<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Art, ce que le monde doit aux Etats-Unis

14 décembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Exhibition des toiles d'Edward Hopper à la fondation Beyeler, en Suisse, le 24 janvier 2020. Photo : Mandoga Media/Sipa USA/SIPA SIPAUSA30199386_000002

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Art, ce que le monde doit aux Etats-Unis

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Littérature, architecture, cinéma, bande dessinée, peinture, les Américains ont dominé l’art du xxsiècle. Contrairement à des critiques faciles, cette nation n’est pas sans culture. Bien au contraire, elle a su imposer son style à l’ensemble du monde. Selon la formule de Régis Debray, elle nous « prend par en haut » autant que « par en bas ».


 

Les Américains n’ont pas forcément inventé mais ils ont su reprendre l’art européen, le développer et le transcender, à l’instar d’un Walt Disney dont la quasi-totalité des films d’animation reprend les légendes et contes européens : Robin des Bois, Pinocchio, Cendrillon… Une reprise si bien exécutée, grâce au rythme, à la musique, au scénario, qu’ils font parfois oublier l’œuvre originale. Les dessins animés sont liés aux comics-strips, ces bandes dessinées qui ornent les journaux avant de devenir un art à part. Peanuts, avec Snoopy et Charlie Brown, est publié quotidiennement par Charles Schulz pendant cinquante années. Marvel est l’autre grand nom de la bande dessinée, avec Spiderman, Hulk ou Captain America. Mickey et Donald complètent le tableau d’un art qui a formé des millions d’enfants par le monde.

 

Aux sources de l’Europe

Disney était fasciné par la culture européenne, tout comme une grande partie des artistes américains. Edward Hopper a appris les bases de la peinture à Paris et même s’il a dominé l’école américaine, l’influence européenne structure ses toiles. À ces artistes purement américains s’ajoutent ceux qui sont venus d’Europe pour puiser l’inspiration, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est alors que New York supplante Paris comme capitale culturelle.

Nourris d’Europe, les artistes renvoient au Vieux Monde leurs goûts et leurs innovations. Cela se marque notamment dans l’architecture. Les Américains ont su reprendre les inspirations de Le Corbusier et de la charte d’Athènes pour créer un style international qui a ensuite imposé sa façon de faire dans toutes les villes mondiales. Franck Lloyd Wright, sa célèbre maison sur la cascade et le musée Gouggenheim, Richard Meier et le Getty Center ou Richard Venturi, précurseur du postmodernisme.

Comme à chaque fois, l’art n’est pas qu’effet d’esthétique, mais aussi promotion d’une idéologie. Face aux architectes communistes et à leur façon de concevoir la ville, les architectes américains arrivent à penser l’individu dans le collectif et à introduire une nouvelle forme de beauté en opposition à la laideur soviétique. La ville américaine, tout comme le design, véhicule une idée, un esprit, et attire l’étranger par son aspect grandiose, moderne et monumental.

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La littérature : l’autre face de l’Amérique

Il en va de même dans la littérature. C’est le deuxième pays à avoir eu le plus de prix Nobel de littérature (13), derrière la France (15). Ses écrivains ont su dépasser l’histoire des États-Unis pour s’adresser à l’humanité. Le Vieux Sud, celui du Mississippi d’avant la guerre civile, a inspiré William Faulkner, notamment dans son chef-d’œuvre Absalon ! Absalon ! (1936). Autour de Faulkner s’est développé un courant littéraire du Sud, avec Mark Twain, Truman Capote et Tennessee Williams. Un tramway nommé Désir (1947) a été sublimé au cinéma par Elia Kazan et Marlon Brando (1951) qui a été l’acteur de la pièce. La littérature américaine a nourri le cinéma et a fourni les plus grands chefs-d’œuvre d’Hollywood.

Cette littérature est toutefois torturée et ces écrivains vivent mal dans le temps qui est le leur, à l’image d’Ernest Hemingway qui finit par se suicider et de Truman Capote qui s’abîme dans l’alcool et la drogue. La mort parcourt une grande partie de la littérature américaine. Francis Scott Fitzgerald a pour héros Gatsby le Magnifique, dont la vie se termine en échec, et les romans de John Steinbeck sont toujours noirs et livides. La littérature présente une autre face du rêve américain, peut-être la vraie face. Nous sommes très loin des super héros des bandes dessinées.

C’est une littérature qui est aussi très fortement inspirée par les voyages et le journalisme. La plupart des grands écrivains ont été journalistes, comme Steinbeck, London ou Liebling. Hemingway a lui aussi beaucoup voyagé, notamment à Paris, d’où son livre célèbre paru après sa mort, Paris est une fête (1964). Ces écrivains sont chroniqueurs dans les plus grands journaux et reporters, à l’instar d’Abbott Liebling, chroniqueur au New Yorker qui laisse notamment un livre de chroniques gastronomiques sur Paris, Bon vivant ! Le prix Pulitzer vient récompenser ces talents de chroniques et d’éditoriaux.

En fait, les écrivains américains auscultent un pays dont ils sont issus, mais dont ils se sentent étrangers. Ils parlent de la modernité et du futur tout en ayant la nostalgie du temps perdu. Ils semblent être, de façon irrémédiable, la « génération perdue ». Ce terme désigne le mouvement littéraire des années 1920, dont Fitzgerald est le chef de file. Ce groupe d’écrivains se retrouvait à Paris, dans la librairie Shakespeare and Company, comme pour conserver les racines européennes de leur art et lutter contre les transformations matérielles et sociales de l’Amérique. De très nombreux artistes américains restent fascinés par Paris, dont Paul Auster et Woody Allen.

Ces écrivains sont les photographes de leur temps ; un art photographique que l’Amérique aussi a porté, avec ses grands journaux. En dépit de leurs souffrances, ils ont contribué à faire de l’Amérique une légende.

À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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