Birmanie : le retour de l’opium

18 mars 2023

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Récolte de pavot. (AP Photo/Abdul Khaliq)/DV101/22093362479386//2204031207
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Birmanie : le retour de l’opium

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L’opium fait son grand retour en Birmanie. L’office des Nations unies de lutte contre la drogue constate une croissance non seulement des zones cultivées, mais aussi de la productivité. La Birmanie redevient l’un des grands producteurs mondiaux de drogue, ce qui bouleverse tant l’Asie que l’Europe.

Dans son enquête en 2022 sur la culture du pavot en Birmanie, l’agence des Nations Unies contre les drogues et le crime (ONUDC)  constate un net accroissement de la culture et du rendement à la suite des nouvelles zones cultivées et à une sophistication accrue des pratiques agricoles. Cette augmentation est enregistrée dans un contexte de perturbations économiques et sociales après le coup d’État militaire de février 2021, laissant derrière lui des années d’amélioration dans la lutte contre le trafic de drogue mis en place pendant la parenthèse démocratique.

Une augmentation plurifactorielle 

L’augmentation des cultures du pavot est d’abord due à une augmentation de la taille des champs. Selon le rapport, la surface des terres utilisées pour cultiver du pavot, plante à l’origine de l’opium et de l’héroïne, a augmenté de 33% en un an pour atteindre 40 100 hectares en 2022.

À cela s’ajoute une augmentation considérable des rendements, avec une production totale en hausse de 88% en un an pour atteindre 790 tonnes, un record depuis 2013 comme le souligne l’étude, qui s’appuie sur des images prises par satellite et des études de terrain. Les observations ont permis de remarquer des parcelles, autrefois désordonnées, à présent très bien optimisées pour le haut rendement, grâce des pratiques agricoles plus sophistiquées et davantage de disponibilité concernant l’engrais. En effet, les estimations de rendement nationales indiquent une moyenne de 19,8 kg d’opium par hectare de pavot. Un niveau de production, encore loin derrière celui de l’Afghanistan, mais qui est à son plus haut en Birmanie depuis que l’ONUDC effectue ces recherches.

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La poursuite de l’instabilité politique dans un environnement post-coup d’État où l’inflation est forte incite les agriculteurs à se reconvertir dans la culture du pavot, celle-ci offrant des prix de vente plus attractifs. En effet, la pauvreté, le manque de services et l’insécurité ont poussé les ménages ruraux à dépendre davantage de l’opium. En outre, la crise politique et sociale qui touche le pays a conséquemment aboutie à une diminution considérable des efforts d’éradications des différentes cultures de pavot entamées par l’ancien gouvernement. 

Superficie cultivée en pavot à opium en Birmanie

Production et rendement de l’opium en Birmanie

La rupture avec 2021 est ainsi considérable, où l’augmentation de la superficie cultivée (2 %) et du rendement (4%) sont restés modérés, alors que les chiffres étaient en baisse depuis six années consécutives, notamment à la suite de la période de démocratie initiée par la conseillère d’État Aung San Suu Ky et de son programme de lutte contre le trafic de drogue.

Les hausses les plus significatives se trouvent dans les régions frontalières, notamment l’État de Shan

Densité de la culture du pavot à opium en Birmanie

« Les agriculteurs du nord de l’État Shan ou des régions frontalières n’ont pas eu trop le choix sinon que de retourner à la culture du pavot » a révélé Jeremy Douglas, représentant régional pour l’Asie du sud-est de l’UNODC. Le rapport montre en effet une augmentation majeure dans les États frontaliers de la Birmanie, notamment les États de Shan avec une hausse de 29%, mais également les États de Chin (14%) et de Kayah (11%).

Accroissement des revenus des cultivateurs

Alors que l’économie licite de la Birmanie demeure fragile, les revenus des cultivateurs d’opium gagnent en importance. Dans un contexte d’expansion de la production de drogues synthétiques, l’économie du pavot en Birmanie est évaluée à près de deux milliards de dollars américains, alors que le commerce régional est estimé à environ 10 milliards de dollars, selon l’ONUDC. Cela démontre l’attrait de l’opium en tant que culture et produit de base, ainsi que la forte expansion de la demande, semblant se reconnecter au marché mondial, notamment celui de l’héroïne du Triangle d’Or (Thaïlande, Birmanie, Laos).

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Sans stabilité politique et économique, il y a fort à parier pour que la culture et la production du pavot continuent à croître. Selon l’agence onusienne, la culture de l’opium est une question qui ne peut être résolue en détruisant les cultures, ce qui ne ferait qu’augmenter la précarité dans le pays. Les cultivateurs ont davantage besoin d’aide pour trouver d’autres moyens de revenus, en travaillant d’autres parts que dans des champs de pavot. 

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Côme de Bisschop

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