Engineer Sunita Williams and JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) Flight Engineer Akihiko Hoshide to the International Space Station. Photo Credit: (NASA/Carla Cioffi)
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Atomic Steppe : comment le Kazakhstan a renoncé à la bombe

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Dans son livre Atomic Steppe, Togzhan Kassenova étudie l’histoire de l’abandon de l’arme nucléaire par le Kazakhstan. Après la disparition de l’URSS en 1991, le pays nouvellement indépendant a décidé de renoncer à son héritage nucléaire[1], tout en cherchant des garanties pour sa protection et sa sécurité.

Quitter le nucléaire à l’aube de son indépendance fut un choix stratégique essentielle pour la jeune nation kazakhe. Si le pays fut le lieu où s’exercèrent de nombreux essais nucléaires, les autorités kazakhes n’y prirent pas parti, les essais étant aux mains des Soviétiques. Les essais au polygone de Semipalatinsk ont laissé un héritage négatif durable. Mais d’un point de vue positif, la lutte du public contre les essais nucléaires et le choix délibéré du Kazakhstan d’être dénucléarisé ont jeté les bases de ce que le Kazakhstan est devenu en tant qu’État, une société qui a repris le contrôle de sa propre terre et de sa destinée.

Au cours de ses recherches, l’auteure a mis à jour les mensonges opérés par les Soviétiques et leur mépris de la vie humaine. L’ouvrage révèle de nombreux documents qui montrent la politique du secret, le mensonge et l’attitude condescendante et dédaigneuse envers le peuple du Kazakhstan. L’Institut soviétique de biophysique, affilié à l’establishment militaro-industriel, a enregistré dans ses rapports internes la contamination radioactive des zones proches du polygone. Dans le même temps, le même institut a menti au gouvernement local de la région de Semipalatinsk en affirmant que les essais nucléaires n’avaient provoqué aucune contamination. Lors de la visite d’une délégation du gouvernement soviétique dans la région de Semipalatinsk, les autorités locales firent venir des enfants handicapés mentaux pour faire comprendre aux décideurs de Moscou que les essais nucléaires nuisaient aux personnes. En voyant les enfants, un membre de la délégation a dit en plaisantant que « ce serait mieux si les Kazakhs buvaient moins ». Des histoires de ce type, l’auteure en a trouvé beaucoup aux cours de ses recherches. Néanmoins, le personnel de l’Institut de pathologie régionale du Kazakhstan a réussi à recueillir des données cliniques sur la santé défaillante des personnes vivant à proximité du polygone de Semipalatinsk, ce qui permet aujourd’hui de mieux comprendre la nature et le déroulé des essais. Les membres de l’Institut ont consigné fidèlement ce qu’ils ont observé, tout en sachant qu’ils auraient pu être punis par l’État. Au moment de l’abandon du nucléaire, le pays a négocié avec les États-Unis afin de s’assurer de disposer de garanties de sécurité, d’investissements étrangers, d’accès aux institutions et aux marchés internationaux en échange du renoncement à la bombe. Au regard de la guerre en Ukraine, certains peuvent se demander si le Kazakhstan a bien fait de renoncer à la bombe. Le pays a réussi à sauvegarder sa sécurité autrement. Il est une preuve de la réussite de la politique de désarmement et se veut un exemple pour d’autres pays qui voudraient renoncer à l’arme atomique.

Basée à Washington DC, Mme Kassenova est chargée de recherche au Center for Policy Research et chargée de recherche non résidente au Nuclear Policy Program du Carnegie Endowment for International Peace. Elle est titulaire d’un doctorat en politique de l’université de Leeds. Elle a également siégé au conseil consultatif du secrétaire général des Nations unies pour les questions de désarmement de 2011 à 2015.

[1] Togzhan Kassenova, Atomic Steppe : How Kazakhstan Gave Up the Bomb, 2022.

À propos de l’auteur
Mathilde Legris

Mathilde Legris

Journaliste. Terroirs, histoires, voyages.
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