Éditorial n°55 : L’innovation, fondement de la puissance

9 janvier 2025

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Éditorial n°55 : L’innovation, fondement de la puissance

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La « réindustrialisation » est à la mode. Anciens ministres, décideurs, commentateurs expliquent les malheurs de la France par la disparition de l’industrie et donc par la nécessité de réindustrialiser. Si personne ne nie l’importance du secteur industriel dans la puissance économique, la vision de l’industrie est trop souvent teintée de nostalgie. La réindustrialisation ne passera pas par la réouverture des mines de charbon et de fer ni par le retour de la pioche et du fordisme. L’industrie d’aujourd’hui ne repose pas sur les ouvriers et les travaux physiques, mais sur les ingénieurs et la robotisation. C’est-à-dire sur l’innovation et la productivité.

Faisons fuir la jeunesse. La Chine forme plus de 8 millions d’ingénieurs par an. La France n’a certes pas le poids démographique du géant chinois, mais cela ne doit néanmoins pas l’empêcher de former des ingénieurs, ce qui suppose d’avoir des écoles d’ingénieurs qui ne se griment pas en école de commerce et qui n’infligent pas des cours relevant davantage de la sociologie dévoyée que de la formation scientifique. Quelques discussions avec des étudiants ingénieurs suffisent pour se rendre compte que l’idéologie anti-science imbibe un grand nombre d’établissements et de professeurs, que les cours ennuyeux et bullshits envahissent les programmes. La conséquence est immédiate : les meilleurs partent étudier à l’étranger, beaucoup décident d’y rester. Ce phénomène commence dès le lycée : les classes préparatoires ne sont plus la voie royale unique, les meilleurs lycéens partent en nombre étudier et travailler en Europe et aux États-Unis. Quand la médiocrité s’empare de l’éducation et qu’à une jeunesse travailleuse et entreprenante on ne propose qu’impôts, taxes, dette et paiements des retraites, il ne faut pas s’étonner qu’elle fuit le pays.

Décourageons l’innovation. Il n’y a pas de puissance mondiale sans, d’abord, de puissance intérieure. Un pays qui n’innove pas, qui ne dispose pas d’entreprises de classe mondiale, qui ne forme pas d’élite, est voué à demeurer un nain. Quand, face à la dépense publique et à la suradministration, la réponse est de taxer toujours plus, c’est l’innovation et les talents qui sont réprimés et découragés. Taxer les profits d’aujourd’hui, c’est empêcher les inventions de demain. Pourquoi le pays des frères Montgolfier, de la naissance de l’aviation et de l’automobile, de Charles Nungesser et des frères Lumière n’a pas inventé l’iPhone, Tesla, Huawei ou les puces électroniques ? Si la France s’est faite à coups d’épée, elle s’est bâti, aussi, à coups d’inventions et d’innovations. Quand on loue Notre-Dame de Paris restaurée, ce sont bien les artisans, les inventeurs et les concepteurs que l’on célèbre, ceux du xiie siècle comme ceux d’aujourd’hui. À entendre les politiques et à observer les mesures économiques adoptées, c’est à se demander si les Français savent que la Chine existe, c’est-à-dire qu’il y a, en Asie, des pays décidés à prendre les premières places, à tenir les rênes du monde. Personne ne nous attendra. Ni les Vietnamiens, dont le pays est ressuscité après ses terribles décennies de guerre, ni les Indonésiens, nouveaux dragons de l’Asie, ni les Chinois, décidés à être les numéros un.

L’exemple des montagnes est à cet égard édifiant. Vu de la plaine, elles semblent être des territoires hostiles, des obstacles, des terres reculées, voire arriérées. Elles furent pourtant, et le sont toujours, des lieux d’innovations et d’inventions majeures. Elles sont la preuve que le déterminisme n’existe pas et que c’est le génie humain et le travail qui créent le développement et la richesse, non de prétendues ressources naturelles. Maîtrise de l’énergie, notamment hydraulique, développement de l’industrie, textile et métallurgique, production de produits agricoles de grande qualité, développement de l’industrie du tourisme, invention du patrimoine et du paysage naturel, la mise en valeur des montagnes est un modèle d’aménagement du territoire et de contrôle de l’espace par les hommes. Derrière leur immutabilité apparente, elles sont des preuves de transformation et de régénération. Une expérience à méditer, pour que la France puisse retrouver les chemins de la puissance.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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