De Cotonou à Doha, les promesses d’un partenariat stratégique

21 mai 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : L'archipel artificiel The Pearl, à Doha (c) Pixabay

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De Cotonou à Doha, les promesses d’un partenariat stratégique

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Le Bénin et le Qatar ont signé des accords bilatéraux. Une étape importante dans l’installation du Qatar en Afrique de l’Ouest et dans les relations entre l’Afrique et le Golfe.

Le 19 mai 2025, le président béninois Patrice Talon a été reçu en visite officielle à Doha par l’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani. Cette rencontre, ponctuée par la signature de six accords bilatéraux, confirme l’installation du Qatar comme partenaire structurant en Afrique de l’Ouest, et marque une étape significative dans l’agenda diplomatique et économique du Bénin. Au croisement de l’aviation, du tourisme, de la culture et des investissements, cette séquence illustre l’intérêt croissant des monarchies du Golfe pour le continent africain, dans un contexte de redéfinition des alliances stratégiques.

Une ambition partagée dans le ciel ouest-africain

Parmi les axes les plus visibles de la coopération figure le projet de liaison directe entre Doha et Cotonou, porté par un partenariat envisagé entre Qatar Airways et la jeune compagnie béninoise Amazone Airlines. Pour le Bénin, l’enjeu est clair : faire de cette connexion un levier d’attractivité touristique et commerciale, tout en ancrant son positionnement comme carrefour régional. Pour Doha, il s’agit de consolider une stratégie de maillage aérien du continent, déjà entamée avec le Maroc, le Rwanda et l’Afrique du Sud.

La progression de Qatar Airways en Afrique est manifeste : après avoir renforcé sa présence au Nigeria avec des vols vers Lagos, Abuja, Kano et Port Harcourt, la compagnie s’apprête à finaliser une prise de participation dans Airlink, première compagnie régionale sud-africaine. À travers ce réseau, le Qatar ne se contente pas de desservir le continent, il en devient un opérateur intégré. Le projet béninois s’inscrit dans cette dynamique, avec des perspectives de formation, de transfert d’expertise et d’assistance technique.

Une convergence d’intérêts culturels et économiques

L’accord aérien ouvre la voie à un développement plus large de la coopération touristique. La ligne Doha-Cotonou permettrait de capter des flux en provenance du Golfe et d’Asie, vers un pays encore peu présent sur la carte touristique internationale. Cette ouverture est portée par une stratégie nationale qui, depuis 2016, valorise le patrimoine naturel et historique du Bénin, et investit dans les infrastructures d’accueil.

Doha accompagne ce mouvement avec des projets de coopération culturelle : expositions conjointes, partenariats muséaux, circulation d’œuvres. Cette diplomatie de la culture renforce le positionnement de l’émirat comme acteur global, tout en répondant au besoin de visibilité et de rayonnement du Bénin. Dans un espace international concurrentiel, le dialogue culturel devient un vecteur d’influence.

Une dynamique d’investissement à l’échelle continentale

Au-delà du cas béninois, cette visite s’inscrit dans un mouvement plus large d’expansion économique du Qatar en Afrique. Selon Afreximbank, Doha a investi 7,2 milliards de dollars sur le continent entre 2012 et 2022. Ces investissements, portés par les fonds souverains et les grandes entreprises de l’émirat, ciblent l’agriculture, l’énergie, les infrastructures et les industries de services.

Le Qatar cherche à diversifier ses actifs au-delà du secteur énergétique, tout en consolidant ses partenariats diplomatiques. Cette stratégie, déjà visible en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Maroc, s’appuie sur des outils mixtes : financements, forums économiques, conventions fiscales, mais aussi soft power humanitaire ou religieux. Le Bénin, avec ses réformes économiques, son ouverture aux IDE et sa stabilité institutionnelle, offre un terrain favorable à ce type d’engagements hybrides.

À l’heure où le Qatar étend son influence à travers les secteurs clés que sont l’aviation, le tourisme et la culture, le Bénin s’inscrit dans une logique d’intégration aux flux internationaux de capitaux et de connectivité. Reste à savoir si ces partenariats, souvent portés par des instruments hybrides mêlant diplomatie d’influence et investissements ciblés, peuvent se construire sur un pied d’égalité. L’avenir de ce rapprochement ne dépendra pas seulement de la concrétisation des accords signés, mais de la capacité des acteurs africains à définir eux-mêmes les règles du jeu.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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