L’exploitation minière des fonds marins suscite un intérêt croissant en raison de la demande accrue en métaux rares essentiels à la transition énergétique et aux technologies modernes. Cependant, cette activité pose des questions majeures sur les plans, géopolitique, économique, et surtout environnemental.
Des ressources convoitées et des impacts environnementaux préoccupants
Les fonds marins recèlent trois types principaux de gisements minéraux : les nodules polymétalliques, les sulfures hydrothermaux et les croûtes de ferromanganèse. Les nodules polymétalliques, situés sur les plaines abyssales à plus de 4000 mètres de profondeur, sont riches en cobalt, nickel, cuivre et manganèse, éléments essentiels à la fabrication des batteries et des aimants permanents. Les zones hydrothermales des dorsales océaniques contiennent des dépôts de sulfures polymétalliques, où l’on trouve du zinc, du cuivre, de l’argent et de l’or, souvent associés à des écosystèmes extrêmophiles uniques. Enfin, les croûtes de ferromanganèse, présentes sur les montagnes sous-marines, recèlent des concentrations significatives de terres rares, particulièrement recherchées pour l’industrie des semi-conducteurs et des énergies renouvelables.
Toutefois, l’extraction de ces ressources soulève des inquiétudes majeures. Les nodules polymétalliques mettent plusieurs millions d’années à se former, et leur prélèvement entraînerait une destruction irréversible des habitats marins profonds. De plus, la libération de sédiments lors de l’extraction pourrait perturber les chaînes trophiques et affecter la biodiversité. En juillet 2023, l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) a mis en garde contre ces effets néfastes et souligné l’absence de données scientifiques suffisantes pour évaluer pleinement les conséquences à long terme.
Une bataille géopolitique et industrielle
L’accès aux métaux critiques des fonds marins intensifie la rivalité entre grandes puissances. La Chine, déjà leader mondial du raffinage des terres rares, investit massivement dans la recherche et le développement de technologies d’extraction sous-marine. Elle a obtenu plusieurs licences d’exploration délivrées par l’ISA, notamment dans la zone de Clarion-Clipperton, qui abrite l’un des plus vastes gisements de nodules polymétalliques au monde. Les États-Unis et l’Union européenne, soucieux de réduire leur dépendance aux ressources chinoises, soutiennent des projets miniers dans le Pacifique et l’océan Atlantique. En juillet 2023, Washington a annoncé un programme de financement pour le développement de robots d’extraction capables de collecter ces minerais sans perturber excessivement les écosystèmes.
L’ISA, organisme onusien chargé de réguler cette exploitation, est sous pression. Pékin et Moscou militent pour une réglementation plus souple afin de faciliter l’exploitation commerciale, tandis que la France, l’Allemagne et plusieurs États insulaires du Pacifique appellent à un moratoire. En 2022, Emmanuel Macron avait annoncé le soutien de la France à un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins, affirmant que les conséquences environnementales de ces activités restaient mal connues et pourraient compromettre la santé des océans. La France, qui possède la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde, est particulièrement concernée par cette question, notamment en raison des projets d’exploitation dans ses territoires ultramarins. Lors de la COP28, plusieurs nations ont réaffirmé leur opposition à une exploitation précipitée, mettant en avant le manque de connaissances sur les écosystèmes profonds et les risques liés à la destruction d’habitats marins irremplaçables.
Vers un encadrement accru ou une exploitation rapide ?
Alors que certains industriels considèrent l’exploitation minière des fonds marins comme une réponse à la demande croissante en métaux rares, d’autres estiment que le recyclage et l’innovation dans l’extraction terrestre pourraient limiter la nécessité de recourir à ces ressources sous-marines. Des entreprises comme First Solar ont d’ailleurs suspendu l’utilisation de minerais issus des fonds marins jusqu’à une meilleure compréhension des risques environnementaux. De nouvelles alternatives, comme le développement de procédés d’extraction plus efficaces sur terre et l’amélioration du recyclage des batteries et des circuits électroniques, sont à l’étude pour réduire la pression sur les ressources océaniques.
L’avenir de l’exploitation minière des fonds marins dépendra des décisions prises au sein de l’ISA et des politiques adoptées par les grandes puissances. Si la Chine et la Russie poursuivent leurs efforts pour accélérer l’exploitation, la résistance croissante d’autres acteurs, notamment l’Union européenne et plusieurs États insulaires, pourrait freiner son développement. La question centrale reste de savoir si la communauté internationale optera pour un cadre strict de protection des océans ou si elle cédera à la pression des intérêts économiques à court terme.
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