Donald Trump relance les essais nucléaires américains, trente ans après leur suspension

30 octobre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo :

Abonnement Conflits

Donald Trump relance les essais nucléaires américains, trente ans après leur suspension

par

Le président américain a annoncé la reprise des essais atomiques, gelés depuis trois décennies, au moment où Moscou et Pékin multiplient leurs démonstrations de force.

Donald Trump a ordonné ce jeudi la reprise par les États-Unis d’essais d’armes nucléaires, interrompus depuis plus de 30 ans, après des annonces de Vladimir Poutine sur le développement de nouvelles capacités atomiques.

L’annonce, lapidaire, du président américain ressemblait à une démonstration de force, quelques minutes avant sa rencontre à Busan, en Corée du Sud, avec son homologue chinois, Xi Jinping.

Elle s’inscrit aussi dans le cadre d’un durcissement de M. Trump vis-à-vis du Kremlin, alors que ses efforts piétinent pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

« En raison des programmes d’essais menés par d’autres pays, j’ai demandé au ministère de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires sur un pied d’égalité. Ce processus commencera immédiatement », a déclaré Donald Trump sur son réseau Truth Social.

Le chef de l’État a par ailleurs revendiqué la suprématie américaine dans ce domaine. « Les États-Unis possèdent plus d’armes nucléaires que tout autre pays », s’est-il réjoui. « La Russie arrive en deuxième position et la Chine loin derrière en troisième, mais elle rattrapera son retard d’ici cinq ans », a-t-il ajouté.

Une affirmation démentie par les statistiques de l’Institut de recherche international pour la paix de Stockholm (Sipri), selon lesquelles la Russie dispose de 5 489 ogives nucléaires contre 5 177 pour les États-Unis et 600 pour la Chine.

Au total, selon cette organisation, plus de 12 200 ogives sont détenues dans le monde par les neuf puissances dotées (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord).

Donald Trump n’a pas précisé la nature des tests annoncés, mais Washington est signataire du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), et l’explosion d’ogives en constituerait une violation flagrante.

Plus de 2 000 explosions nucléaires ont été conduites par les pays suivants : Russie/URSS (rouge), USA (bleu clair), France (bleu), Royaume-Uni (violet), Chine (jaune), Inde (Orange), Pakistan (marron), Corée du Nord (vert). Les pays exposés aux essais de bombes nucléaires sont indiqués en vert clair.

Il a en revanche estimé que la course aux armements de ses rivaux justifiait sa décision.

« S’ils font des essais, j’imagine qu’on doit en faire », a-t-il déclaré à bord d’Air Force One. Interrogé sur les dates et lieux des essais, il a simplement répondu : « Cela sera annoncé. Nous avons des sites. »

À lire également : La fin de la dissuasion nucléaire ou l’autre apocalypse

Pékin défend la « non-prolifération »

Ces déclarations répondent à une série d’annonces récentes du président russe, Vladimir Poutine. Dimanche, il s’était félicité de l’essai final réussi du missile de croisière Bourevestnik, selon lui d’« une portée illimitée » et capable de tenir en échec « quasiment tous les systèmes d’interception ».

Et mercredi, il avait fait état de l’essai d’un « drone sous-marin Poséidon » compatible avec des charges atomiques. « Aucun autre appareil dans le monde n’est égal à celui-là par sa vitesse et la profondeur à laquelle il opère », avait assuré le maître du Kremlin.

Jeudi, Pékin a réagi en souhaitant que Washington respecte « sérieusement » les obligations du TICE et prenne « des mesures concrètes pour préserver le système mondial de désarmement et de non-prolifération nucléaires ».

Relations gelées entre Washington et Moscou

Donald Trump et Vladimir Poutine ont souvent affiché une certaine proximité, mais leurs relations se sont considérablement refroidies, sur fond de blocage des discussions sur le dossier ukrainien.

La semaine dernière, le président américain a reporté sine die un projet de rencontre avec son homologue russe à Budapest. Il a indiqué ne pas souhaiter de discussions « pour rien », avant d’imposer de nouvelles sanctions sur les hydrocarbures russes.

Mais au-delà de ces développements récents, la rhétorique nucléaire a fait son retour dans la diplomatie mondiale depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, en février 2022.

Le chiffon rouge de l’arme suprême est un des outils récurrents de Moscou, qui, constatant que Kiev ne tomberait pas aussi rapidement qu’espéré, avait ordonné juste après le début de la guerre de « mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat ».

Une menace prise à la fois avec distance et sérieux par les Occidentaux. Interrogé sur le risque d’un dérapage, Donald Trump a répondu : « Je ne pense pas. Je crois que c’est assez bien verrouillé. »

La semaine dernière, l’Otan a organisé aux Pays-Bas, exceptionnellement en présence de journalistes, un exercice pour tester son dispositif en cas d’emploi de l’arme nucléaire.

Washington et Moscou restent liés en principe par le traité de désarmement New Start, qui limite chaque partie à 1 550 ogives stratégiques offensives déployées et prévoit un mécanisme de vérification, interrompu depuis deux ans.

Le traité doit expirer en février prochain. Moscou a proposé de le prolonger d’un an, sans toutefois mentionner de reprise possible des inspections des arsenaux.

À lire également : Les ambitions nucléaires de l’Iran et la géopolitique au Moyen-Orient

Mots-clefs : ,

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !
À propos de l’auteur
Revue Conflits avec AFP

Revue Conflits avec AFP

Voir aussi

La grande stratégie de la Hongrie

La grande Hongrie reste inscrite dans les esprits. Alors que beaucoup d’analystes expliquent à raison que bien des plaies de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas recousues, la Hongrie rappelle que les cicatrices de la Première Guerre mondiale restent encore présentes, un siècle après.

Mali : le JNIM impose un blocus économique sur Bamako

« Fermé pour infraction à la réglementation économique », c’est ce que l’on peut lire sur une pompe à essence à Bamako. Derrière cet écriteau se cache le déni de la junte face à la pression économique grandissante qui lui est imposée par le JNIM depuis plusieurs semaines.

Arabie saoudite Pakistan, la grande alliance

Le Pacte de défense mutuelle, signé entre l'Arabie saoudite et le Pakistan, ne cesse de susciter des questions et des interrogations. Entretien avec le Dr Ashok Behuria pour analyser les raisons d’un tel accord.