La présidence indienne du G20 : Naviguer entre convergence et divergence avec l’UE

15 février 2023

Temps de lecture : 5 minutes
Photo : Le sommet du G20 ou Groupe des Vingt est l'occasion de présenter l'Inde au monde entier. Ashish Vaishnav / SOPA Images//SOPAIMAGES_09400001/Credit:SOPA Images/SIPA/2212070957
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La présidence indienne du G20 : Naviguer entre convergence et divergence avec l’UE

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La présidence indienne du G20 en 2023 est l’occasion pour le pays de montrer son leadership sur la scène mondiale. Si les relations avec l’UE sont meilleures, il y aura nécessairement des divergences à aplanir. 

Mohit Anand est professeur de commerce international et de stratégie à l’EMLYON Business School. Neeraj Singh Manhas est le directeur de recherche du Consortium Indo-Pacifique à Raisina House, New Delhi.

L’Inde ayant pris la présidence du G20 en 2023, elle sera dans une position privilégiée pour conduire les discussions et les décisions entre les pays qui composent le groupe. Étant donné que l’Inde et l’Union européenne (UE) sont toutes deux des acteurs de premier plan de l’économie mondiale, il est essentiel d’étudier la nature de l’interaction entre les deux régions. 

Au G20, l’Inde devrait également souligner l’importance d’une croissance inclusive, en mettant l’accent sur la création d’opportunités d’emploi, la promotion de la protection sociale et l’amélioration de la qualité de vie de tous les citoyens. L’Inde mettra l’accent sur le développement durable, en s’attachant à équilibrer les priorités économiques, sociales et environnementales. En outre, on s’attend à ce que l’Inde se concentre sur la nécessité d’une plus grande coopération internationale pour relever les défis mondiaux tels que le changement climatique, la pandémie de COVID-19, et la nécessité d’un ordre économique mondial plus équitable et durable. L’Inde est donc particulièrement bien placée pour défendre les aspirations des pays du Sud. 

Domaines de convergence

L’environnement et le climat durable ainsi que les transitions énergétiques figurent parmi les thèmes clés identifiés pour le forum du G20. Les groupes de travail se pencheront sur les questions environnementales et climatiques, la sécurité, l’accessibilité et l’accès à l’énergie, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’innovation, la technologie et le financement. L’Inde et l’UE ont toutes deux reconnu l’importance d’investir dans les énergies propres et de renforcer la coopération en matière d’environnement en mobilisant des fonds pour le climat et en partageant le savoir-faire et les meilleures pratiques entre les pays membres. 

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Le changement climatique et les énergies propres sont un thème fondamental de la feuille de route du partenariat stratégique entre l’Inde et l’UE. Les modèles de coopération élaborés dans le cadre du « Partenariat Inde-UE sur l’énergie propre et le climat » et du « Groupe de travail conjoint Inde-UE sur l’environnement » pourraient être utiles pour les discussions et la mise en œuvre au sein du forum du G20. Ces domaines pourraient être axés sur la coopération en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables, y compris leur intégration dans le système énergétique, notamment par le biais de réseaux intelligents, ainsi que sur la transition vers une économie circulaire et économe en ressources et la promotion de l’intégration des préoccupations et des solutions environnementales dans les politiques de croissance économique. En outre, faire progresser la plateforme internationale sur la finance durable (IPSF) établie par l’UE en 2019, afin d’intensifier la mobilisation des capitaux privés vers des investissements durables sur le plan environnemental à l’échelle mondiale, pourrait renforcer ce programme. L’IPSF est reconnue comme un réseau clé de décideurs politiques qui partagent les meilleures pratiques et comparent les approches et les outils de la finance durable en vue de les rendre plus comparables et interopérables. Ceci est conforme aux indications du groupe de travail du G20 sur la finance durable (SFWG) qui, pour l’IPSF, est un partenaire clé en matière de connaissances. 

En outre, il existe de grandes possibilités de convergence entre la présidence indienne du G20 et l’UE dans les domaines liés à l’économie numérique, aux soins de santé, à l’éducation, au commerce et à l’investissement, afin de parvenir à une croissance sociale et économique inclusive, en particulier dans les pays en développement. L’UE, en tant que bloc commercial et économique de premier plan, pourrait explorer les moyens de coopérer avec les économies en développement pour renforcer le système commercial multilatéral, promouvoir la coopération et la coordination des politiques d’investissement au niveau mondial, ainsi que des chaînes de valeur mondiales inclusives et coordonnées.

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Domaines de divergence 

Malgré plusieurs domaines de convergence, il existe également des disparités importantes qui pourraient avoir un effet sur l’élaboration et la réalisation de l’agenda du G20 cette année. En premier lieu, la position sur le conflit ukrainien et la manière d’aborder la Russie au forum du G20. Les tensions géopolitiques accrues dues au conflit ont vu les pays membres du G20 divisés dans leur réponse à la Russie. Alors que des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres ont adopté une position plus prudente et neutre sur le conflit. L’UE, les États-Unis et d’autres puissances occidentales souhaitent que les pays membres du G20 adoptent une attitude plus affirmée pour isoler la Russie. Il s’agira d’un grand défi pour la présidence indienne, car d’une part, elle jouit d’une amitié sans faille avec son ami historique et de confiance, la Russie, mais d’autre part, elle ne veut pas délimiter le bloc occidental au sein du forum – avec lequel elle a trouvé des voies de collaboration plus récentes avec la « Quadrilatérale dans l’Indo-Pacifique« , l’accord de libre-échange Inde-UE proposé, pour n’en citer que quelques-unes. Bien que l’Inde puisse affirmer que le G20 n’est pas une plateforme de sécurité pour résoudre les problèmes géopolitiques, le conflit en cours va néanmoins jeter une ombre sur le forum du G20 et ses résultats globaux pour la communauté mondiale, comme ce fut le cas lors du sommet de Bali l’année dernière sous la présidence de l’Indonésie. L’autre domaine de divergence pourrait consister à pousser les pays développés (comme l’UE) à abaisser les droits de douane, à améliorer la facilitation des échanges et à fournir un plus grand soutien à la résilience des soins de santé et des mécanismes de financement du climat aux pays en développement.  

Implications pour la présidence indienne du G20 

Pour la présidence indienne du G20, il sera essentiel de réussir à négocier les disparités qui existent entre l’Inde et le Sud de la planète, d’une part, et l’UE et les pays développés, d’autre part. L’Inde devra trouver un terrain d’entente pour équilibrer son engagement en faveur de la promotion d’une croissance socio-économique inclusive dans les pays en développement, tout en engageant l’UE et les partenaires transatlantiques à aborder l’agenda mondial sur le changement climatique et l’environnement durable. L’Inde doit veiller à ce que son leadership au sein du G20 soit inclusif, transparent et axé sur la production de résultats significatifs pour tous les pays membres. Elle doit ainsi créer un équilibre des pouvoirs, des valeurs et des priorités dans ce monde profondément fragmenté.

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Conclusion 

Dans un environnement international complexe, l’Inde et l’Union européenne, qui sont toutes deux des « unions de la diversité », partagent les valeurs de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme et sont également convaincues de la nécessité de préserver l’ordre international fondé sur des règles et un multilatéralisme efficace. Cette relation est dynamique et jouera un rôle important dans l’obtention de résultats substantiels pour le forum du G20. La capacité de l’Inde à surmonter ces obstacles et à obtenir des résultats significatifs pour la communauté internationale déterminera en fin de compte le succès de la présidence indienne, et le rôle de l’UE sera déterminant à cet égard.  

À propos de l’auteur
Mohit Anand

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Mohit Anand est professeur de commerce international et de stratégie à l'EM LYON, en France.
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