Le 3 septembre dernier, à l’occasion du défilé militaire à Pékin célébrant les 80 ans de la défaite du Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, Xi Jinping prenait soin de vanter les relations « d’un niveau sans précédent » que la Chine entretient avec la Russie de Vladimir Poutine. Ces célébrations marquaient également le retour sur la scène diplomatique du chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un.
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Celui qui n’avait plus franchi les frontières de son pays depuis une visite en Russie en septembre 2023 est, depuis son accession au pouvoir en 2011, persona non grata sur le plan international en raison d’un programme nucléaire suscitant la défiance et les condamnations de la communauté internationale. Voir Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un assister ensemble à la démonstration de force chinoise constitue une victoire diplomatique de grande ampleur pour le dictateur nord-coréen.
Ce dernier, qui entend affirmer le rôle de Pyongyang au sein de cette alliance, n’a par ailleurs aucune intention de renoncer à un agenda nucléaire qu’il souhaite désormais accompagné d’une modernisation de son armement conventionnel, ce qui renforce les craintes que son régime suscite au sein de la communauté internationale.
Un retour diplomatique à la faveur des tensions internationales
Une décennie plus tôt, la présence du leader nord-coréen aux côtés de Xi Jinping et Vladimir Poutine à l’occasion d’un tel évènement aurait certainement été considérée comme inenvisageable. En 2017, les hommes forts de Pékin et Moscou suivaient en effet les injonctions occidentales en condamnant officiellement le programme nucléaire du régime de Kim et en votant le huitième train de sanctions prises par l’ONU à son encontre, entérinant de ce fait encore davantage le statut de paria de Pyongyang sur la scène internationale.
Il aura fallu un enchaînement d’évènements internationaux opposant l’Occident à ses principaux détracteurs pour que le dirigeant nord-coréen sorte de cette impasse diplomatique. Au cours de son premier mandat à la Maison-Blanche, Donald Trump menaçait déjà Pékin de droits de douane punitifs en réponse à des pratiques commerciales jugées déloyales. Les tensions entre les États-Unis et la Chine connurent une inquiétante escalade qui mena les deux puissances au bord de la guerre commerciale¹.
C’est dans ce contexte que l’empire du Milieu a vu dans la Corée du Nord un atout stratégique dans son duel à distance avec Washington. C’est ainsi que le président de la République populaire de Chine reçut Kim Jong-un à quatre reprises entre 2018 et 2019, la dernière réception marquant par ailleurs le 35ᵉ anniversaire du dirigeant nord-coréen².
Le défilé du 3 septembre dernier marquait aussi la toute première participation de Kim à un sommet international multilatéral. Outre Xi Jinping, Kim a publiquement affiché sa complicité avec Vladimir Poutine. Cela faisait 66 ans que les représentants de ces trois nations ne s’étaient pas officiellement rassemblés³.
Le rapprochement inattendu des lointains successeurs de Kim Il-sung et Nikita Khrouchtchev, qui nourrissent une idéologie anti-occidentale commune, s’est opéré depuis le lancement de « l’opération spéciale » par le maître du Kremlin et n’a cessé de se renforcer depuis. Faisant face à une résistance ukrainienne à la densité insoupçonnée, l’armée russe a pu compter sur Pyongyang pour lui fournir munitions et combattants⁴.
La Corée du Nord entend par ailleurs conforter sa position au sein de cette alliance. C’est en ce sens que le défilé de Pyongyang marquant les 80 ans du Parti des Travailleurs de Corée doit être interprété. À l’occasion de cette cérémonie, Kim a rappelé la détermination de son pays à poursuivre le combat commun contre « l’injustice et l’hégémonie », promettant également de faire de la Corée du Nord « le meilleur paradis socialiste au monde »⁵. Une démonstration de force et des déclarations qui confirment la nouvelle dimension internationale prise par Pyongyang.

Photo fournie par le gouvernement nord-coréen, montrant de gauche à droite, le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un se rendant au défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale sur la place Tiananmen à Pékin, le mercredi 3 septembre 2025.(Korean Central News Agency/Korea News Service via AP)
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Une menace sécuritaire désormais protéiforme
À l’occasion de son premier mandat, Donald Trump avait rencontré Kim Jong-un à trois reprises et était entré dans l’histoire comme le premier président américain à franchir la frontière nord-coréenne pour une poignée de main historique entre les deux dirigeants⁶. Si le contact a depuis été interrompu, notamment en raison du changement de présidence à la Maison-Blanche, une nouvelle rencontre entre les deux hommes semble désormais probable.
Les déclarations publiques du républicain, qui n’a jamais caché sa « bromance » avec Kim, trouvent un écho favorable à Pyongyang, où le chef suprême affirme avoir « conservé d’excellents souvenirs » du milliardaire.
Si le dialogue devait reprendre, celui-ci ne porterait toutefois pas sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, une hypothèse fermement exclue par le pouvoir local, qui considère son programme atomique comme un outil de dissuasion indispensable et attend des Américains qu’ils abandonnent leur « obsession pour la dénucléarisation »⁷.
Rompant avec le secret traditionnellement privilégié par le régime nord-coréen sur son programme nucléaire, la présentation du nouveau missile balistique intercontinental (ICBM) Hwasong-20, d’une portée de 15 000 km — suffisante pour atteindre le territoire américain⁸ — à l’occasion du défilé relevait autant de la démonstration de force que de la volonté de réaffirmer publiquement l’attachement indéfectible du régime à son atout nucléaire.
Parallèlement, la Corée du Nord s’attelle à moderniser un armement conventionnel datant de la période soviétique et désormais obsolète. Kim entend profiter de sa proximité croissante avec Vladimir Poutine pour moderniser son stock de chars, de fusils ou encore de systèmes de défense aérienne. Kim Jong-un a ainsi déclaré vouloir « simultanément poursuivre le renforcement de son potentiel nucléaire et de son arsenal conventionnel »⁹.
Le chef suprême n’ignore pas non plus le rôle grandissant des drones sur les champs de bataille et profite à ce titre de transferts de technologies en provenance de Moscou, de même que de formations dispensées à ses hommes ou d’assistance dans la mise en place de chaînes de production.
La flotte du régime fait également l’objet d’une modernisation d’envergure, comme en atteste la visite de Kim Jong-un début octobre du Choe Hyon, navire de guerre de 5 000 tonnes pouvant être équipé de missiles nucléaires et ayant vocation à « punir les provocations ennemies »¹⁰. Une démarche qui souligne l’attachement du dictateur à l’idéologie Juche, doctrine qui vise notamment à assurer l’autonomie militaire du régime¹¹.
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¹ *China Briefing* — [The US-China Trade War: A Timeline](https://www.china-briefing.com/news/the-us-china-trade-war-a-timeline/)
² *CNN International* — [Kim Jong-un visits China](https://edition.cnn.com/2019/01/07/china/kim-jong-un-visit-china-intl)
³ *South China Morning Post* — [How Kim Jong-un notched a big diplomatic win in Beijing](https://www.scmp.com/opinion/asia-opinion/article/3324635/how-kim-jong-un-notched-big-diplomatic-win-beijing)
⁴ *Revue Conflits* — [Ukraine : la Corée du Nord au côté de la Russie](https://www.revueconflits.com/ukraine-la-coree-du-nord-au-cote-de-la-russie/)
⁵ *The Washington Post* — [North Korea marks Workers’ Party anniversary with China and Russia](https://www.washingtonpost.com/world/2025/10/09/north-korea-kim-workers-party-china-russia/)
⁶ *Le Figaro* — [Les images de la rencontre historique entre Donald Trump et Kim Jong-un](https://www.lefigaro.fr/international/les-images-de-la-rencontre-historique-entre-donald-trump-et-kim-jong-un-a-la-frontiere-coreenne-20190630)
⁷ *CNN Politics* — [Kim Jong-un responds to Donald Trump Asia trip](https://edition.cnn.com/2025/10/18/politics/kim-jong-un-donald-trump-asia-trip)
⁸ *Le Journal du Dimanche* — [Qu’est-ce que le missile Hwasong-20 ?](https://www.lejdd.fr/International/coree-du-nord-quest-ce-que-le-missile-hwasong-20-162811)
⁹ *The Wall Street Journal* — [Kim Jong-un wants a military that’s more than just nukes](https://www.wsj.com/world/asia/kim-jong-un-wants-a-military-thats-more-than-just-nukesand-russia-can-help-9aa41cd8)
¹⁰ *Le Figaro* — [Kim Jong-un inspecte un nouveau navire de guerre de 5 000 tonnes](https://www.lefigaro.fr/international/coree-du-nord-kim-jong-un-inspecte-un-nouveau-navire-de-guerre-de-5-000-tonnes-20251006)
¹¹ *Revue Conflits* — [L’idéologie nord-coréenne Juche, au-delà du communisme](https://www.revueconflits.com/lideologie-nord-coreenne-juche-au-dela-du-communisme/)









