<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La Dark Fleet, ou les limites des sanctions contre la Russie

5 septembre 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Pétrolier russe (c) pixabay
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La Dark Fleet, ou les limites des sanctions contre la Russie

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La Dark Fleet, forte de 600 navires pétroliers russes, nargue les Occidentaux qui peinent à voir l’effet de leurs sanctions contre la Russie.

Article paru dans le numéro 47 de septembre 2023 – Occident. La puissance et le doute.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, les sanctions touchent le transport maritime russe, que les navires soient sous pavillon national ou simplement contrôlé par des intérêts russes. Les exportations énergétiques sont également ciblées, le but étant de faire céder la Russie en la frappant au portefeuille. Mais cet objectif n’est pas si simple à atteindre, et c’est désormais une flotte estimée à 600 navires qui participe au transport du pétrole ou des produits pétroliers russes.

En effet, la Russie ne pouvait pas se laisser abattre par ces sanctions, d’autant qu’elle est routinière de celles-ci depuis qu’elle a mis la main sur la Crimée en 2014. D’autres États sont également devenus coutumiers du commerce en eaux troubles depuis plusieurs années : la Corée du Nord, l’Iran, le Venezuela, la Syrie ou encore la Libye, lesquels échangent parfois avec des États plus en vue comme la Chine ou la Turquie.

Les modes opératoires employés sont éprouvés depuis plusieurs années : l’utilisation de sociétés-écrans basées dans des paradis fiscaux ainsi que de pavillons de complaisance, parmi lesquels des registres frauduleux agissant sans l’accord de l’État concerné, les coupures d’AIS[1] ou transmission de fausses positions, l’usurpation de l’identité d’autres navires… Une différence majeure toutefois depuis l’invasion de l’Ukraine : il y a un vrai changement d’échelle, la flotte concernée étant beaucoup plus nombreuse.

Outre le fait qu’elle met à mal les sanctions occidentales, cette flotte de navires souvent anciens et mal entretenus représente un risque pour la sécurité maritime et l’environnement. Il y a eu plusieurs exemples d’accidents survenus durant des opérations douteuses, l’un des plus spectaculaires étant l’incendie du Candy et du Maestro, survenu en 2019 pendant un transfert clandestin de gaz destiné en Syrie.

Le 1er mai dernier, c’est l’incendie du pétrolier Pablo, alors au mouillage au large de la Malaisie, qui est venu rappeler que le risque était plus que jamais d’actualité. Finalement, sa gravité se révèle limitée, car le pétrolier était lège, et il se trouvait à l’écart des zones à fort trafic. Cependant, il est devenu un vrai casse-tête pour les autorités malaisiennes, car aucune entreprise ne souhaite intervenir sur l’épave, craignant de contrevenir aux sanctions qui frappent le navire.

Mais d’autres accidents pourraient se produire à l’avenir, y compris des marées noires, d’autant que certains navires de cette flotte ont une capacité conséquente, et ne sont pas mieux entretenus que le Pablo. Par exemple, le Titan, un pétrolier de 300 000 tonnes de port en lourd, a été détenu début mai par la Chine, avec plusieurs déficiences relevées portant sur la sécurité incendie. D’autres navires de ce type ont été détenus dans les ports de l’empire du Milieu, mais cette politique semble plus destinée à écarter les navires les plus dangereux qu’à éliminer ceux qui ne respectent pas les sanctions.

On notera enfin que les pays européens ne sont pas à l’abri d’un tel accident, car des pétroliers de la Dark Fleet transitent toujours par les eaux européennes, et continueront probablement à le faire à l’avenir. En effet, il est facile pour les Européens d’empêcher des navires d’accéder à leurs ports, mais il est difficile d’intercepter des navires en transit, ou plutôt de gérer les suites de ce type d’opération. Les navires russes arraisonnés par la France en 2022 sont en effet devenus un fardeau pour les ports où ils sont consignés, et le départ de l’un d’entre eux, le Baltic Leader, qui navigue de nouveau sous ses couleurs russes, a été vu avec soulagement par la communauté portuaire nordiste. D’une façon générale, les échanges commerciaux par la mer semblent se jouer depuis plusieurs années des sanctions occidentales, surtout lorsqu’il existe des acheteurs ou des vendeurs au bout de l’expédition maritime.

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[1] Automatic Identification System : sert à transmettre en temps réel l’identité et la position du navire.

À propos de l’auteur
Jean-Yves Bouffet

Jean-Yves Bouffet

Officier de la marine marchande.
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